Brexit or not Brexit ?
Pour qui se ‘désinforme’ auprès de nos médias dits mainstream il devient très difficile de comprendre quels sont les ressorts des événements et rebondissements autour de la sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne par l’intermédiaire de l’article 50. Cette sortie est issue d’un référendum organisé par David Cameron, un premier ministre tory opposé à la sortie de l’UE, qui a donné une majorité assez nette en faveur de ce qui a été nommé Brexit (Britain exit).
La rupture avec l’UE devait être effective dans un délai de 2 ans qui est écoulé.
Une sortie sans accord est tout à fait possible, mais il y a des problèmes à discuter, comme ceux liés aux engagements budgétaires, ceux de la représentation parlementaire et dans les commissions... Le déclenchement de l’article 50 devrait placer ‘de facto’ le pays qui le fait jouer en dehors de l’UE. Mais la volonté de l’UE de s’opposer à cette sortie fait que le pays sortant est malgré tout maintenu dans les institutions.
La politique n’aime pas les choses simples, mais là rien ne permet de comprendre à priori la folie qui s’est emparée du Parlement britannique, les voltes faces, les déclarations contradictoires...
Pour comprendre un peu, sans prétendre avoir toutes les clés, il faut plonger dans les centres de gouvernance occulte des pays concernés, regarder les aspects de géopolitiques et se pencher également sur les rapports de force dans la finance internationale.
A) Les causes profondes du Brexit.
Si l’on regarde les choses superficiellement, on voit le Brexit comme une décision populaire, une volonté du peuple anglais de se défaire du carcan des institutions européennes et un rejet instinctif du néo libéralisme qui marque l’UE dans ses institutions et règles mêmes. Dans ce cas on devrait avoir une solution alternative avec une base sociale importante. Or ce qui se dessine en Grande Bretagne c’est plutôt un retour timide au capitalisme industriel, et surtout une réorientation des échanges commerciaux et de la finance liée principalement à La City.
Il est notamment assez clair que La City est pro Brexit.
Quelques éléments pour le montrer :
1) il a fallu une influence importante, qui n’était pas vraiment populaire ni politique, pour amener David Cameron à lancer le référendum sur la sortie
2) l’affaire des Panama papers, voir cet article Brexit : behind the doors, a mis en évidence que la rivalité entre Wall Street et La City tournait à l’affrontement. La City veut mener une politique financière et commerciale indépendante.
3) Il a été constaté outre Manche que sur les réseau sociaux une campagne fortement fiancée se développait en faveur d’un Brexit dur.
B) Au niveau géopolitique
Au niveau de l’économie mondiale on constate depuis maintenant un certain temps une montée en puissance de l’Eurasie, avec la pleine participation de la Russie. A l’intérieur de cette zone les échanges commerciaux s’intensifient et la tendance claire est à l’abandon du dollar comme monnaie d’échange. On note que ce qui vient renforcer cette nouvelle donne, ce sont les sanctions américaines contre la Russie notamment, mais aussi contre l’Iran. De plus, pour asseoir son commerce mondial vers lequel son économie reste principalement tournée, la Chine développe depuis déjà un certain temps son projet de nouvelles routes de la soie, le projet BRI (Belt and Road initiative). Il ne s’agit pas seulement d’échanges commerciaux mais aussi d’investissements. Particulièrement pour la réalisation des moyens d’échanges, - trains, routes, ports et aéroports.. -. Bien évidemment la question énergétique est sous jacente . L’avenir immédiat est au gaz naturel et il y a plusieurs projets de gazoducs pour relier l’Europe de l’ouest au champs gaziers, - le Nord Stream, le Turkish stream, un projet pour l’instant bloqué pour amener le gaz naturel du grand champ marin gazier commun à l’Iran et au Qatar, le south Pars, à travers l’Irak et la Syrie,.. Il est clair qu’une bonne part de la politique américaine au Moyen Orient en Afghanistan, vis à vis de l’Arménie, en Ukraine... s’explique par la volonté de bloquer tout cela.
L’UE sous la direction de l’Allemagne avant tout et de la Franc, assistées par la commission européenne, vient de conclure un accord avec la Chine, essentiellement de libre échange et de liberté pour les investissements.
Sans développer, il est évident que la Chine joue sur les divisions des pays européens pour conclure des accords séparés. Comme avec la Grèce, la Croatie, l’Italie.. pour se ménager des corridors commerciaux. Sous cet angle on peut voir que la France, là encore, sous l’emprise de responsables politiques fantoches et asservis à des intérêts étrangers, Macron étant notamment à la botte des américains, a plusieurs métros de retard comme on dit. En l’occurrence ce serait plutôt du ferroutage.
On remarque naturellement que la Grande Bretagne est tenue à l’écart de cela et qu’elle a donc le plus grand intérêt à jouer son jeu propre.
On discutera plus loin de l’impact, forcément important, que toute cette nouvelle révolution commerciale et financière a sur l’Europe des traités, l’UE.
Dans ce contexte géopolitique on comprend que le Brexit total, qualifié de ‘dur’ ou ‘sauvage’ par ceux qui n’en veulent pas, L’Allemagne en premier lieu, est un élément de survie obligatoire pour les Iles britanniques.
C) Les méandres des discussions sur un accord entre l’UE et la GB sur le Brexit
Un des problèmes majeurs se trouve dans le fait que si le peuple britannique a voté sans ambiguïté pour le Brexit, dont on imagine bien que dans l’esprit des gens cela signifiait une sortie totale, il a élu des représentants dont la grande majorité étaient en fait opposés au Brexit. Au passage on notera que compte tenu de la désinformation et de la propagande du système, complétée par la complexité de tous les problèmes, - énergétiques, politiques, géopolitiques.. -, ainsi que de la trahison de partis politiques, ceux qui se réclament de la ‘gauche’ entre autres, les résultats des élections sont incohérents, ils n’éclaircissent jamais l’horizon et l’avenir politiques, et vont toujours à l’encontre des intérêts des citoyens et du pays. Ainsi les couches moyennes élisent des responsables politiques dont le but véritable est de les dépouiller.
(En a parte on peut dire que notre modèle ‘démocratique’ est en faillite, avec dans certain cas des élections tournant à la farce électorale comme en Ukraine. Conscient de cela le système dominant met en avant une « démocratie » directe encore plus facilement manipulable)
Dans ces conditions il est bien évident que les négociations d’un accord entre l’UE et la GB consistent avant tout à contourner le Brexit. Ainsi, l’accord entre Theresa May et l’UE sur le Brexit est une manœuvre de détournement tellement grossière que les MP (member of Parliamant) n’ont pu le voter de peur de la réaction de leur électorat.
Dans les faits l’UE et Theresa May se sont donc entendus sur un accord qui annihile complètement le Brexit. Accord inacceptable pour la majorité des MP et que T May a représenté jusqu’à plus soif au Parlement anglais, si bien qu’à la fin le responsable du Parlement lui a signifié de ne revenir devant les MP qu’avec un nouveau texte d’accord.
On est ainsi rapidement arrivé à la date butoir du 12 avril 2019. L’UE avec l’Allemagne qui la dirige ne veulent surtout pas d’un Brexit qu’ils qualifient de sauvage, c’est à dire une vraie sortie de la GB des institutions européennes et des traités. De même que la grande majorité des élus et responsables politiques en Angleterre. Un nouveau long délai, jusqu’au 31 octobre, a donc été accordé à T May pour faire passer l’accord sur lequel il y a eu entente. Vu le délai court vis à vis des élections européennes, il s’agit aussi de forcer la GB à y participer. Ce qui la maintient politiquement dans l’UE. On entre ainsi dans le processus de trahison de la volonté populaire.
Il est aussi nécessaire de donner le temps à T May de développer sa nouvelle stratégie pour faire passer son accord. En Angleterre lorsque le système néo libéral a des problème, la meilleure solution est de faire appel aux travaillistes. Dont Jeremy Corbyn est le leader. Si celui-ci ne présente pas le même profil que Tony Blair qui s’est vanté publiquement d’être le meilleur serviteur du néo libéralisme, il est sur la même ligne. Être partisan de l’UE telle qu’elle est aujourd’hui c’est adhérer au néo libéralisme et accepter également la domination de l’Allemagne.
Un vote positif sur l’abandon du Brexit n’a aucune chance de passer au Parlement britannique. La solution d’un nouveau référendum a été évoquée, mais elle fait peur au gouvernement branlant de T May et à beaucoup de MP. En effet, si celui-ci donnait à nouveau un résultat en faveur du Brexit on tomberait automatiquement sur la sortie dite ‘sauvage’. Néanmoins, avec le soutien de Jeremy Corbyn cette possibilité sera peut-être mise en œuvre.
On va donc inaugurer en Angleterre une entente inédite entre les partis, Labour et Tory, pour trahir le peuple. Une phase qui a eu lieu en France pour revenir sur le référendum anti TCE de 2005.
D) L’impact du Brexit sur l’UE
Cette crise autour du Brexit survient dans le cadre d’une union européenne qui se fissure et où des divergences de vue et de positions s’affichent désormais sans contrainte. Les discussions sur le nouveau délai donné à la GB marquent une nouvelle étape dans ces fissures qui ont tendance à devenir des fractures maintenant. Elles ont également révélé le fait que Macron pèse bien peu dans les décisions finales.
Plus profondément les bases de l’Union européenne sont touchées.
* Le premier élément est liée à la fondation de l’UE sous l’égide américaine et sa dépendance, ouvrant la voie à une vraie tutelle, aux USA et à leur organisation de ‘défense’ l’Otan.
* Le deuxième élément est la domination économique et politique de l’Allemagne sur l’UE et les pays qui la composent.
L’UE et l’Allemagne se sont longuement pliées à la vassalisation US. Mais la donne est en train de changer doucement mais inexorablement. Outre le fait que les allemands se plient difficilement à une domination étrangère, accentué par la manière dont Trump traite ses alliés, c’est à dire, sans fioriture, comme des vassaux, la situation économique de l’Allemagne est en train de se dégrader. Un premier coup a été porté lorsque la balance commerciale particulière de l’Allemagne avec la Chine, il y a déjà quelques temps, est devenue déficitaire. Tirant partie de l’Euro qui est une monnaie légèrement dévaluée par rapport à ce que serait un Mark allemand, le commerce allemand exploite le marché de tous les autres pays de l’Europe des traités pour des balances commerciales spécifiques très positives. C’est le cas avec la Grande Bretagne. Pour l’Allemagne perdre ce marché d’outre manche serait très dommageable. D’autre part l’orientation énergétique absurde que constitue l’ « energiewende » mine son économie de l’intérieur.
Et si jusqu’à maintenant l’Allemagne a maintenu une façade d’alignement sur les positions US, tout en développant en sous main des relations commerciales et autres avec la Russie, les choses sont en train de très clairement changer. Le fait le plus notable est relatif au projet (déjà bien engagé) de gazoduc Nord Stream pour l’approvisionnement en gaz naturel russe, que les USA veulent bloquer, par des menaces et des manœuvres comme celles, en février dernier, de Macron au niveau européen. L’Allemagne maintient fermement ce projet. Il y a également l’évocation d’une armée européenne, idée soutenue cette fois par Macron sans doute pour les possibilités de répression de mouvements populaires que cela offrirait. Il y a aussi la réserve de l’Allemagne sur l’offensive militaire contre le Donbass que le régime de Kiev rêve d’engager. C’est une démonstration par l’absurde, terme adapté, puisque si cela avait été un soutien allemand, Poroshenko aurait lancé cette action militaire.
Enfin il y a l’accord iranien dont Trump s’est dégagé illégalement (l’Iran a respecté ses engagements) et unilatéralement. Les participants européen à cet accord, le JCPOA, - joint comprehensive plan of action -, ont d’abord timidement manifesté leur désaccord, puis encore à un niveau modeste monté une structure financière très limitée capable de contourner les sanctions américaines.
Les tendances, - l’Allemagne reprenant son indépendance et la montée des divisions dans l’Europe des traités -, sont claires.
Seules la corruption et la compromission d’élus et responsables politiques de tous bords, empêchent encore l’éclatement maintenant inévitable de la structure néo libérale européenne.
En Angleterre la trahison de la volonté populaire laissera sa trace.
Conclusion
Il est donc plus que probable qu’il n’y aura pas de vrai Brexit.
Montrant ainsi à quel point la sortie des institutions et traités européens par l’article 50 ne se résume pas à un problème administratif.
Il s’agit de sortir du néo libéralisme et de la sphère américaine, de l’empire financier anglo saxon dirigé trans nationalement par les vrais maîtres du monde.
Même lorsque l’on veut rester sous un régime de capitalisme financier, il y a toujours une orientation qui déplaît au système, - se tourner vers la Russie ou la Chine d’une manière indépendante, reprendre la maîtrise de sa monnaie, gérer ses ressources dans son propre intérêt.. -.
En fait sortir de l’UE, de l’Euro et de l’Otan correspond à une véritable révolution.
Mais à un moment donné, les mouvements souterrains qui portent les tendances fortes deviennent irrésistibles.
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