C’est un club
Elle n’y va pas avec le dos de la cuillère, Emily Maitlis (1), ancienne star du radiodiffuseur public British Broadcasting Corporation BBC, accusant son ancien employeur de népotisme. Shocking !
Dans un fervent discours devant un parterre de journalistes, triés sur le volet, au Edinburgh TV Festival, elle exhorte ses collègues à demander des comptes aux puissants.
Car, selon elle, son ancien collègue Sir Robbie Gibb, ancien Directeur de Communication de la malheureuse Premier ministre Theresa May et cofondateur de la chaîne de télévision conservatrice GB News Channel, nommé au Conseil d’administration du diffuseur public par le Premier ministre Boris Johnson, serait une taupe du Tory party, influençant insidieusement la ligne éditoriale du diffuseur. C’est du lourd.
Elle continue : « Quand des gens comme Donald Trump, Zac Goldsmith (Ministre Tory), Nadine Dorries (Ministre Tory) ou Marjorie Taylor Greene (Députée du Parti républicain au Congrès américain) se mettent à baratiner de l’Etat profond, cela devrait nous interpeler. C’est à ce stade que le public commence à rejeter les « freins et contrepoids » légitimes des médias (fact-checkers). Les réseaux sociaux sont particulièrement sensibles à ce langage populiste, qui se sert de messages simplistes et émotionnels et qui ne font que susciter des griefs injustifiés dans la population. Il va donc sans dire que la BBC doit défendre le principe d’impartialité et d’indépendance en matière de traitement de l’actualité. » fin de citation
On ne peut s’empêcher, à cette occasion, de penser à son interview mémorable avec l’humoriste britannique, John Cleese, (Monty Python) sur le point de quitter l’Angleterre, dégouté par la culture de débat délétère autour de la question du Brexit, attisée sciemment par les médias, dont la BBC. (2)(3)
Que les médias soient en mains d’intérêts privés, chaque élève de cinquième le sait. L’agenda politique n’est donc pas dicté par Downing Street, que ce soit le Parti conservateur qui s’y installe ou le Parti travaillistes, mais par Rupert Murdoch, dont les journalistes sont les exécutants zélés, consciemment ou inconsciemment.
Certes, la journaliste et réalisatrice de documentaires se trouvait dans la moyenne inférieure de la fourchette salariale du diffuseur public (salaire annuel 370’000 £) (4), on peut néanmoins supposer, de façon réaliste, qu’à ce niveau de rémunération la reconnaissance et la loyauté ont plutôt tendance à pencher vers les intérêts de l’establishment plutôt que vers ceux des petites gens. « It’s a big club, but you ain’t in it ». (George Carlin)
Emily Maitlis devrait donc arrêter de prendre ces auditeurs pour des buses, car aux Etats-Unis, pour ne prendre que ce pays comme exemple, à peine 11 % des citoyens font encore confiance aux nouvelles télévisées et 16 % des personnes interrogées à ceux, diffusés par la presse écrite, selon un récent sondage par l’institut américain Gallup. (5)
Face aux théories conspirationnistes qui troublent les esprits des auditeurs de la BBC, les vérificateurs de faits semblent s’imposer comme une évidence. A moins que.
Il semblerait que le média alternatif américain « The Grayzone », un des seuls à ne pas (encore) être tombé sous la coupe du milliardaire Pierre Omidyar, ainsi que des universitaires britanniques, un peu trop critiques, du moins au goût de la BBC et les services secrets, notamment quant à la guerre en Ukraine, se trouvent dans le collimateur de l’état profond et du diffuseur britannique. (6)
Dans un programme de BBC Radio, « Podcast file on 4 », Ukraine, la guerre de la désinformation, des universitaires britanniques, accusés de partager de la désinformation russe sur les réseaux sociaux, la journaliste d’investigation, Chloe Hadjimatheou, par ailleurs lauréate d’un prix de journalisme de la prestigieuse « Orwell Foundation », cela ne s’invente pas, accuse les universitaires Justin Schlosberg de l’université Birbeck à Londres et Tim Hayward de l’Université d’Edinburgh d’être des « pions du Kremlin » et une « menace pour la démocratie et la paix dans le monde « , rien que cela.
Au lieu de procéder à ce qu’on appelle dans le jargon journalistique une confrontation, les producteurs de la BBC, avec le soutien de l’ex star de la BBC et Channel 4, Paul Mason, préférèrent se servir de pratiques usitées dans les milieux de la « complosphère », « remuer la boue ».
Ainsi ils tentèrent de contacter d’éventuels anciens étudiants, en les appelant sur leurs téléphones portables privés, avec plus ou moins de succès, pour tomber finalement sur deux individus, dont l’un est un Ukrainien qui n’a jamais suivi un seul cours du professeur Hayward, mais qui est un ardent contributeur au quotidien ukrainien Kyiv Independent, financé en partie par des médias et gouvernements occidentaux, mais qui, en revanche, avait des idées bien arrêtées sur les tweets du professeur, au sujet de Bucha et de Mariupol.
La deuxième étudiante avait, en effet, suivi un cours du professeur Hayward pendant un semestre en 2021, mais la cible de sa critique concernait la position du professeur au sujet de l’attaque chimique supposée par le régime syrien contre la ville de Douma en 2018, attaque qui par ailleurs s’était avérée être en réalité une opération sous fausse bannières, couverte par la direction de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques OPCW. Il se trouve en outre que le professeur n’avait pas connaissance d’aucune de ces critiques avant la diffusion du programme de la BBC.
Finalement, la BBC dut se résigner à publier un mea culpa, du moins partiel, pour avoir délibérément déformé les propos des deux académiciens., correction que bien-entendu aucun de ses auditeurs ne lira. (7)
Le défunt humoriste américain George Carlin résumait la chose dans un de ses derniers spectacles en 2005. « Oubliez les politiciens. Les politiciens sont là pour vous donner l’illusion d’avoir la liberté de choix. Vous n’avez pas de choix. Vous avez des propriétaires. Ils vous possèdent. Ils possèdent les terres essentielles (agricoles), les grandes entreprises multinationales, le Sénat, le Congrès, les gouvernement locaux, les juges et les médias. Ils contrôlent l’information et n’ont aucun intérêt à ce que les gens soient informés et éduqués, capables de penser par eux-mêmes. Ce qu’ils veulent ce sont des travailleurs obéissants. Ils appellent cela le rêve américain, car Il faut être endormi pour le croire. » (8)
En attendant, la croisade contre les quelques poches de résistance qui restent se poursuit, soit par des journalistes « engagés » comme Paul Mason, soucieux de préserver leurs privilèges, soit par les autres, restés dans leur bulle journalistique, satisfaits de servir la soupe aux puissants. (9)
- Emily Maitlis est une journaliste britannique, réalisatrice de documentaires et ancienne lectrice de nouvelles pour la BBC. Elle a été la présentatrice principale jusqu'à la fin de 2021 de Newsnight, le programme d'actualités et d'actualités de la BBC
- John Cleese on Brexit, newspapers and why he's leaving the UK - BBC Newsnight - YouTube
- L'Armageddon de la presse britannique - AgoraVox le média citoyen
- BBC pay 2020 | Full list of top earners and star salaries revealed | Radio Times
- Media Confidence Ratings at Record Lows (gallup.com)
- BBC assault on antiwar academics was apparent product of UK intel plot - The Grayzone
- Corrections and Clarifications - Help and Feedback (bbc.co.uk)
- JGeorge Carlin - It's A BIG Club & You Ain't In It ! - YouTube
- Journalistes - AgoraVox le média citoyen
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