Bienvenue chez les cons-ommateurs ! Bienvenue dans l’univers du calcul !

De quoi parle l’information des temps-ci ? De chiffres et de petits calculs. On n’a jamais autant diffusé de chiffres. Les cyclistes sont paraît-il des fainéants. Pas les vrais de vrais, ceux qui se font 120 bornes le dimanche entre copains, sans Paulette, mais avec quelques côtes. Non, ce sont les usagers de vélib. Des sacrés combinards qui évitent de laisser les vélos dans des stations en altitude. On imagine aisément la situation. Paris, c’est un parcours des Alpes. Des montées de première catégorie. Parfois 70 mètres de dénivelé. De quoi alerter les services de la ville de Paris pour remédier à ce dysfonctionnement et offrir 15 minutes gratuites à ceux qui laissent les vélos dans des stations en altitude. On reconnaît bien là la nature humaine. Des petits calculs. Et la mairie trop humaine de jouer les petits calculs. La rationalité a autant libéré l’homme qu’elle l’a asservi vers des obsessions calculatrices ayant engendré les avares et tous ces petits arrangements, ces petites combines par lesquelles chacun se sent un rusé. Petites combines comme pendant la Résistance. Maintenant, combien d’aliénés chassant les bons de réductions, les smilies, les bons de réduction, armés de cartes de fidélités ; comptons aussi ceux qui sont prêts à bouffer trois kilos de fromage frais par semaine parce qu’il y a au bout 2 euros en bon d’achat.
Les petits calculs sont aussi un instrument de gestion pour les finances. Le ministre Bertrand voudrait piquer dans les Unedic pour financer le déficit des retraites. 20 euros de moins pour un chômeur et 20 de plus pour un vieux. La prime pour l’emploi ne sera plus attribuée comme avant pour ceux qui ont une fois et demie le Smic. On grappille ici quelques euros pour financer le RSA. C’est ridicule, ces miettes n’ont aucun impact sur le budget, mais, sur le plan symbolique, c’est une catastrophe. Martin Hirsch est ridicule lorsqu’il défend ces petits calculs. On dirait qu’il a pris du poids, sans doute, consomme-t-il trop de fromages frais et de matières grasses pour avoir quelques points de bonus, ou alors il abuse des buffets ministériels et autres gâteries dînatoires offertes pour entretenir les amitiés entre décideurs. La société en est là. Le drame de la pingrerie, le marasme des petits calculs, des obsédés de la bonne gestion sourcilleux du premier euro dépensé, mais qui iront massacrer le budget sur des manifestations spectaculaires, un peu comme le Français rechigne à manger correctement pour se payer un week-end à Eurodisney ou céder aux caprices des ados et leur payer le concert de la Star Ac’ à 40 euros la place pour entendre quelques singes vocaux chanter des vieux tubes.
En Ecosse, suite à une grève dans une raffinerie de pétrole, les gens ont eu peur d’une pénurie d’essence. Quelques mouvements de panique ont été observés. En Israël, un supermarché a dû limiter les ventes de riz à cause de mouvements d’achat intempestifs liés à une peur de « pénuriz ». Le monde s’affole et ça c’est vraiment l’homme, comme le chanterait Téléphone ! Jamais autant de biens n’ont été disponibles et voilà que la peur de manquer se fait jour. Rien que de l’ordinaire en fait. Chez nous, il suffit de nous rappeler les paniques aux stations lors des derniers blocages de raffinerie. En Iran, des émeutes pour l’essence se sont produites l’année dernière. Il suffirait de quelques annonces pour voir les gens remplir les chariots de biens alimentaires placés dans la spirale inflationniste. Ils ne feraient juste que spéculer à leur niveau. Chacun, s’il a suffisamment de liquidités, peut spéculer et acheter du riz ou des pâtes qu’il va stocker pendant quelques mois. Il aura gagné quelques euros et le délicieux sentiment d’être plus rusé et intelligent que son voisin. D’ailleurs, il n’hésitera pas à se vanter de ses maigres gains et c’est là qu’on le reconnaît, celui qui ose tout, le con-sommateur, fier de sa cave remplie de sac de riz ! Autant dire que le gouvernement, avec ses petits calculs, ses primes, vise à satisfaire les consommateurs. Mais il y a ceux qui gagnent peu et ceux qui gagnent beaucoup. Alors les petits calculs, les petites combines fiscales sont modulées en fonction du niveau de vie. Sachant qu’un riche con-sommateur boudera les 100 euros annuels de gratification qui pour un pauvre con-sommateur représentent une fortune.
Le gouvernement prend les gens pour des consommateurs. Il ajuste ses réformes pour satisfaire le maximum de calculateurs. Et c’est une bonne stratégie puisque les consommateurs sont majoritaires dans ce pays. C’est du moins ce que pensent les politiciens. Les plus doués, Sarkozy et Royal, savent flatter les consommateurs en leur donnant l’impression d’être intelligents. Comme ce représentant de commerce qui vous vend un produit plus cher que celui du concurrent en vous faisant croire que le sien est truffé de combines et d’astuces et que vous allez en tirer un avantage face à cet idiot de voisin qui ira se faire plumer par la concurrence. Les politiciens sont au plus près des préoccupations des consommateurs puisque les consommateurs sont majoritaires dans ce pays. Du moins, les élites le pensent et ils n’ont pas forcément tort car on reconnaît souvent les tares chez les autres quand on les porte soi-même. Et les Français vont finir par s’en persuader, qu’ils sont consommateurs et qu’ils doivent persister dans leur consommation car là est leur destination naturelle. Leur accomplissement comme exemplaire achevé du genre humain.
Soyons modernes a dit la ministre Lagarde. La France a besoin de centres commerciaux pour faire jouer la concurrence. Il faut faire sauter les verrous. Baudelaire détestait ce qu’il voyait comme une fumisterie, les éclairages au gaz, le progrès. Il n’aurait pas pu entrer dans une grande surface, pris de malaise, avant même de pouvoir pousser son chariot dans les rayons. Cela dit, il n’y a pas que du mauvais dans le progrès. L’essentiel n’étant pas d’être moderne ou anti-moderne, mais de s’y retrouver, d’être soi, de savoir où on habite et de pouvoir rentrer chez soi sans avoir besoin d’un GPS. Mais qui sait, un jour, votre GPS sera équipé d’un comparateur de prix et d’un aide au pouvoir d’achat. Il est impensable que les industriels n’y aient pas pensé. Vous entrez votre panier standard et le système vous dirige directement vers la grande surface la moins chère en calculant évidemment le prix du carburant. Quel miracle, les consommateurs malins, un nouvel âge pour le commerce de proximité avec son aide au calculateur mental. Mais est-ce rentable ? Si oui, cette innovation sera vendue, sinon, elle sera proposée dans un roman de science-fiction.
Le lundi, Martin Hirsch calcule, le mardi c’est Xavier Bertrand, le mercredi, les ministres présentent leur feuille de calcul au président, le jeudi, Christine Lagarde calcule, le vendredi c’est Roselyne Bachelot, le samedi Borloo prend l’apéro sans compter. Relâche pour le gouvernement, mais tous les Français vont pousser leur chariot et calculer la valse des étiquettes et des bons d’achat. Le dimanche, c’est repos, c’est souvent resto, les uns continuent à calculer pour partager la note du resto, les autres ne lisent même pas les prix avant de commander, beaucoup se contentent d’un plat de nouille chez eux et n’ont même plus la joie d’écouter les petits chanteurs de Pascal Sevran. Et puis, lundi, ça recommence. A la fin du mois, chacun calcule ce qu’il a dépensé, les primes, les augmentations, les impôts. Pendant ce temps, soixante experts dirigés par Eric Besson font de la prospective, pas moins de huit commissions qui vont se réunir au moins quatre fois pour savoir où en sera la France dans plus de quinze ans. On peut être sûr qu’ils ont aussi la calculette avec eux. Déjà un chiffre annoncé par Besson. En 2025, 11 % des créations d’emplois seront liées à la dépendance. Il est très fort ce Besson. Il a même calculé comment rester en poste en 2012. En affirmant que Ségolène Royal s’impose à la tête du PS. Alors, en 2012, on connaît la chanson et Besson sera peut-être même nommé ministre d’Etat sous Sarkozy II.
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