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Brésil : Une coupe du monde aigre-douce

Au Brésil, depuis deux jours, le mouvement de protestation dénommé " la révolte du vinaigre" (1) surprend par son ampleur. La hausse du prix des transports dans les mégapoles du pays a été l'étincelle qui a mis le feu aux poudres dans un pays profondément inégalitaire et où la corruption gangrène la classe politique. C'est aussi l'organisation de la Coupe du Monde de Football en 2014 avec la construction de stades pharaoniques qui suscite la colère d'une classe moyenne tout juste sortie de la pauvreté par les statistiques et qui est confrontée à un manque crucial d'infrastructures de transports et de logements alors que se pavanent dans l'opulence ceux qui possèdent les capitaux.

GABEGIE FINANCIÈRE

A chaque évènement sportif international, on nous sert toujours la même rangaine ; les grands travaux, la venue de milliers de spectateurs, les droits de transmissions vont doper l'économie du pays organisateur.

Rappelons le bilan économique de l'organisation des jeux olympiques en Grèce en 2004 :
Le budget initial prévu 1,3 milliard de dollars. Coût réel estimé 14,2 milliards de dollars et avec les pots de vins : plus de 20 milliards de dollars, pour des installations aujourdhui laissées à l'abandon : Ainsi le complexe olympique de la zone côtière de Faliro, dans la banlieue d'Athènes comme le rappelle l'heddomadaire Zeit, cité par Slate, en 2012 avant les J.O. de Londres : « Aujourd'hui c'est la côte la plus désolée de Grèce. Ici il y aurait dû avoir des piscines en plein air, des pelouses, des pistes cyclables et un parc écologique. C'est ce qui était prévu dans le planning des JO. Rien de tout ça n'a vu le jour. L'endroit est un îlot de solitude poussiéreux et à l'abandon. La nuit, profitant de l'obscurité, des camions viennent y déverser illégalement des gravats et des encombrants. Quelques familles de roms vivent sur le terrain, dans des masures qu'ils ont fabriquées eux-mêmes. Les riverains l'appellent le Sahara. »

Actuellement, c'est bien le peuple grec qui paie l'addition pour des stades et des installations inutilisées. Ainsi « Ce dérapage des comptes, de l’aveu même de Jacques Rogge, président du Comité international olympique (CIO), a contribué “en partie, pour 2 à 3 %” à l’augmentation de la dette extérieure du pays. » ( Ouest- France, même article de Slate).

Au Brésil le sport- spectacle va reproduire le même scénario. Si le budget initial était de 7 milliards de dollars, il se rapproche aujourd'hui de 17 milliards de dollars ( en comparaison le budget de la coupe du Monde de 1998 a été de l'ordre de 1 milliard de dollars - source France-Inter ). On construit des stades qui demain seront inutiles comme à Manaus, capitale de l'Amazonie : "Il va accueillir trois matches de phase de groupes et puis plus rien car il n’y a pas d’équipe de haut niveau", indique Joselinha Sperote, supporter de l'équipe du Gremio de Porto Alegre. ( La grogne gagne le Brésil - Sport.Fr )

L'hebdomadaire Marianne rapporte les propos à l'Equipe Magazine de l’ancien footballeur Romario, champion du monde avec la Seleçao en 1994 et aujourd’hui député. Il n’a jamais cru à la fable du miracle footballistique. Il décrit une Coupe du Monde de la fracture sociale : « Ce sera une belle Coupe du monde, mais ce ne sera pas la Coupe du monde du peuple brésilien, parce que le peuple n’aura pas les moyens d’acheter les billets. Les classes supérieures iront aux matchs, verront des beaux stades modernes…Mais c’est le peuple qui va payer l’addition. »

DANS UN PAYS TRÈS INÉGALITAIRE

Le Brésil, depuis l’investiture de Lula en 2003, a connu une certaine réussite économique. 19 millions de Brésiliens ont pu accéder à la classe moyenne depuis lors. 22 % des Brésiliens vivent en dessous du seuil de pauvreté (contre 35 % il y a huit ans). La croissance du pays est restée soutenue jusqu' en 2012 (7,5 % pour 2010), les aides aux plus démunis ont augmenté (le programme Bolsa Familia concerne 12 millions de foyers). On observe également une hausse du salaire minimum, passé en 2009 à 510 réaux (210 euros), soit une augmentation de 9,68 %. Le chômage touche moins de 7 % de la population active et l’inflation ne dépassait pas les 4,5 % par an en 2011.

Le Brésil demeure toutefois en tête des pays émergents pour l’écart entre riches et pauvres.

Il y a un mythe qui a la vie dure à propos du Brésil de Lula et de Dilma Roussef du Parti des travailleurs, c’est bien celui de la diminution des inégalités. Le pays est depuis toujours celui des inégalités sociales les plus obscènes. Depuis 2003, Les inégalités salariales ont diminué, mais pas celles entre le capital et le revenu du travail.C'est le programme Bolsa Familia [sorte de RSA local], dont le gouvernement Lula a étendu la portée, qui constitue le pivot de l’immense popularité du président brésilien. La Bolsa Familia bénéficie aujourd’hui à 12,6 millions de familles, pour un coût annuel de 13,1 milliards de reais [5,8 milliards d’euros]. Mais les intérêts versés aux détenteurs de titres de la dette publique se sont élevés en 2009 à la somme astronomique de 380 milliards de reais, soit l’équivalent de 36 % du budget brésilien. 80 % de l’amortissement de la dette ne profitent qu’à 20 000 familles et celles-ci ont dû percevoir de l’Etat en 2009 une somme dont le montant est 23 fois supérieur à celui versé aux 12,6 millions de familles démunies. ( 2 )

Sous les gouvernements du Parti des travailleurs, si une partie des plus pauvres ont maintenant accès à la société de consommation, ce sont bien les plus riches , ceux qui ont le capital qui se sont enrichis dans l'indécence et la démesure.

Revenons à ce qui cause l'indignation au Brésil : Le salaire minimum 2013 est de 674,96R$ (250€), le prix d'un ticket de bus à Rio est de de 2,95R$, en multipliant par 50 c'est 150 R$ par mois , soit pour une personne : 22 % du salaire minimum ! Dans ces conditions il vaudrait mieux ne pas avoir une famille nombreuse et ne pas habiter à des centaines de lieux de son travail et devoir prendre plusieurs bus, ce qui est malheureusement le cas de beaucoup de travailleurs au Brésil qui habitent encore dans des favellas très éloignées de leur lieu de travail.

Il ne reste plus qu'à souhaiter au Brésil de gagner la Coupe Monde en 2014, mais une fois sabré le champagne dans la tribune V.I.P. du stade de Maracana, la potion risque bien d'être très amère pour le peuple brésilien.

(1) Ce nom vient du fait que les manifestants se servent d'un tissus imprégné de vinaigre pour se protéger le visage des effets du gaz lacrymogène lancé par la police

(2) Des riches plus riches, des pauvres toujours pauvres Courrier International 30/09/2012

 

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6 réactions à cet article    


  • L'enfoiré L’enfoiré 19 juin 2013 13:14

    Et oui, Dilma n’est pas Lula

    La Copa du Mundo, c’est encore trop loin.


    • Tony Pirard 19 juin 2013 14:23

      La gauche brésilienne fut avec beacoup de soif au « cruche ».Lula a fait le pire gouvernement que les brésiliens déjà virent,sans réforme pour ne pas déplaire leurs « Cumpañeros ».Le gouvernement de Dilma est un vrai « cauchemar ».Elle ne fait pas aussi les réformes que les brésiliens demandaient et pire,ele a fait accord avec pays comme ...Cuba,Vénézuela,Bolivie.Enfin,finalement la Gauche brésillienne montre tout leur incompétence... !


      • Baz gud71 20 juin 2013 11:29

        La tune, les belles voitures, les putes de luxe, les tricheries, et de l autre coté, les fan, les zinzin de foot, en gros les pauvres, c est beau le sport.

        allez on se regarde un match ? histoire de cautionner tout ca ?


        • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 24 juin 2013 01:31

          @ Karol


          Excellent article. D’aileurs, dans mon carnet vous avez 8/8. J’aimerais bien communiquer avec vous. Si vous me passez un mail je le pourrai

          Pierre JC Allard

          • femmebattue 25 septembre 2013 14:56

            Bah sinon, on peut aussi aller passer ses vacances dans une villa au Brésil sans pour autant aller voir du foot. C’est sur que le foot c’est leur religion, mais bon perso, quand je vais au Brésil c’est pour faire du kitesurf.


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