Bruno Le Maire veut « une autre Europe » : la même !
Dans un entretien accordé au Monde en date du 9 mars 2013, Bruno Le Maire s’est exprimé comme suit : « Les peuples européens sont en détresse. (…) Et que fait l'Union européenne ? Elle oppose sa splendide indifférence. Son attitude nourrit le populisme. Pour sauver l'Europe, il faut une autre Europe. »
On est tenté d’applaudir à cette déclaration d’un ancien secrétaire d’Etat aux Affaires européennes (décembre 2008 - juin 2009), mais on fait bien d’attendre car Bruno Le Maire ajoute : « Nous devons avoir pour obsession de faire réussir la France dans la mondialisation ».
Or, que fait l’Europe depuis maintenant trois décennies ? Elle s’emploie avec ardeur à la propagation de la mondialisation dans sa version ultralibérale (libre-échange inconditionnel, libre circulation des capitaux, dérégulation…), laquelle a précisément contribué largement à la « détresse des peuples européens ».
De façon générale, les « obsessions » sont rarement de bon conseil. Si Bruno Le Maire souhaite véritablement « une autre Europe », il devrait pour commencer ne plus être un « béat du libre-échange » (pour reprendre la jolie formule d’Arnaud Montebourg, en réponse aux objurgations de Pascal Lamy), « obsédé » par la mondialisation.
Notons d’ailleurs que Laurent Wauquiez, tout aussi UMP, normalien, énarque - et ancien ministre des Affaires européennes (novembre 2010 - juin 2011) - que son collègue, n’appartient pas, lui, à la cohorte des béats. Le 18 décembre 2011, il a déclaré au journal Le Monde : " Il faut tourner la page de l'époque où la droite et le centre clamaient " Vive le libre-échange " en croyant qu'il allait produire un monde meilleur. " Comme quoi, formés dans le même moule et confrontés aux mêmes réalités, on peut aboutir à des conclusions inverses.
En vérité, ce n’est probablement pas le fond de l’affaire qui motive à ce point Bruno Le Maire. Le reste de l’entretien fait en effet apparaître que son obsession n’est pas tant l’Europe, ni même la France, que celle de se manifester politiquement ce qui, pour certains, passe plus par la critique systématique du camp d’en face que par le souci du bien commun.
L’essentiel est de pouvoir placer : « François Hollande (…) est comme Godot. Il attend que la croissance revienne (…). Il est incapable de redéfinir notre modèle, et nos partenaires le sentent. Aujourd'hui, la France est sur un strapontin en Europe. (notons au passage que Bruno Le Maire maltraite aussi ses classiques : dans la pièce de Samuel Beckett, ce n’est pas Godot qui attend, ce sont les autres qui ne le voient pas venir.)
Si la France est sur un « strapontin » en Europe, ce qui reste à démontrer, ce n’est pas parce que François Hollande ne partage pas les obsessions de Bruno Le Maire, c’est parce qu’il semble avoir renoncé à les mettre suffisamment en cause, après une campagne présidentielle et un début de mandat qui lui avaient pourtant permis de mobiliser quelques énergies en faveur … d’une « autre Europe ».
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