Cadavres exquis de chez Findus
Cadavre exquis est un jeu qui consiste à faire composer une phrase, ou un dessin, par plusieurs personnes sans qu'aucune d'elles puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes, telle est la définition qu'en donne le Dictionnaire du surréalisme. En agro-alimentaire, c'est aujourd'hui un peu ça : recette carnée consistant à élaborer un plat par plusieurs entreprises sans qu'aucune d'elles puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes...
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH296/20111208190755-01-3c208.jpg)
Horsegate, un faux scandale
C'est ainsi que la marque Findus renvoie la "faute" (euphémisme pour fraude) à son fabricant Tavola qui renvoie la balle à Comigel qui la renvoie à son fournisseur Spanghero qui la renvoie à son tour aux traders néerlandais et chypriotes qui la passent aux fournisseurs roumains..., un peu comme dans une mêlée de rugby du temps où le clan Spanghero faisait dans un sport dont la rudesse pouvait laisser présager leur avenir probable dans la boucherie et l'équarrissage. En juin 2011, la firme Spanghero, déjà impliquée dans une alerte à une contamination à la bactérie E. Coli, fut contrainte au rappel de 12 tonnes de ses produits.
Le fournisseur de l'usine luxembourgeoise de Comigel est le groupe français Poujol, lui-même holding de tête de la société Spanghero dont le dernier propriétaire est la coopérative Lur Berri, ancienne filiale d'Arcadie Sud-Ouest. Comigel a acquis la viande surgelée auprès d'un trader chypriote, qui avait déjà sous-traité la commande à un trader situé aux Pays-Bas, ce dernier s'étant fourni auprès d'un abattoir et d'un atelier de découpe roumain..., selon Benoît Hamon, ministre chargé de la consommation.
J'en profite ici pour rappeler que manger de la merde est un acte citoyen et que ceux qui s'y opposent peuvent être incriminés de terrorisme.
Comme au temps de la vache folle, tous les agents de la DGCCRF sont sur le terrain, plusieurs ministres sont sur la brèche, les instances européennes sont indignées, jusqu'aux médias qui se voient sollicités par de la viande chevaline intruse dans les hachis de bovidés alors qu'ils devraient couvrir en priorité (laïcité oblige...) un autre dossier mafieux, celui de la désertion papale pour cause de sénilité.
Il s'agit de sauver la façade d'un pan de notre économie, celui du cartel de la filière bouchère et de l'agro-alimentaire, censément le plus nauséeux après ceux des médocs, de la pétrochimie et des armes.
Quelle surprise ! Comment en serait-il autrement ? Les règles de l’OMC, les directives de l’OMS, les prérogatives du FMI, les décisions du Conseil et des gouvernements, les folles délocalisations, la sous-traitance échevelée, la labellisation à outrance, la fourberie de la douteuse éthique industrielle à base de montages financiers et l'impossible traçabilité en zones ultrapériphériques (de Bombay au Maroc en passant par des abattoirs roumains ou ukrainiens et des empaqueteurs en ports francs)... n'avaient donc pas comme objectif de perdre le consommateur dans le dédale d'une hyper règlementation rassurante ?!
Sous la promotion sans égal de la barquette de cadavre sanguinolent, le vrai est faux, le bio est pharmaceutique et le légal ne peut être davantage malhonnête.
Je vous le dis : il n'y a rien de plus déontologique que du cheval ou de l'âne dans du bœuf ou dans du cochon. C'est la crise et il faut vendre, bordel ! Ce que nous risquons, c'est plutôt du phoque Inuit ou du chameau bédouin dans les blédines, du chat, du chien, du rat dans les raviolis. Et cela n'arrive qu'aux entreprises artisanales, souterraines et non contrôlées qui n'ont pas pignon sur rue ! Le consommateur fait la différence et reporte sa confiance au profit des transnationales correctement marketées.
Qu'en pensent ceux qui ne sont pas zoophages ?
Eh bien, ils se marrent comme des baleines !
Il tue le loup, il frappe l'âne, il caresse son chien et mange l'agneau, c'est l'homme !
Comme pour les antiracistes pour lesquels toutes les races se valent, pour les antispécistes toutes les espèces animales se valent, sauvages ou domestiques, comestibles ou non. À savoir qu'elles doivent être respectées, non esclavagées, non exploitées, ni élevées, encore moins consommées, dans la mesure où l'intelligence dite supérieure de l'homme induit l'empathie. La dérive carnivore de l'homme moderne n'est plus que le caprice culturel d'un ex-régime omnivore, sauf sous bioclimat ultra spécifique comme celui polaire où le régime Inuit est l'exception qui confirme la règle. Et encore, plus maintenant, puisque les circuits longs et le fast-food ont investis les abords des banquises.
En renonçant au régime carné, ou en reléguant la viande à une consommation très secondaire, voire occasionnelle, il s’agit tant de mettre un terme aux affres environnementaux du pâturage intensif, que de soulager considérablement la faim dans les pays exploités, d’assurer aux pays exploiteurs une alimentation moins pathogène et dégénérative, d’établir un rapport moins barbare entre les animaux éleveurs que nous sommes et les animaux élevés, lesquels le sont très généralement dans des conditions abominables.
Faute de pouvoir légitimement demander plus, le flexitarisme, ou semi-végétarisme qui n’exclut que la viande de "mammi-frères" mais accepte certains poissons et parfois la volaille doit pour le moins remplacer la surconsommation de viande dont fait preuve le mode de vie à l’Occidentale. Cette dynamique s’inscrit dans une incitation générale à la frugalité, c'est-à-dire à la recherche d’une certaine simplicité et une moindre empreinte écologique. Il est urgent de considérer le mangeur quotidien de viande comme un drogué, de lutter contre ce type d’overdose, d’ouvrir des centres de désintoxication pour les psychopathes atteints de zoophagie.
Les tickets hebdomadaires ou mensuels, notamment de viande, voire de produits laitiers, doivent être réinstaurés . Au mieux, boucheries et restaurants spécialisés devraient être fermés dans les plus brefs délais. C’est l’un des efforts de guerre qui doit être demandé aux pays les plus nantis et que l’on dit responsables d'une crise… écosystémique.
Et pourtant, sans le moindre état d’âme à l’égard de la condition faite aux animaux, le rayon boucherie de nos hypermarchés poursuit imparablement la quête de sa pierre philosophale, de sa poule aurifère, qui doit être quelque chose comme le porc à quinze côtes, la truie à trois portées, la vache à engendrer deux veaux… Les majors boulimiques de l’agro-industrie ont déjà enfanté du poulet sans plumes, comme de la plante sans semence, sans que l’absurdité de leurs objectifs ne pose un quelconque problème sociétal. Le consommateur est conditionné à penser que c’est pour son bien, voire mieux, pour nourrir la faim dans le monde.
Maintenant qu’il suffit de transplanter un gène de la chose dans la bête, les labos ne vont pas se gêner pour ajouter du filet ou retirer des pattes. Alors, s'étonner que du cheval qui n'est peut-être que de l'âne se mélange au bœuf qui déjà est de la vache, le tout dans un espèce d'immonde hachis farci dans une pâte de nouille absolument dégueulasse, c'est être d'une naïveté rare !
Bon appétit et bonne chance !
Végé, c'est tendance...
Des écosophes hermétiques aux peoples médiatisés, le végéta*isme opère une percée qui laisse présager un prochain changement dans notre paradigme alimentaire.
Je ne fais pas seulement référence à mes propres livres où le sujet est récurrent, notamment dans L'agroterrorisme dans nos assiettes (2012 chez LME), dans Les Orphelins de Gaia (2012 aux Presses du Midi) ou dans Dictature verte (2010 aux Presses du Midi), mais aussi aux excellents opus de Fabrice Nicolino : Bidoche (2010 chez Actes Sud) et de Jonathan Safran Foer : Faut-il manger les animaux ? (2012 chez Points), évidemment à Aymeric Caron et son No steak (2013 chez Fayard) et, éthiquement plus exigeant, à Catherine Hélayel avec Végan ! : le choix de la vie (2013 chez LME).
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