Helmut Fritz, n’est pas Allemand, il est né dans les environs de Saint-Avold, en Moselle, c’est-à-dire à quelques encablures de mes terres d’origine, Sierck-les-Bains, Apach et Manderen, pour ceux qui connaissent la région. Personnellement, j’aurais plus apprécié s’il avait chanté avec l’accent mosellan, en casant de temps en temps des expressions « bien de chez nous », mais il n’aurait surement pas eu le même succès au niveau national. Bref, la Moselle du Nord n’est pas le sujet de l’article, mais peut-être y reviendrai-je un jour.
En France, à chacun de mes retours, (je rappelle que je suis souvent en Ouganda et au Kenya, pays où l’on conduit comme à Londres), je passe voir mon père qui habite près du Jardin des Plantes. En sortant du métro encore désorienté par la circulation automobile, je traverse le Boulevard Saint-Marcel, dont l’espace a été civilisé par les bons soins du Maire de Paris, Bertrand Delanoë, et chaque fois, je risque de me faire écraser en essayant de comprendre la double circulation alternée. Et ça m’énerve ! D’autant que juste auparavant dans le métro, j’ai croisé une horde de jeunes femmes qui ont toutes une petite bouteille d’eau minérale dans leur sac, comme si elles allaient affronter la traversée du Ténéré ou de la Vallée de la Mort en plein mois d’août. Ca m’énerve aussi, vous avez du vous en douter.
Dans les rues, dans le métro, sur les murs de la ville, en regardant les publicités à la télévision, je constate qu’il faut manger cinq légumes par jour, que fumer est dangereux pour la santé, qu’il faut consommer le vin et l’alcool avec modération, que les sacs plastiques ne sont pas des jouets et qu’ils exposent au risque de suffocation. J’ai l’impression que l’on me prend pour un débile à qui l’on doit tout expliquer pour son bien. Les gamins que je croise dans la rue en sortant de leurs écoles, lycées et collèges s’interpellent en scandant les slogans qu’ils ont entendus à la télévision et vus sur des affiches.
Une fois même, à un abribus, j’ai entendu deux ados au front bas, le genre en échec scolaire, qui se disaient entre eux d’un ton docte qu’il fallait manger cinq légumes, mais que ça coutait cher. Comme il n’est plus permis de fumer dans les bistros, je pratique mon vice le plus souvent dans la rue en marchant, n’appréciant pas particulièrement les terrasses de café. Et de remarquer de plus en plus souvent que ma cigarette commence à en énerver plus d’un.
Mais avant de revenir à Paris, il me faut prendre l’avion. Je n’ai jamais eu la moindre appréhension de crash ou de détournement, ayant pourtant voyagé en Afrique dans des avions déglingués, dont les pilotes Russes réparaient quelques fois l’hélice au marteau sous le nez des passagers avant de décoller. Mais depuis le 11 septembre, l’hystérie sécuritaire s’est installée dans les aéroports et j’appréhende quelle nouvelle tracasserie va-t-on m’imposer cette fois. Et encore, je ne vais ni aux Etats-Unis, ni en Israël, mais je suis passé par Londres où j’ai vécu l’enfer des contrôles. Sans oublier les douanes, heureusement, l’âge aidant, on vérifie moins souvent mes bagages. Je me souviens d’une arrivée à l’aube, complètement crevé après deux escales et quinze heures de vol, m’être fait contrôler par une douanière qui n’en finissait pas de regarder le contenu de mes valises. Au bout d’un bon quart d’heure et de questions incongrues, je lui ai fait remarquer la fermeture éclair qui permettait de dissimuler quelque chose dans le fond de mon bagage. Elle m’a dit sèchement ne pas apprécier mon ton ironique, ce à quoi j’ai répondu aussi sec que l’ironie n’était pas encore sanctionnée par le code pénal. Comme j’étais fatigué je me suis appuyé sur le banc de contrôle des bagages de Roissy, elle m’a demandé de me redresser. Elle m’a finalement laissé partir, mais je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire en me retournant : « Karl Marx a dit que c’est la misère qui pousse les hommes à la police et les femmes à la prostitution, je ne sais pas ce qu’il aurait dit des douanes ! »
En Afrique, c’est tout autre chose qui provoque mon irritation. Payer son visa à l’aéroport n’est pas évident, comme vous n’êtes pas ressortissant ou membre d’un pays voisin ou frère, vous passer par un autre guichet. Il faut s’armer de patience et avoir eu la bonne idée de préparer quelques billets de 10 ou 20 $, car bien-sûr, le préposé est dans l’incapacité de vous rendre la monnaie sur 100$, ou alors, il faut attendre dans un coin que d’autres voyageurs aient à leur tour payé pour récupérer votre du. Mais attention, vos billets doivent avoir l’air neuf et ne pas être trop anciens, sinon, vous aurez des surprises au change, une fois en ville. 100$ de 1999 même en parfait état ne vous seront pas pris au même taux que ceux de 2006 ! Et si vous venez de Beyrouth, où il habituel de mettre des tampons sur les devises, vos billets ne vaudront rien ou presque dans de nombreux pays d’Afrique.
Vous vous décidez à prendre un taxi, vous lui indiquez la destination, sa première manœuvre sera de s’arrêter à la premier station-service pour mettre 2 ou 3 litres dans le réservoir. Les chauffeurs de taxi ne sont pas propriétaires et de peur de perdre quelques centimes, du fait des aléas de la profession, ils ne font jamais le plein et attendent le client suivant avant de prendre de l’essence. Pour le moindre petit achat, évitez les grosses coupures que l’on vous refile en priorité dans les banques et dans les bureaux de change. Pas un petit commerçant n’a spontanément de quoi rendre la monnaie pour une bière, un ananas ou un paquet de clopes. Il vous faudra attendre quelquefois plus d’un quart d’heure pour que quelqu’un envoyé par le commerçant ou le serveur revienne avec de petites coupures sur votre billet neuf. Ce qui énerve aussi, c’est d’arriver dans un bar où joue un orchestre et de demander au serveur qui est là tous les jours depuis au moins cinq ans, « quel est le nom du groupe sur scène ? » et de vous entendre répondre, « Attendez, je vais aller me renseigner ! ».
Mais revenons en France pour conclure. Si vous avez déjà lu ma prose, vous ne serez pas étonnés de lire que ceux qui m’énervent au plus haut niveau en France sont Sarkozy, Royal et les écolos. Soit dit en passant, ils réunissent à eux seuls près de trois-quarts des intentions de vote des Français. De là à dire que les trois-quarts de mes compatriotes me refilent des boutons quand je pense à eux, cela serait un peu exagéré, car il n’y a pas que la politique dans la vie. Et puis, les électeurs potentiels de ces courants politiques, sont-ils vraiment conscients de leur choix, manipulés qu’ils sont par ceux qui font l’opinion. Marie Drucker peut sortir une grosse connerie, du moment qu’elle est bien coiffée et assise en biais, la grande majorité des téléspectateurs n’y verront que du feu. Là je pourrais sortir une longue liste de personnalités qui m’énervent et énervent Claude Allègre, tels Nicolas Hulot, Artus Bertrand, Jean-Louis Etienne, NKM, Bougrain-Dubourg, mais stop, cet article n’est pas un inventaire à la Prévert de mes détestations.
N’ayant pas peur des paradoxes, je me souviens que bien qu’énervé par les Communistes, je n’en étais pas moins excédé par l’anticommunisme primaire et que considérant pourtant la politesse comme une forme élaborée d’hypocrisie j’en exècre pas moins les rustres, les impolis qui vous passent devant au supermarché ou empêchent de sortir d’une rame de métro, ceux qui téléphonent à voix haute dans les transports et tant d’autres olibrius. Les poncifs, les lieux communs, la pensée commune, l’ordre établi m’énervent. Mais ce qui me rassure, c’est que de mon côté je dois en énerver plus d’un. Je n’ai qu’à lire certains commentaires sur mes articles publiés sur ce site pour en être convaincu. De toute façon, s’énerver c’est réagir, donc vivre, donc être ! Mais arrêtons là, Descartes aussi m’énerve.
J’espère enfin, que ceux qui ont assez d’humour pour comprendre le second degré ne seront pas trop énervés par mon texte.
Et puis à force de nous rabâcher sa chanson sur les ondes et à la télévision, c’est probablement Helmut Fritz qui va finir par m’énerver.