C’était mieux avant, pour une fois c’est vrai !
Désormais il y aura un domaine où ce sera mieux avant, vraiment : le social.
Jusqu'à il y a une vingtaine d'années, l'évolution du monde du travail s'était faite positivement.
En partant de l'article 1781 du code civil de 1804 consacrant "l'infériorité légale de l'ouvrier face à l'employeur", jusqu'à la semaine de 35 heures de 1998, en passant par l'interdiction du travail des "enfants de moins de 8 ans" (1841)(*), le travail des femmes limité à 11 heures, interdit la nuit (1892), le repos hebdomadaire (1906), la création des retraites ouvrières (1910), de la sécurité sociale (1945), l'instauration d'un salaire minimum (1950 puis 1970), de l'autorisation administrative de licenciement (1975), etc.
En revanche, depuis 2003 et la loi Fillon sur les retraites, tous les changements se font dans l'autre sens.
Des réformes nécessaires pour sauver notre modèle social qu'on veut absolument sauvegarder au mieux, nous dit-on !
Exemple : le candidat Macron a inscrit dans son programme électoral : "Nous ne sommes pas naïfs. Nous savons bien que, dans la vie, on n’a rien sans rien et que tout progrès, personnel ou collectif, dépend de cet effort qu’on appelle le travail. Nous savons que le travail, lorsqu’il est pratiqué dans de bonnes conditions et correctement payé, est le moteur de la progression sociale".
C'est pour cela que désormais on peut licencier sans motif sérieux, sans contrôle et sans grand risque devant les tribunaux prud’homaux. Le CDI est devenu périssable.
Ainsi il n'y a plus, d’un côté des privilégiés en CDI et de l’autre, des précaires en CDD ou intérimaires. C'est ça la justice sociale aujourd’hui.
Et sur la même rengaine, à bas le statut des cheminots, des fonctionnaires, tous ces apparatchiks.
Tous égaux devant les licenciements, tous précaires soumis au pouvoir du chef, du directeur, de l'employeur, du patron.
Incroyable, c'est le retour de l’article 1781 du code civil de 1804 ?
Ça c'est de la réforme efficace ma bonne dame et ça marche pour tout :
- il n'y a pas assez de différence de revenus entre ceux qui vivent d'allocations et les travailleurs pauvres, baissons les allocations ; les très pauvres seront encore plus miséreux et les autres ne seront pas mieux lotis, mais au moins il y aura une vraie différence ;
- les chômeurs ne retrouvent pas de travail, durcissons leur contrôle pour suspendre leur indemnité voire les radier ; ça n'augmentera pas le nombre d'emplois disponibles mais ça pourra faire baisser les statistiques.
Socialement efficace : les retraités financent la baisse des cotisations des salariés.
Economiquement efficace selon la théorie du ruissellement : les plus riches bénéficient d'importants avantages fiscaux.
Désormais, la recette est : supprimer tout ce qui pourrait être avantageux pour certains, amener tout le monde jusqu'à un statut social minimal, le même pour tous et épargner les vrais nantis.
Mais ça ce n’est pas nouveau et donc pas étonnant, même si c’est pire que jamais.
En revanche voilà ce qui me sidère : non seulement beaucoup acceptent cette dégradation, mais en plus, souvent l'encouragent ; « retirez à tous les autres, tout ce dont nous ne bénéficions pas nous-même ». Ils approuvent la perte de droits pour autrui, évidemment tant qu'on ne touche pas aux leurs. (A mon avis parce que pour eux, revendiquer collectivement est dangereux ou non rentable individuellement).
Exemple : suppression de la garantie d'emploi des fonctionnaires. Même si cela ne rapportera rien de plus à personne.
Pourtant, ils devraient le savoir, la garantie d'emploi des fonctionnaires c'est d'abord l’intérêt et la protection des citoyens parce que la garantie d'emploi des fonctionnaires c'est la garantie d’un traitement égal de tous les français par l'état. En effet un fonctionnaire ainsi protégé peut résister aux pressions qu'il pourrait subir. Un juge, un policier ne plieront pas devant un puissant. Un enseignant ne se soumettra pas à une idéologie. Un fonctionnaire des finances, un douanier ne céderont pas à un riche. Etc.
Dans d'autres pays les accords obtenus par l'action syndicale ne profitent qu'aux syndiqués. En France ils profitent à tous, à ceux qui ont milité comme aux autres.
De tout temps le progrès social a été obtenu par la lutte de ceux qui, n'ayant que ce moyen de le conquérir, se sont battus et parfois au prix de beaucoup de sacrifices. Mais tous en ont profité donc.
On dirait une formule de propagande lue dans un tract. Pourtant ce n'est que le reflet de la stricte réalité historique.
Pour conclure, ne vous tirez plus une balle dans le pied : laissez agir ceux qui l’osent sans les discréditer parce que vous bénéficierez comme toujours de leurs succès éventuels.
(*)
Loi relative au Travail des Enfants employés dans les Manufactures, Usines ou Ateliers.
LOUIS-PHILIPPE, Roi des Français, à tous présents et à venir, salut,
Nous avons proposé, les Chambres ont adopté, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : Art.2.
Les enfants devront, pour être admis, avoir au moins huit ans. De huit à douze ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de huit heures sur vingt quatre, divisées par un repos. De douze à seize ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de douze heures sur vingt quatre, divisées par des repos. Ce travail ne pourra avoir lieu que de cinq heures du matin à neuf heures du soir.
Fait au palais des Tuileries, les 22 jours du mois de Mars, l’an 1841.
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