Bras de fer entre Thierry Breton et Elon Musk pour l’avenir d’Internet
Depuis plusieurs mois, un affrontement médiatique et idéologique oppose Thierry Breton, ancien commissaire européen au Marché intérieur, et Elon Musk, propriétaire du réseau social X (anciennement Twitter). Au cœur de cette querelle se trouve le Digital Services Act (DSA), une nouvelle réglementation européenne visant à encadrer les plateformes numériques, et plus largement, deux visions antagonistes de la liberté d'expression sur internet.
Le point de vue de Thierry Breton : faire respecter le DSA
Thierry Breton, fervent défenseur du DSA, considère que les grandes plateformes numériques doivent être tenues responsables des contenus qu'elles hébergent et diffusent. Le DSA, entré en vigueur en août 2023 pour les très grandes plateformes (plus de 45 millions d'utilisateurs par mois dans l'UE), impose de nouvelles obligations en matière de modération des contenus, de transparence et de lutte contre la désinformation. Dans ce cadre, Breton a multiplié les interventions médiatiques pour rappeler à l'ordre X et son propriétaire Elon Musk. Le 12 août 2024, il a notamment adressé une lettre publique à Musk, l'exhortant à respecter les obligations du DSA à l'approche d'un entretien en direct entre le milliardaire et Donald Trump.
With great audience comes greater responsibility #DSA
As there is a risk of amplification of potentially harmful content in 🇪🇺 in connection with events with major audience around the world, I sent this letter to @elonmusk
📧⤵️ pic.twitter.com/P1IgxdPLzn— Thierry Breton (@ThierryBreton) August 12, 2024
Breton a également critiqué le soutien affiché par Musk au parti d'extrême-droite allemand AfD, qualifiant cela d'ingérence étrangère. Il a menacé X de sanctions financières pouvant aller jusqu'à 6% du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise en cas de non-respect du DSA.
Il est important de noter le rôle controversé de NewsGuard, une entreprise américaine, dans la mise en place du DSA. NewsGuard, qui évalue la fiabilité des sites d'information, est devenue un partenaire privilégié de la Commission européenne dans sa lutte contre la désinformation, suscitant des interrogations sur son influence et sa légitimité. Des critiques ont souligné que NewsGuard pourrait avoir des biais idéologiques, étant donné que son comité consultatif comprend des anciens de la CIA, de la NSA, et de l'OTAN.
La réaction d'Elon Musk : défendre la liberté d'expression
Face à ces pressions, Elon Musk a vivement réagi, accusant Breton de vouloir censurer la liberté d'expression. Le milliardaire considère que le DSA est une menace pour la libre circulation des idées sur internet. Musk a notamment répondu à Breton de manière provocatrice :
Bro, American “foreign interference” is the only reason you’re not speaking German or Russian rn lmao https://t.co/uTuMudRuLt
— Elon Musk (@elonmusk) December 22, 2024
Cette réponse illustre la philosophie de Musk, qui considère que la liberté d'expression absolue est un pilier fondamental de la démocratie, même si cela implique la diffusion d'opinions controversées ou de désinformation. Pour lui, ce n'est pas aux plateformes ou aux gouvernements de décider ce qui peut être dit ou non sur internet.
La légitimité de Thierry Breton en question
Il est nécessaire de s'interroger sur les motivations réelles derrière le projet de contrôle du web porté par Thierry Breton. Sous couvert de lutte contre la désinformation, ne cherche-t-on pas à favoriser un agenda politique, celui de l'extrême centre, désormais minoritaire face à la montée des populismes ? Il s'agit d'une tentative de maintenir un pouvoir qui s'érode face à la montée des voix dissidentes. En s'attaquant à X, Thierry Breton s'attaque à une plateforme qui a donné une tribune à ces voix, souvent marginalisées par les médias traditionnels et les réseaux sociaux plus contrôlés.
La légitimité même de Thierry Breton à mener cette croisade est hautement contestable. L'homme n'ayant jamais été élu et ne disposant d'aucun mandat démocratique. Comme le souligne la journaliste citoyenne Amélie Ismaïli, son parcours professionnel est parsemé d'échecs retentissants, de décisions coûteuses pour le contribuable français et de gestion catastrophique des entreprises publiques et privées :
Le (vrai) CV de Thierry Breton :
- BULL (1993-1997) : le groupe s’effondre au départ de Breton, l’Etat doit mettre 100 millions d’euro pour lui éviter le dépôt de bilan.
- THOMSON (1997-2002) au bord du gouffre quelques mois après le départ de Breton ; 3 ans plus tard la marque… https://t.co/nAW9keBYSy— Amélie Ismaïli (@ame_ism) January 8, 2025
Un tel bilan n'inspire guère confiance lorsqu'il s'agit de réguler la liberté d'expression sur une plateforme mondiale comme X.
Un conflit loin d'être terminé
Le conflit entre Breton et Musk est loin d'être résolu. Récemment, Musk a de nouveau réagi aux propos de Breton concernant les élections en Roumanie et en Allemagne :
The astounding absurdity of @ThierryBreton 🤡 as tyrant of Europe 😂 https://t.co/fdLp8rbF0M
— Elon Musk (@elonmusk) January 11, 2025
Cette réponse souligne l'indignation de Musk face à ce qu'il perçoit comme une tentative de manipulation politique par l'UE, via le DSA, pour influencer les processus démocratiques.
Par ailleurs, Mark Zuckerberg, PDG de Meta, semble s'aligner sur la position de Musk en annonçant récemment la fin de sa collaboration avec les fact-checkers externes. Dans une vidéo sidérante, Zuckerberg a expliqué que Meta allait abandonner toute modération rigoureuse des contenus, optant pour un système de notes communautaires similaire à celui mis en place par X. Cette décision pourrait signaler un changement de paradigme dans l'approche des géants du web face aux régulations européennes, montrant un front commun contre ce qu'ils considèrent comme une censure déguisée.
Une lutte cruciale pour l'avenir du web
Le conflit entre Thierry Breton et Elon Musk illustre les tensions croissantes entre régulation et liberté d'expression sur internet. D'un côté, nous avons une Europe qui, sous la direction de figures comme Breton, cherche à imposer un cadre strict aux plateformes numériques afin de protéger ses citoyens contre la désinformation et les contenus nuisibles. De l'autre, des défenseurs de la liberté d'expression comme Musk, qui s'inquiètent des dérives potentielles de telles régulations, voyant dans le DSA une menace pour la diversité des opinions et pour le droit fondamental à la parole libre.
Il faut noter que cette bataille n'est pas seulement celle de deux individus ; elle reflète un débat global sur la nature même d'internet. Doit-il être un espace de liberté totale, où la vérité se fait jour à travers le débat et la confrontation des idées, ou un espace contrôlé, où des entités comme NewsGuard et des régulations comme le DSA déterminent ce qui est acceptable de dire ?
L'avenir nous dira qui l'emportera dans cette lutte cruciale pour l'avenir du web. Mais une chose est claire : tant que des personnalités comme Musk continueront de défier les tentatives de régulation, la question de la liberté d'expression sur internet restera au cœur des discussions mondiales. La récente décision de Zuckerberg de réduire la modération de contenu chez Meta montre que ce mouvement pourrait bien gagner en ampleur, forçant peut-être l'UE à reconsidérer l'approche du DSA ou à faire face à une résistance accrue de la part des géants technologiques.
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