Bien joué le Parlement européen !
Le Parlement européen a mis à exécution (13 mars 2013) la " menace " qu'il avait agitée au lendemain du Sommet européen de février 2013 : il a rejeté par 506 voix contre 161 le projet de budget (en fait surtout le cadre financier 2014-2020) élaboré par le Conseil.
Cette large majorité confirme que le Parlement a su développer une personnalité et une cohérence propres, ainsi qu’une forte autonomie, vis-à-vis des partis nationaux mais aussi des autres institutions européennes. Notons au passage la belle vertu politique de certains députés qui prennent ainsi le risque de ne plus figurer parmi les candidats de leur parti pour les prochaines élections européennes.
Certains auraient souhaité une position encore plus radicale, mais cette contestation marque une première étape, qui fera date dans la construction européenne et qui tranche très heureusement avec le rase-mottes politico-budgétaire pratiqué par le Conseil européen sur le même sujet.
Contestation fort habile au surplus puisque, ne mettant pas en cause le montant global du cadre financier pluriannuel - pourtant largement réduit par rapport aux demandes initiales du Parlement et de la Commission - elle évite de placer le débat sur un terrain qui aurait permis aux chantres de la rigueur de stigmatiser une prétendue irresponsabilité des députés.
Au lieu de cela, le Parlement a formulé des demandes frappées au coin du bon sens, qu’il sera d’autant plus difficile de critiquer et de refuser : possibilité de transférer des crédits inutilisés d’un exercice sur l’autre et d’une affectation à une autre ; retour aux principes fondateurs, c'est-à-dire à des ressources financières propres à l’Union européenne, par opposition aux contributions directes des Etats, très propices aux tractations électoralistes et à courte vue ; possibilité de réviser à mi-parcours le cadre financier 2014-2020.
Voila qui promet de beaux débats avec le Conseil. Comment notamment nier qu’il pourrait être opportun, en 2016/2017, de réexaminer le cadre financier à 7 ans, pour tenir compte des évolutions de tous ordres susceptibles d’intervenir d’ici-là et permettre au Parlement élu en 2014 de faire valoir son opinion ?
Le Parlement, dont le Conseil et la Présidence européenne n’ont guère écouté les avis, pourtant mesurés, au cours de la longue période de préparation budgétaire, sera d’autant plus enclin à tenir ferme qu’un échec de la codécision aurait pour premier effet de reconduire en 2014 le budget de 2013, majoré de l’inflation (en vertu du point 30 de l’Accord interinstitutionnel de 2006 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission, sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière), c'est-à-dire à un montant sensiblement plus élevé que celui arrêté par le Sommet de février. C’est donc désormais le Parlement qui tient le Conseil par la barbichette. Bien joué !
Alain Lamassoure, président de la commission des Budgets et figure de proue de cette bronca du Parlement européen, vient de publier une note qui constitue une salutaire synthèse, à la fois factuelle et d’opinion, sur cette question : http://www.robert-schuman.eu/doc/questions_europe/qe-270-fr.pdf
Il y prend position pour une « fédération budgétaire » de l’Union européenne, qui la mettrait en meilleure situation de compétitivité internationale.
Cette formulation appelle deux observations :
- L’Union européenne a mis en place une « Union économique et monétaire » qui n’en était pas une, le volet de la coordination économique ayant été escamoté au bénéfice de la seule monnaie commune. On nous parle maintenant de fédération budgétaire. S’achemine-t-on vers une nouvelle demi-mesure ? Qu’est-ce qu’un budget sinon l’expression d’une politique ? Dans ces conditions, peut-on parler de fédération budgétaire sans envisager une forme de fédération politique ?
- On voit qu’Alain Lamassoure aspire à une Europe combative sur le grand ring de la mondialisation : « A l’âge de la compétition mondiale exacerbée, l’Europe peut être considérée comme un athlète, qui doit impérativement retrouver la forme maximum pour reprendre, à armes égales, la lutte sans merci avec les redoutables concurrents américains, chinois, indiens, brésiliens, qui l’ont distancée pendant son absence des stades. L’entraînement de haut niveau, la musculation, le régime de champion, c’est l’objet de la politique de compétitivité et des investissements d’avenir résumés dans le programme « Europe 2020 » »
L’ambition majeure de l’Union européenne doit-elle être cette « compétition mondiale exacerbée » ? cette « lutte sans merci », avec des concurrents " redoutables " ? Ce langage guerrier est bien dans le ton de la mondialisation ultralibérale. On fait quoi des vaincus ?
On peut souhaiter une Europe forte et solidaire, mais qui saurait précisément s’affranchir de ce culte mortifère de l'affrontement international, pour son plus grand bien et celui de ses partenaires : http://www.citoyensunisdeurope.eu/economie-et-societe/la-course-a-la-competitivite-ou-panurge-au-pouvoir-merkel-austerite-protectionnisme-libre-echange-mondialisation-pascal-lamy-omc-world-policy-conference-t425.html
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