Brexit, populisme, crise de l’OTAN, grèves : L’Europe, telle qu’elle est
Une fois encore, le dernier vote des Anglais en faveur de Boris Johnson et donc du Brexit révèle l'hostilité toujours plus prononcée des peuples à l'égard de l'Union européenne.
Le désintérêt, et même désormais la défiance, pour ne pas dire l’opposition de plus en plus marquée des Européens pour l’Union européenne peut sembler d’autant plus surprenant après des années d’adhésion sinon d’enthousiasme portés par des figures rassurantes telles que Jacques Delors et des avancées à première vue prometteuses comme la création d’une monnaie partagée, l’euro.
C’est que le monde politique comme celui des intellectuels et des médias avait rapidement fait oublier les conditions dans lesquelles était née cette “construction” politique : une soif de paix éternelle entre pays européens traumatisés par leur déclin et les ravages de deux conflits terribles, un désir du nouveau “protecteur” américain de bâtir une alliance économique, politique et militaire capable de maintenir ces pays hors du communisme soviétique.
L’Europe de l’Ouest passée sous tutelle américaine, l’Europe de l’Est sous diktat soviétique.
L’implosion de l’Union soviétique signifia pour les Américains et leurs obligés “la fin de l’Histoire”, conformément à la thèse de Fukuyama et le triomphe du modèle économique d’outre-Atlantique.
Une alliance économique devenait une organisation politique avec ses attributs juridiques en se diffusant au centre et à l’est de l’Europe dans les pas de la tutelle militaire de l’oncle Sam représentée par les bases de l’OTAN présentes désormais de l’Irlande aux pays baltes, du Portugal à la Bulgarie.
L’Europe sous tutelle américaine n’était plus seulement celle de l’Ouest, elle devenait aussi celle du Centre et de l’Est
Mais voici que depuis peu, cette organisation politique se fissure de par l’apparition d’un rejet de plus en plus marqué des peuples.
D’abord de ceux de l’Europe centrale (Suisse, Autriche, République tchèque) suivis très vite d’Europe de l’Est (Pologne, Hongrie, Slovaque, Slovénie, Roumanie, Bulgarie), puis tout récemment d’Europe de l’Ouest (Italie, Grande-Bretagne ).
Ce qu’on a appelé “la crise migratoire” associée aux mouvements de revendication identitaires comme l’ont connu le nord de l’Espagne, de l’Italie, de la Grande-Bretagne avec le Pays basque, la Catalogne, la Lombardie, la Vénétie et l’Ecosse ont été assimilés à du populisme ou du néonationalisme selon les cas.
Ce qui aujourd’hui paraît manifeste, c’est que l’Union européenne bâtie par Jean Monnet s’est faite en ignorant la réalité des peuples, c’est-à-dire les Nations et les Régions qui les abritent. Une Europe post-moderne sans pays.
Une Europe qui chérit le nomade, c’est-à-dire celui qui est sans patrie.
Une Europe qui ignore superbement que la plus grande souffrance c’est précisément d’être sans patrie, comme l’ont, hélas, été pour leur immense malheur, le peuple juif aussi bien que Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Frédéric Nietzsche ou, dans une moindre mesure, Stefan Zweig.
Car, comme l’a dit avec tant de force, d’évidence, de sagesse et de justice Charles de Gaulle, on n’est Européen que pour autant qu’on est Français, Allemand ou Italien et l’on pourrait ajouter Basque, Flamand, Breton, Comtois, Toscan ou Bavarois.
Aimer et vouloir l’Europe n’est donc pas dire : “ce qui était national est européen”, mais c’est affirmer que “ ce qui est national et régional est européen”.
L’Europe ne peut se rassembler à la fois dans son Unité et dans sa Diversité que par les peuples qui la composent.
Non en gommant la richesse unique au monde de ses composantes pour une uniformité artificielle et déshumanisée.
C’est ce combat pour l’Europe telle qu’elle est dans la réalité, qui lui permettra de retrouver sa grandeur, sa richesse et sa beauté qui ont fait d’elle tout au long de son Histoire un des plus grands phares de la terre des Hommes, de ses origines grecques, celtes, germaniques ou slaves aux épopées inégalées de la Renaissance, des grandes découvertes, du siècle des Lumières ou des grandes inventions.
Alain Renaud, le 16 décembre 2019
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- La France, un destin
- L'Europe, un destin
Editeur l'Harmattan
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