Cameroun : L’argent de cette campagne présidentielle est-il sale ?
Une campagne présidentielle, ça ne se fait pas sans argent. Et qui dit argent, dit souvent corruption. Au parti au pouvoir, comme à l’opposition l’opacité est de mise. Si on ouvrait ce volet au Cameroun, c’est presque sûr qu’on aboutirait à de retentissants scandales. Ce serait même l’enquête impossible. Il n’existe aucun texte de plafonnement des frais de campagne. Tous les coups sont permis. Les candidats ont du mal à justifier les origines de l’argent de leur campagne. Les partis politiques qui accompagnent les candidats, ne peuvent pas montrer la traçabilité de leurs revenus. Ce flou existe, donc il serait hasardeux de jeter le discrédit sur qui que ce soit. Mais, ce qui dérange le plus dans cette campagne, c’est l’absence de décence de certaines formations politiques. Cette indécence mise dans une élection présidentielle peut fausser le scrutin.
La concurrence illégale, anticonstitutionnelle du RDPC et Biya
La démocratie est en deuil, pourrait-on le dire ainsi. Cette nébuleuse opaque et anachronique de réseaux politico-affairistes parasite depuis des lustres la vie publique au Cameroun. Bien que nous soyons au multipartisme, la confusion règne toujours entre le parti au pouvoir et l’Etat. Et pourtant, les textes règlementaires qui régissent la vie publique et principalement celle des partis politiques sont en vigueur depuis 1990. Il est grand temps que les partis politiques qui concourent à cette élection sachent saisir les organismes statutaires, pour statuer, juger, légiférer sur la vie des partis politiques. Et, au regard de ce qui se déroule, ce scrutin est truffé d’irrégularités. La sincérité du scrutin n’est pas garantie. Nous allons évoquer trois points où il y a flagrance :
- Le RDPC en tant que parti politique, jouit des biens meubles et immeubles de la nation entière ; L’occupation depuis 33 ans des locaux du peuple sans contrepartie financière est assez grossière.
a) Les employés du RDPC sont rémunérés par l’Etat, et pourtant ils travaillent pour un parti politique privé.
b) Le RDPC utilise les véhicules de l’Etat à des fins partisanes, voire privées.
c) Le Secrétaire général du comité central, est rémunéré par l’Etat, il détient un véhicule de l’Etat et pour sa sécurité un garde-du-corps lui est attribué, sans qu’on ne sache dans quel rang protocolaire on devrait le classer. Pouah !
- La neutralité des forces de l’ordre est parasitée, par le fait des les utiliser, pour des missions qui ne relèvent pas de leurs attributions régaliennes et républicaines. En les invitant dans les meetings politiques, quel est le but recherché ? Les transformer en miliciens ? Les encarter comme membres du RDPC ? Leur faire un lavage de cerveau comme dans l’armée rouge ? Leur présence aux frais du contribuable à Maroua rimait à quoi ? Pourquoi tous les candidats n’ont eu tous les mêmes égards républicains ? Sauf erreur de ma part, le candidat du RDPC n’est pas encore réélu.
- A Ebolowa toujours pendant cette campagne électorale, une vidéo montrait le ministre Fame Ndongo, esquissant des pas de danse, pendant que son officier de protection se trémoussait derrière lui. A ce titre, peut-on encore faire confiance à nos forces de l’ordre ? D’autre part, quand le directeur du cabinet civil, utilise le sceau de l’Etat, pour annoncer le meeting du candidat du RDPC, cela veut-il dire que l’Etat c’est le RDPC ? A titre d’exemple, c’est comme si le directeur de cabinet de Macron, prenait un papier en-tête de l’Elysée, pour convoquer une réunion de La République En Marche…
A titre de rappel, quand un parti politique est en campagne, son service d’ordre s’occupe de la sécurité. Les forces de l’ordre n’interviennent qu’en cas de trouble à l’ordre public.
- Le président du RDPC s’est rendu à Maroua sirènes hurlantes, avec tous les honneurs militaires, dans une cérémonie privée de lancement de sa campagne, sous d’autres cieux, il y aurait impeachment. Au point où, on se demande si La sécurité présidentielle, la garde présidentielle, l’armée nationale, la gendarmerie nationale, la police nationale sont des milices du RDPC.
Où est donc le sacrosaint principe de neutralité et de loyalisme des forces de l’ordre ?
- Le dernier aspect est celui du temps de passage dans les médias ; le RDPC, a confisqué les médias d’Etat presse écrite, radio et télévision à Maroua.
a) Le déroulement de la cérémonie de Maroua, elle seule, a pris plus de 8 heures d’antennes.
b) Les journalistes du service public, ont violé le code de déontologie et se sont comportés en agent de propagande du parti.
c) Que le RDPC, nous dise et nous démontre, qui a payé ses affiches de campagne ; qui a payé la société éditrice des slogans de leur candidat ; qui a financé pour le libéralisme communautaire, puisqu’il a été édité à compte d’auteur ?
Enfin, après lecture de la situation, il se démontre que, Biya ne pourra pas se rendre au Sud-ouest, car son parti n’a pas d’argent. Si on s’en tient au fonctionnement du parti, qui doit tirer ses ressources de la vente de carte d’adhésion, le financement se ferait avec les ressources générées par celle-ci. A l’heure actuelle, ils n’ont pas 20 mille Euros dans leurs comptes. Ce parti étant habitué de profiter des deniers publics, de la force publique, il ne peut pas financer le déplacement privé de son candidat. Ce déplacement nécessite, la location ou l’achat d’un véhicule privé blindé ; le paiement d’agents civils de maintien de l’ordre ; la logistique privée ; et toutes autres animations.
Voilà un cas d’école pour nos éminents juristes, qu’ils entrevoient une saisine : du Conseil Constitutionnel, de la Cour des Comptes, de la CONAC (Commission nationale anticorruption) et d’ELECAM (Elections Cameroon), garant et organisateur des élections, pour exiger le respect des règles, et l’égalité de tous les citoyens dans une élection.
Kamto a-t-il financé seul sa campagne ?
Le MRC, à en croire son leader est subsidié par ses fonds propres. Ses fonds propres signifient : la vente de cartes, de gadgets. Le coût d’une campagne s’élève pour le Cameroun à environ à 50 millions d’Euros. Le MRC, est une formation politique qui a moins de 10 ans. Elle ne gère pas de mairie, elle a un seul député à l’assemblée nationale, donc ne pourrait pas justifier d’une pareille somme dans ses comptes. A moins que cette formation détienne des comptes offshores. Peut-être aussi que dans sa région natale qui prolifère en tontines, de bienheureuses tontines lui ont offert cette somme. Le leader de cette formation politique, peut aussi bénéficier du financement de ses anciens amis du gouvernement, et de certains hommes d’affaires de sa région. Lors de cette campagne, il a refusé la modique somme de 22 mille Euros que l’Etat lui a attribué comme allocation de campagne. C’est dire qu’il n’est pas misérable. A mon avis, par respect des institutions et des votants, il aurait dû prendre cet argent. Enfin, si ce sont ses propres revenus, la question de l’origine des fonds subsistera. Ce n’est que maintenant que je vois un appel de fonds sur les réseaux sociaux de ses fans, ce qui pourrait justifier en partie ses avoirs. .. Mais, il n’a pas encore déclaré ses biens, peut-être on aura des surprises s’il les déclarait.
Le parti Univers et son énigme Cabral
Cabral Libii, dans cette campagne a une longueur d’avance sur ses concurrents. Il est l’un des rares candidats à avoir déclaré ses biens. Il est aussi le tout premier à demander à ses supporters de payer sa campagne. Il a pu, au fil de cette opération payer sa caution qui s’élevait à environ 50 mille Euros. La deuxième phase de sa campagne, a consisté à sillonner l’Europe et l’Amérique à la quête du pécule ; il n’est pas rentré bredouille. Il a déclaré publiquement le fruit de son Fundraising. Il est à noter que, c’est l’unique candidat qui lors de ses meetings demande à ses supporters de l’aider ; et les supporters n’hésitent pas à déclencher la bourse.
Cette originalité a poussé le parti au pouvoir à l’imiter et ses autres concurrents en font pareil.
La délation n’a jamais gagné une élection
« La calomnie est en politique moins gênante que, la manifestation de la vérité. » Charles Péguy.
Quelque chose de malsain que je répugne dans notre société, c’est la propension au dénigrement et au mensonge. On peut ne pas être d’accord, on peut contester, mais on n’a pas le droit d’insulter et de traîner l’honneur des gens dans la mélasse. Je suis un adversaire fieffé de ce régime, mais jamais j’ai versé dans l’outrance. Car l’outrage ne grandit ni celui qui l’encaisse, ni celui qui le projette. La politique est noble. La politique est un art, et dans tout art, il y a des règles. Les arts martiaux sont fantastiques, parce qu’ils prônent le respect. On respecte l’adversaire, le rival, le challenger, qu’on soit vainqueur ou vaincu. Car, la tolérance est le début du respect, selon Victor Hugo.
Je l’ai dit dans mon précédent article, tous les candidats sont gris, il n’y a aucun qui soit blanc et les autres noirs. Il est préférable de ne plus verser dans le passé des uns et des autres. Car, le passé est derrière nous et ce qui nous importe, c’est l’avenir. Alors, j’ose croire que l’adversaire à battre c’est Paul Biya. Et même ce Biya, s’il gagne proprement ces élections, je suis démocrate, j’acclamerai sa victoire. Il faut éviter le nihilisme et l’absolutisme. Certains s’arriment sur leur candidat, c’est normal. De grâce respectons la différence.
Il est difficile d'évaluer l'impact des rumeurs dans l'opinion. Celles visant Georges Pompidou en France en 1969, au moment de l'affaire Markovic n'ont pas contrecarré son élection à la présidence de la République. La politique c’est comme l’amour. Quand on aime, la haine devient un faire-valoir. Ceux qui aiment leurs candidats les voteront, la calomnie ne modifie pas le choix du vote. On vote par conviction, et parfois, la conviction est plus forte que la mort. Cabral peut surprendre…
A bon entendeur !
Aimé Mathurin Moussy
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