Bonnet blanc et blancs benêts : les Français des années troubles
En l’an 1941 de notre ère, à l’approche de Noël, le préfet de la Loire Inférieure avait voulu donner du baume au cœur de ses administrés et avait fait placarder l’appel suivant : « Selon le désir du Maréchal, les fêtes de Noël doivent être célébrées sur un thème de dignité et de communauté nationales. Il suggère à chaque Français de passer la soirée du 24 et l’après-midi du 25 en famille, et d’ouvrir son foyer aux séparés qui ne peuvent, par suite des circonstances, se trouver unis à tous les leurs. » Le cœur n’y était pas vraiment et l’absence de nombreux pères retenus captifs en Allemagne pesait sur le moral des enfants.
Quatre-vingt années plus tard, le moral n’est pas franchement meilleur, mais la problématique - et la doctrine - sont inverses. Le préfet du Lot, dans ses consignes pour Noël et le jour de l’An, répercute civilement les mots d’ordre de sa hiérarchie dans une note du 16 décembre : « Les déplacements seront tolérés entre 20 h et 6 h, dans la nuit du 24 au 25 décembre, pour partager des moments avec ses proches. Il est vivement recommandé qu’à l’occasion de ces fêtes, le nombre d’adultes soit limité à 6 personnes afin d’éviter les rassemblements trop importants et de respecter scrupuleusement les gestes barrières. »
La même note préfectorale, dans la plus pure tradition du régime de Vichy, glisse en toute modestie un message d’autosatisfaction : « Toutes les données montrent l’efficacité des mesures prises, même si le taux d’incidence reste encore élevé et montre que le virus reste actif dans le Lot ». Et avec un culot confondant, typique des officines de propagande versés dans l’art du double langage, voilà qu’elle trouve le moyen de se contredire ouvertement sans même qu’on ait à s’en mêler : « Depuis quelques jours, les chiffres de circulation de la maladie se maintiennent, voire augmentent. D’où la prudence reste de mise. Ainsi, le 2 novembre 2020 (début du confinement), le taux d’incidence était de 192,3 pour le Lot. Il avait grimpé à 222,3 le 9 novembre (pic de l’épidémie dans le Lot). Au 26 novembre ce même taux d’incidence redescendait à 96,6 et ce mercredi 16 décembre il s’affichait à 73, 3. »
Pour le reste, le bon peuple de France sait depuis longtemps à quoi s’en tenir, mais on imagine sans mal le plaisir qu’a dû éprouver le scribouillard de la préfecture quand il a soumis sa copie à son chefaillon pour tamponnage immédiat :
« En cas de non-respect des règles instaurées dans le département, le contrevenant s’expose à une amende de 135€. En cas de récidive dans les quinze jours suivants la première amende, le montant s’élève à 200€. Après trois infractions dans un délai de trente jours, le contrevenant risque jusqu’à six mois d’emprisonnement et 3 750€ d’amende. En cas de non-paiement ou de non-contestation dans le délai indiqué sur l’avis de contravention, les amendes sont majorées : 375€ au lieu de 150€ et 450€ au lieu de 200€. »
Paris est une fête
Les Lotois, du moins, n’auront pas à se sentir lésés. S’ils ne comptent qu’un seul patient en réanimation Covid sur l’ensemble du territoire (pour 171 000 habitants), c’est toujours un de plus que dans la Creuse où les mêmes restrictions s’appliquent : fermeture des bars, des restaurants, des musées, des salles de sport, des cinémas et des théâtres où les fantômes des Français de 1940 pourront se retrouver joyeusement comme au bon vieux temps de l’Occupation, dont on sait qu’elle fut une période resplendissante de la vie culturelle, parisienne en particulier. Plus de quatre cents pièces furent jouées à Paris sous l’Occupation et jamais le théâtre n’avait été plus brillant ni plus populaire. Sartre, Camus et Montherlant y virent jouer leurs premières œuvres, aux côtés de Cocteau, Anouilh, Guitry, Claudel et Giraudoux. On croisait des Allemands sur les trottoirs sans avoir à produire d’attestation et si l’on était une femme, on pouvait même avoir droit à un salut galant de la part d’un officier. Depuis la fenêtre de son appartement du Palais-Royal, Colette passa ainsi des heures à observer les longues queues de la Comédie-Française, elle qui écrivait dans les pages de son journal : « Des expectants des deux sexes prennent la précaution d’apporter un journal et s’en font des houseaux attachés avec une ficelle contre le froid. » (Colette, De ma fenêtre, 1941)
Il est vrai que l’hiver 1941-1942 fut particulièrement rigoureux en Europe. La ville de Paris n’a pas dégelé pendant trente jours. On mourrait littéralement de froid dans les camps de prisonniers, et Guillaume Séchet nous rappelle que « dans les écoles souvent mal chauffées, les élèves recevaient quatre biscuits vitaminés par jour. Les chaussures en semelles de bois et les textiles synthétiques étaient à l’honneur, et pour pallier la carence de bas de soie, les Françaises s’enduisaient les jambes d’une teinture jaunâtre. » Pas d’écharpe obligatoire ni de masque sur le museau, mais des files d’attente, aussi, devant les commerces essentiels pour se procurer des produits de première nécessité, tickets de rationnement en main. Les restaurants parisiens - comme les théâtres et les cinémas - accueillaient volontiers les grippés et les bronchiteux, mais ils ne pouvaient servir que deux assiettes consécutives à un client, économie de guerre oblige.
Dans le livre La France sous l’Occupation (Julian Jackson, Flammarion, 2004), l’auteur nous dit que « la culture offrait un refuge pour fuir les difficultés du quotidien ; les cinémas et les salles de théâtre étaient aussi une façon de se mettre au chaud alors qu’il manquait de combustibles. » Attraper un microbe au coin d’une rue n’était, à la différence d’aujourd’hui, qu’un risque parmi tant d’autres, et les ancêtres de Jean Castex auraient eu davantage de mal à implorer leurs ouailles « de ne pas tomber malade pour soulager l’hôpital. » Il est vrai que même à cette époque de restrictions et de souffrances, c’est encore à l’hôpital qu’on demandait de soulager les malades, et non l’inverse.
La tête basse, mais le ventre plein
Pierre Laborie, dans son ouvrage Les Français des années trouble (DDB, 2001), rappelle ces mots amers de Malraux à l’endroit de ceux qui, de 1941 à 1943, se succèdent pour le convaincre de rejoindre la Résistance : « J’en ai assez de me battre pour des causes perdues ». Le même Malraux, nous dit l’auteur, « avait écrit après l’écroulement de 1940, désabusé, des pages excessivement dures, aux limites du mépris, sur le spectacle désespérant d’une France avachie dans sa masse, sur la médiocrité de ceux qui ne savent vivre qu’au jour le jour. » Jean Grenier (Sous l’Occupation, éditions Claire Paulhan, 1997) se souviendra de lui avoir entendu dire : « J’ai cru aux masses, au peuple, je me demande aujourd’hui ce que cela signifie. »
Malraux ne fut pas le seul, manifestement, à tomber de son petit nuage. Le jésuite Pierre Chaillet, arrivant du Liban à Marseille le 28 décembre 1940, découvre avec stupeur que la population « prostrée par la défaite et soulagée par l’armistice était dans un état d’apathie généralisée. » Au printemps 1939, déjà, Emmanuel Mounier, le directeur de la revue Esprit, s’inquiétait ouvertement de la léthargie mentale et intellectuelle de la population, prémisse à la sidération de juin 1940 : « Nous avons subitement senti une sorte de langueur mortelle dans notre pays, cette première syncope des volontés qui annonce leur soumission prochaine. » (Esprit, n°80, mai 1939)
Il n’est pas impossible que les historiens du futur se fassent le même type de réflexions en potassant des albums photos du Paris de l’automne 2020. Du Jardin des Plantes au parc Monceau en passant par la Coulée verte, qui sait ce qu’ils penseront à la vue de cette collection de museaux bleus, blancs, rouges couvrant ad suffocam les appendices naseaux d’une nouvelle génération d’humanoïdes recherchant d’une bien curieuse manière à jouir des vertus du grand air ? La peur du flic – ou du gardien –authentifiée par des témoins directs leur fournira sans doute un élément de réponse, mais rien ne dit qu’ils s’en contenteront sans pousser plus loin leurs analyses.
Pierre Laborie, comme de nombreux historiens spécialistes de l’Occupation, n’a jamais vraiment cessé de chercher à comprendre les raisons du « recours au vieux maréchal et les adhésions à Vichy. » Il a suivi des pistes, compilé des témoignages, émis des hypothèses. L’une d’elles, en particulier, a le mérite de nous être très parlante : « On sait ce que furent l’importance de la peur et le rôle de l’idéologie du repli, refuge et issue de secours illusoires. Omniprésentes sans être pour autant perceptibles, multiformes, les pressions irrationnelles de la peur, si elles n’expliquent pas tout, construisent un phénomène collectif d’une incontestable puissance d’influence. » Et un peu plus bas, reliant cette montée de la frousse dans la France des années 1930 aux ravages de la guerre d’Espagne sur l’état de l’opinion : « L’imaginaire de l’Espagne, projeté sur le devant de la scène ou évoqué en transparence, développe un engrenage de paralysie. Il est à la fois à l’origine des raisons qui créent le sentiment d’angoisse collective et au carrefour de ceux qui l’entretiennent. L’Espagne rend la France malade de la peur. »
En 2020, ç’aura été Bergame au lieu de Guernica, et l’Italie à la place de l’Espagne. « A Bergame, nous faisons un enterrement toutes les trente minutes », relayait avidement Libération le 18 mars tandis que tournaient en boucle, sur les chaînes d’information continue, les images choc de malades embouteillant les couloirs des hôpitaux. On sait aujourd’hui que la rupture du front hospitalier, en Lombardie comme dans le Grand Est, a tenu pour beaucoup à l’effet de panique et au démembrement malheureux de la médecine de ville. Dès le 22 mars, le professeur italien Giorgio Palu avait le recul nécessaire pour observer : « Ils ont eu tendance [en Lombardie] à hospitaliser trop rapidement et de manière excessive. Or le coronavirus est une maladie à très grande diffusion nosocomiale. »
Dix mois plus tard, le temps n’est plus à la panique, mais le raz-de-marée printanier a durablement marqué une bonne partie de l’opinion. En outre, si les Français de 1940 n’avaient eu droit qu’à la Blitzkrieg, ceux de 2020 ont, par la grâce et la perfidie de leurs apprentis dirigeants, basculé de façon insidieuse du choc de la guerre éclair aux pesanteurs moroses de la guerre de tranchée. Une guerre d’hiver, une guerre d’usure, menée implacablement par l’Occupant intérieur contre une population qu’il cloître dans ses phobies – et dans ses dissensions.
Depuis le milieu de l’été, tout est graduel, tout est sournois dans la communication et les mesures suffocatoires du régime élyséen. L’étau sanitaire se resserre et se desserre en fonction, nous dit-on, de l’avancée ennemie qui ne cesse de jouer au chat et à la souris avec l’avant-garde médico-légale du 1er bataillon d’expertise en infections virales, en charge de laisser les Français dans le brouillard le temps d’armer correctement les baïonnettes à vaccin.
Tout est graduel, aussi, dans l’appauvrissement généré dans toutes les strates de la société et dans l’affaissement moral et psychologique de la population. Avec ses 5,5 millions d’agents publics, ses 15 millions de retraités et ses 12 millions de salariés temporairement protégés par les mesures de chômage partiel, il n’est pas si étonnant que le pays n’ait pas basculé tout entier, loin s’en faut, dans la grogne sociale ou le soulèvement de principe. La tête basse, mais le ventre plein, une solide tranche de la population peut encore rêver d’une baisse différée et limitée du niveau de vie, ou même nourrir le fol espoir d’un retour prochain à la normale. Pour les autres, les indépendants, les travailleurs précaires, c’est maintenant que la partie se joue. Comme les Français de 1940, trahis par leurs élites et livrés à eux-mêmes, on peut comprendre aisément que les tracas du quotidien – factures à payer, charges, baux locatifs, prêts à rembourser, perte de clientèle, enfants à nourrir et à accompagner scolairement – accaparent le peu d’énergie et de courage qu’il leur reste.
Pierre Laborie, au vu de ce spectacle, aurait sans doute eu – il faut l’espérer – la même indulgence pour nous que pour nos ancêtres quand il écrivait : « Il faut redire avec Etienne Fouilloux qu’au lendemain du choc de la défaite, pour un peuple désemparé, fatigué et marqué par une langueur ancienne, le choix d’un camp ne fut pas la préoccupation majeure. »
Grenouilles dans la brume
Les Français de 1940 à 1942 ne voyaient pas, et c’est peu dire, le bout du tunnel. Ce qui explique, en grande partie, leur apparente soumission à un sort qui les dépassait. Emmanuel Mounier, cité par Pierre Laborie, n’imaginait pas que novembre 1944 puisse être très différent de novembre 1940 quand il écrivait dans ses Cahiers protestants : « Une nouvelle histoire vient de commencer. Les conséquences en sont irréversibles et les imprévus de l’avenir n’en pourront pas modifier certaines pentes fondamentales. » Pierre Laborie rappelle que pour Mounier et de nombreux autres intellectuels, Hitler et le nazisme étaient partis pour durer et « qu’il faut se placer à l’échelle de vision de l’homme qui a en ce moment l’initiative de l’Histoire en Europe. » Un pessimisme largement partagé, donc, jusqu’à ce constat macabre heureusement démenti par l’histoire : « L’Europe accouche peut-être du nouvel ordre du monde et elle sera demain, indépendamment des conflits actuels, une Europe autoritaire, pour avoir été trop longtemps une Europe libertaire. La priorité n’est plus à mettre de l’ordre dans les régimes de liberté, mais à trouver la place de la liberté dans des régimes autoritaires. »
Avec le recul historique, Pierre Laborie a eu beau jeu d’écrire : « Médusés et aveuglés par l’immensité de l’aveuglement, Mounier et ses amis ont considérablement surdimensionné l’importance de l’évènement. » Mais il a eu l’honnêteté et la rigueur méthodologique de celui dont le travail est de se mettre à la place des générations précédentes et d’épouser le point de vue forcément limité de ceux qui vivaient dans l’instant. Ce n’est que cinquante ans après qu’il pouvait déclarer en toute quiétude : « L’effondrement de juin 1940 n’est pas plus la fin de l’Histoire que les illusions des débuts de Vichy ne préjugent mécaniquement de l’avenir pour ceux qui vont, provisoirement, s’y laisser prendre. »
De ce président et de ce premier ministre en papier crépon, de cette assemblée nationale de Playmobils gesticulant en ordre dispersé contre des projets lois absurdes et liberticides, qui sait ce qu’en dira le jugement de l’Histoire. La citation de l’année 2020 appartient probablement déjà au professeur québécois Denis Rancourt : « Imaginez un vaccin tellement sûr que vous devez être menacé pour le prendre, contre une maladie si mortelle que vous devez être testé pour savoir si vous l'avez. » Nombreux sont les Français, les Canadiens et les autres qui partagent ce constat de bon sens, cette réfutation par l’absurde des politiques sanitaires menées par l’Europe de la Santé, inféodée à Big Pharma. Mais nombreux aussi sont ceux qui aimeraient au plus vite tourner la page, quitte à en passer par la vaccination de masse. Pouvoir voyager, retourner au cinéma, cesser de subir à longueur d’année le chantage du biopouvoir et les caprices paranoïaques d’une bande d’illuminés dont l’existence politique et médiatique ne tient plus qu’à un fil.
Les historiens à venir seront, probablement, plus cléments avec eux et s’efforceront plutôt de comprendre comment on en est arrivés là et comment le piège s’est refermé, inexorablement, sur une société qui avait cessé, temporairement, d’être maîtresse de son destin. « Les parcours rectilignes, nous dit Pierre Laborie, racontent de belles histoires, mais desservent parfois la compréhension de l’Histoire. » C’est qu’ils sous-estiment souvent, ces parcours rectilignes, l’ambivalence et les paradoxes qui sont le propre de chaque époque. Dans la France de 2020, on se sera claquemurés, on aura mis nos masques, on aura (trop) regardé la télé et écouté complaisamment de faux experts nous dire ce qui était bien pour nous, mais jamais, dans le même temps, la défiance n’aura été si grande envers les politiques, les grands médias et – fait nouveau – les professions médicales. Les Français auront eu peur plus de que de mesure du coronavirus chinois, certes, mais la majorité d’entre eux aura refusé de se faire vacciner, sinon par la force ou la menace. La messe, de ce point de vue là, n’est d’ailleurs pas encore dite et rien ne permet d’affirmer, fin 2020, que les grenouilles resteront bien sagement dans la casserole jusqu’à ébullition.
Une poignée de misérables
Si l’époque a déjà livré le nom de ses plus farouches résistants, le temps de l’épuration n’est pas encore venu. Des professeurs de médecine, des intellectuels, des bloggeurs, des politiques, des avocats, des enseignants ont déjà subi les foudres de la doxa sanitaire et certains braves comme Christian Perronne, Pascal Sacré et Vincent Pavan y ont perdu leur poste. L’opinion, dans sa grande masse, n’a pas réagi, comme elle n’aura pas beaucoup réagi au sort réservé aux restaurateurs. Comme les Juifs en 1940 et 1941, ces derniers auront été – toutes proportions gardées – les premières victimes collatérales, les premiers boucs-émissaires de l’hypnose collective qui a frappé l’Europe de 2020.
Pierre Laborie, loin de verser dans le tous coupables à la mode depuis les années 1970, reconnaît sans détour la passivité des Français des premières années de l’Occupation et leur relative indifférence au sort des Juifs :
« Il est incontestable que pour l’ensemble des Français, en 1940 et en 1941, le sort des juifs ne constitue pas une préoccupation centrale. Il est perçu comme un problème, mais comme un problème parmi d’autres et, sans doute, pour la majorité, comme un problème non prioritaire. (…) Traumatisés par l’effondrement de la nation et repliés dans l’espace clos de leur horizon rétréci, les Français pouvaient jusqu’à l’été 1942 se convaincre que les juifs ne subissaient qu’une des variantes de la politique de répression. »
Ce qui paraît tout aussi incontestable, et ce que l’on peut affirmer dès aujourd’hui sans trop risquer de se tromper, c’est une très large majorité de Français ne comprennent pas cet acharnement envers les restaurateurs (comme avec les petits commerces) et n’ont qu’une piètre opinion de la façon dont leurs pétochards de dirigeants prétendent gérer la crise. Pierre Laborie lui-même ne craint pas d’établir que dès 1942, « toutes les indications convergent pour souligner que les Français ne restent pas longtemps dupes des intentions du régime et qu’ils rejettent instinctivement la propagande de Vichy. »
Passifs, oui, mais pas complices. C’est en ce sens qu’il faut comprendre et recevoir les mots du général de Gaule dans son allocution à la radio, le 14 octobre 1944. L’épuration, annonce-t-il, ne saurait concerner « qu’une poignée de misérables et d’indignes » puisque « l’immense majorité d’entre nous furent et son des Français de bonne foi. » C’est en ce sens aussi, probablement, qu’il faut interpréter ces paroles de Malraux en 1975 sur le parvis de la cathédrale de Chartres : « Nous avons vécu de la complicité de la France. Pas de toute la France ? Non, de celle qui a suffi. »
Sans vouloir être exhaustifs ni mettre tout le monde dans le même panier, voilà dans quels tiroirs auront à chercher les historiens pour débusquer, peut-être, cette France de 2020 qui « aura suffi » à plomber pour dix ans l’avenir de la nation :
- La France des préfets plus inquiets pour leur carrière que du sort de leurs administrés ;
- la France des syndicats enseignants plus inquiets pour leur petite santé que pour celle de ces pauvres gamins masqués dont toutes les études concluent à dire que décidément, ils ne sont pas vecteurs de cette maladie-là ;
- la France – éternelle – des dénonciateurs du samedi soir et des collaborateurs objectifs au régime macronien, n’hésitant pas à prendre à partie, dans la rue et dans les magasins, les traîtres à la nation qui portent leur masque sous le nez ;
- la France des tribunaux à la botte du pouvoir, rejetant sans même les lire les recours en référé liberté déposés par d'honnêtes citoyens ;
- la France des sachants et des exécutants de la médecine autoritaire, plus occupée à prédire l’avenir qu’à soigner les maux du présent, et plus empressés à médire de leurs pairs qu’à réaliser leur autocritique ;
- la France de ces journalistes et éditorialistes à la botte de la macronie, militants des amendes, des confinements, des vaccins obligatoires et des passeports verts.
Les élections de 2022 feront office, à moyen terme, de tribunal intermédiaire auquel chacun sera appelé à témoigner de ce qu’il a vu, compris et appris de cette période. Comme le rappelle Pierre Laborie, « prétendre juger de façon péremptoire est le plus sûr moyen de ne rien comprendre » et seul le recul des années permettra d’embrasser « les réalités plurielles de ces temps difficiles. » Pour autant, rien n’interdit dès à présent de commencer à se positionner. Ne pas se se laisser abattre, ne pas se laisser duper, voilà au fond le seul acte de résistance dont tout un chacun doit se sentir capable. Pour que cette poignée de misérables, d’un commun accord et par une envie commune, soit mise à la porte de la maison France ou contrainte de porter, pour les quarante prochaines années, le bonnet d’âne des benêts qui avaient voulu se faire rois.
https://www.meteo-paris.com/france/hiver-1942.html
https://www.decitre.fr/livres/les-francais-des-annees-troubles-9782220049007.html
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