C’est un métier la politique. Sarkozy le fait
La France profonde... C’est fait de gens comme vous et moi, assez contradicteurs, bien susceptibles. Ca n’aime pas beaucoup recevoir de leçons de la part de l’intelligentsia et de la classe politique. Ca n’aime pas qu’on lui dise pour qui elle doit voter. C’est turlupin et jacasseur, la France profonde, facile à manœuvrer en somme.
En 2007, Sarkozy s’est délibérément offert à la vindicte de l’intelligentsia. Non qu’il soit tombé de la dernière ondée médiatique, le petit Nicolas. Il voulait y monter sur sa croix. Et dare ! Toutes ses petites phrases, la racaille, l’eugénisme, il les a prononcées exprès. Il avait bien étudié les recettes de Jean-Marie avant lui (le détail, etc.).
Du coup, il lui a piqué son fonds de commerce, sa tambouille, son « style ». Pas ses idées. En France, on s’en fout du jus de cervelle des politiciens. Les idées, c’en est plein les livres... Jusqu’à Saturne on les empile. Son style à Jean-Marie c’était la haine, sa musique l’injure. Et le style en politique c’est clé. Prenez n’importe quelle idée fixe. Donnez-lui du style et vous irez loin. Demandez aux Khan, Attila, Robespierre, Bonaparte, Staline, Hitler... Plus près, demandez à Tonton. Ils vous le diront tous. Les Français ils voulaient du Hulot pas du Voynet. Du style ! Besancenot, pas Buffet. De la petite musique de chambre parlementaire ! Du Royal, pas du Fabius. Luchini ? Filez-lui l’obsession d’être élu président et il le sera ! Ségolène a son image, Nicolas son style. Les deux farandolent au second tour.
Le Pen, plus ça passait, moins il mordait, plus il devenait correct. Sans son jus, il ne lui restait que sa peau de notable. Aussi sec, crocodile aux yeux mi-clos, il avait perdu les crocs et le virus. Et million de voix avec !
Elle était pourtant grosse la ficelle de Nicolas. Et comment qu’on l’y a aidé à monter sur sa croix ! L’extrême gauche dit que je suis facho. Surenchère de menottes ? Vlan, 300 000 voix en plus ! Tiens si vous pouviez me rajouter un clou ici, ça m’arrangerait... Eugénisme ? On mobilise les collectifs... le banc et l’arrière-banc génétique. Banco, 300 000 à la banque ! Pour le personnel ! L’establishment crie à la suppression de la liberté de la presse ? Mais comment donc ! Martyrisez-moi, j’engrange ! Cécilia cavale ? Je suis petit ? Colérique ? Je dis des gros mots ? Bouh... 300 000 voix dans le nourrain ! Vous gênez pas, hurlez avec les loups et par ici la bonne soupe ! Que du foin à ma meule. Il nous l’a dit lui-même... Il cicatrise bien.
Quand on y pense... La même émulsion qui avait fait mousser Le Pen. C’est vraiment bête l’intelligentsia ! Tonton il était beaucoup plus malin, il avait bien compris que pour tuer un adversaire politique, fallait surtout pas le marginaliser. Demandez aux communistes... Le vase de 81. La gauche plurielle. Comment il leur a fait boire le calice à la lie de la terre.
Tiens, ça me rappelle le référendum sur l’Europe. Les élites nous ont ressassé des « Mon pov’ monsieur, vous n’avez pas bien compris », « Je vais vous l’expliquer l’Europe et pourquoi c’est bon pour vos artères ». Pas un jour, sans qu’ils nous expliquent qu’on était bien couillons, ces trompettes. Qu’on était bien trop tassés de rillettes pour entraver le sublime de la chose européenne. Une majorité en est devenue méfiante, rétive. Elle a voté « non ». Quand bien même « oui » c’était mieux pour elle. Ainsi va la France. Contradicteurs et carambouilles ! Et bien susceptibles avec ça.
Faut savoir faire la part des choses en politique. En France, il y a « opinion publique », le sentiment de l’ensemble de la population. Et il y a « expression publique ». Faut surtout pas confondre !
L’opinion publique, c’est une écrasante majorité qui n’a que le vote et la composition de l’équipe de France pour se faire entendre. Tous Domenech ! L’expression publique, le jugement public si vous préférez, c’est une infime minorité de votants (politiques, intellectuels, journalistes, « people ») qui ont tout ce qui faut d’entrées dans les médias pour se faire entendre à longueur d’année. Ce sont, comme disait Coluche, les « milieux autorisés ». Ils s’autorisent à penser et à bien le faire savoir. C’est un petit cercle prodigue à distribuer de la considération, à nous dire ce qui est bien et ce qui est mal, à donner des leçons à la plèbe. Plus ça va et moins il les piffe, le bon peuple. Les jugements publics des autorisés, ça l’hérisse à présent.
A gauche, on a pas encore bien réalisé que le développement du « Tout sauf Sarko » pour lui c’est tout bénéf électoral. A l’extrême gauche, c’est normal. Il reste que ça. L’option « rapprochement avec le centre » ça défrise carrément. Mais de la part de la gauche modérée et du centre, vaudrait mieux abandonner cette idée stupide de référendum « anti Sarko ». Même Hollande le dit (si on décode un peu).
Parce que ça le pose en candidat du peuple, le Nicolas. En ami de la France profonde. Celle qui forme des gaz quand elle entend la « pseudo intelligentsia parisianiste » et les « politicards droite/gauche tous pourris » lui expliquer comment il est dangereux, qu’il va envoyer la France contestataire wagonner dans la station Mir. Et qu’on pourra même plus trouver Ouest France pour emballer les saucisses du pique-nique.
Sarko, croulant sous l’opprobre, c’est l’ennemi de leurs ennemis. Il passe de l’autre côté de la médaille, l’ami contre envieux. Avant qu’on les renvoie coaguler à la niche pour cinq ans. Ils le hurlent à l’urne... C’est fatal !
C’est comme ça qu’il a déjà soustrait un million de voix à Jean-Marie. Certes, ces voix se seraient reportées sur lui au second tour. Mais avec elles dès le 21 avril, il a vaporisé l’opposition d’un parfum de mouise et il s’est réservé le lilas. Et les voix de Bayrou ? Un tiers, celles de droite, il les a déjà. Un tiers, celles de gauche, il peut toujours flûter. Mais le tiers des « anti-système », lapins agiles du rejet de la droite et de la gauche, ceux qui devraient normalement pas s’approcher du chapeau le 6 mai, il en pompera une partie avec la même petite combine. Majax ! Ça c’est prestidigitateur.
A la France profonde, pouilleux comme moi, on peut toujours lui recommander les hautes lectures, les éminentes leçons du passé, la sublimation de ses tracas par la politique, la fréquentation assidue des philosophes et les pensées d’élite, elle s’en fout comme de la circonférence du kiwi ou de la température de l’eau tiède. Colifichets et entourloupes ! Elle envoie rebondir. Au panier ! Ses voix sont silencieuses. Parfois impénétrables aux sondeurs. Fifres ! C’est qu’elles sont aussi les plus nombreuses.
Moi, je ne vais pas vous dire ce que vous devez faire. Je suis pas assez politologue ou brun pour ça. Et j’en sais rien moi-même. Je vais encore moins me présenter. Mon style sent trop le goudron. Je vois juste que la vague de l’égalité fraternité chère à la masse, Sarkozy la surfe bien. Et en plus ses adversaires l’aident. Au lieu de lui savonner la planche, ils la fartent. C’est pas de ce côté qu’il faut astiquer. Ah, comme il doit l’applaudir Tonton. De l’au-delà, à s’en déboulonner le couvercle. C’est un métier la politique... Sarkozy le fait.
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