Suite à l’article « Cannabis, données essentielles », de vives réactions sont venues alimenter le débat, en criant au scandale de l’alcool qui jouissait encore d’une bonne notoriété alors que sa consommation est bien plus redoutable. Comme je suis tout à fait d’accord avec cette assertion, mais partant du principe que même s’il y a pire ailleurs, ce n’est pas une raison pour ne pas en parler, j’entreprends de comparer les données du cannabis avec celles de l’alcool.
L’alcool est avec le tabac la substance
psychoactive la plus consommée en France, même si on note une
diminution régulière de celle-ci. On estime à 42,5 millions les
expérimentateurs (12-75 ans) de l’alcool en France. Les usagers
réguliers sont estimés à 9,7 millions. Pour le cannabis, on dénombre
12,4 millions d’expérimentateurs et 550 000 usagers réguliers.
Lors d’une enquête menée en
2002, 61 % de la population déclarent se sentir informés sur les
drogues. Lorsqu’on leur demande de citer les principales drogues, 82 %
des sondés citent le cannabis contre 18,8 % l’alcool. L’alcool jouit
encore d’une notoriété bien installée et n’est pas considéré comme une
drogue. Cependant, 70 % des sondés sont convaincus que l’abus d’alcool
représente des dangers plus grands pour la société que la consommation
de substance illicite, notamment le cannabis.
Les effets de l’alcool
L’alcool n’est pas digéré, il passe directement du tube digestif aux
vaisseaux sanguins. En quelques minutes, l’alcool se retrouve dans
toutes les parties de l’organisme, véhiculé par le sang. Le taux
d’alcoolémie est donc très rapidement élevé et baisse progressivement
avec le temps selon la quantité absorbée. Il augmente très rapidement
d’autant que l’on a mangé ou non lors de l’absorption. Il faut compter
en moyenne, une heure par verre absorbé, pour voir son alcoolémie
diminuer.
L’alcool provoque un état
d’ivresse qui peut entraîner des troubles digestifs, des nausées, des
vomissements, une nette diminution de la vigilance, une perte de
contrôle de soi qui peut conduire à des comportements violents, à des
passages à l’acte, des agressions sexuelles, suicides, homicides. Mais
aussi à une exposition à des agressions par une attitude parfois
provocatrice, ou tout simplement par la faiblesse induite par l’alcool
qui rend la personne inapte à se défendre. Elle devient donc une proie
privilégiée selon le degré d’imbibition.
La consommation régulière
augmente le risque de nombreuses pathologies comme le cancer (bouche,
gorge, œsophage...), la cirrhose, maladie du pancréas, troubles
cardiovasculaires, hypertension artérielle, maladies du système nerveux
et troubles psychiatriques (anxiété, dépression, troubles du
comportement).
Il existe une réelle dépendance
à l’alcool. La personne est incapable de diminuer ou d’arrêter sa
consommation, malgré les dommages. Des symptômes apparaissent comme les
tremblements, crampes, anorexie, trouble du comportement. Cette
dépendance s’accompagne de difficultés majeures d’ordre relationnel,
social, professionnel, sanitaire et judiciaire.
De plus la consommation d’alcool
lors de la grossesse a des effets dévastateurs pour l’enfant à naître.
Le seuil de consommation n’étant pas défini, il est vivement recommandé
de s’abstenir durant toute la période de grossesse.
Les effets du cannabis
Une prise de cannabis entraîne une euphorie souvent modérée et un
sentiment de bien-être suivis d’une somnolence, mais aussi un
affaiblissement de la mémoire à court terme (dite de travail) et des
troubles de l’attention. En fonction de la dose, de la tolérance et de
la sensibilité de l’usager, une altération des performances
psychomotrices apparaît ainsi que des troubles de l’attention et de la
coordination motrice, de l’allongement du temps de réaction, une
altération des capacités cognitives et des modifications des
perceptions sensorielles et de l’évaluation du déroulement du temps.
Ces troubles peuvent devenir aigus ou chroniques.
Sur le plan somatique, une prise
de cannabis provoque une accélération du débit et de la fréquence
cardiaque et une dilatation des vaisseaux sanguins périphériques
pouvant entraîner une hypotension en position debout, des maux de tête,
une hypersudation. Elle est également responsable des fameux « yeux
rouges ». Dans un premier temps, l’inhalation provoque une dilation
bronchique responsable de réactions inflammatoires susceptibles
d’entraîner une toux. L’appétit augmente également.
Consommation
Si le cannabis est la drogue illicite la plus consommée en France,
l’alcool est la drogue licite, avec le tabac, les plus consommés.
15 % des adultes déclarent
consommer de l’alcool tous les jours. Ce sont les 45-75 ans qui en
consomment le plus quotidiennement, alors que l’usage quotidien chez
les jeunes est plus rare. Contrairement au cannabis, plus populaire
chez les jeunes et qui voit sa consommation diminuer avec l’âge.
Pour les deux produits, ce sont
les hommes les plus consommateurs. On dénombre 42,5 millions
d’expérimentateurs, dont 39,4 millions consommateurs occasionnels, et
dont 9,7 millions de consommateurs réguliers d’alcool contre 550 000 de
consommateurs réguliers de cannabis.
Si la France fait partie des
pays les plus consommateurs de cannabis en Europe, elle se situe à la
quatrième place pour l’alcool. Ce sont les Pays-Bas qui détiennent la
première place pour la consommation d’alcool chez les jeunes (20e pour
la France), alors qu’ils sont 16e pour une consommation globale.
Risques et conséquences de l’abus d’alcool
La consommation excessive d’alcool est associée à d’importants dommages sur le plan sanitaire et social.
L’alcool est directement à l’origine d’un peu plus de 22 500 décès
(2000), que ce soit par cirrhose, psychose alcoolique ou cancer. 80 %
étaient des hommes et 50 % âgés de moins de 65 ans. Mais l’alcool est
également impliqué dans de nombreuses pathologies et causes de décès
(AVC, accidents de la route, domestiques, etc.). On peut donc estimer à
environ 45 000 le nombre de décès attribuables à l’alcool.
Un tiers de l’ensemble des décès
par accidents de la route est imputable à l’alcool, soit 2 300 décès
par an. Le nombre de décès décroît régulièrement depuis plusieurs
décennies, expliqué par la diminution de la consommation, mais aussi par
les progrès thérapeutiques.
En termes de recours aux soins,
80 à 90 000 personnes ont été reçues dans le système spécialisé de
soins en 2003. 93 000 séjours avec diagnostic de troubles mentaux et du
comportement liés à l’utilisation de l’alcool ont été comptabilisés et
plus de 26 000 séjours pour sevrage alcoolique. Une enquête auprès des
médecins de ville a révélé un nombre de 48 000 pour les patients vus en
une semaine pour sevrage alcoolique.
Un tiers des nouveaux
consultants dans les structures spécialisées est demandeur d’emploi ou
exerce une activité précaire, 12 % n’ont pas de domicile stable.
En 2003, 67 400 personnes ont
été interpellées pour ivresse publique, plus de 243 000 dépistages de
l’alcoolémie routière se sont révélés positifs. Les tribunaux ont
prononcé environ 104 600 condamnations pour conduite en état
alcoolique, 3 736 pour blessures involontaires par conducteur en état
alcoolique et 421 pour homicide par conducteur en état alcoolique. Les
autres infractions n’ont pas fait état de mesure en France.
On dénombre 230 accidents attribuables à la consommation de cannabis.
Faits et chiffres
12,4 millions d’expérimentateurs de cannabis contre 42,5 millions pour l’alcool.
1,2 million de consommateurs occasionnels de cannabis contre 39,4 millions pour l’alcool.
550 000 usagers réguliers de cannabis contre 9,7 millions pour l’alcool.
49,5 % des jeunes de 17 ans ont expérimenté le cannabis avec un début
vers l’âge de 15 ans. Si avant 14 ans la consommation d’alcool reste
rare, à 17 ans 57 % déclarent avoir déjà été ivres. 46 % d’entre eux ont
eu un comportement d’alcoolisation correspondant au binge drinking
anglo-saxon. Contrairement à l’alcool, l’usage intensif ponctuel ne
présente pas les mêmes risques.
La peine encourue peut aller
jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende pour l’usage de
cannabis. La conduite sous l’emprise de stupéfiants est sanctionnée
d’une peine de 2 ans et de 4 500 euros d’amende. Pour l’alcool,
l’ivresse publique et manifeste est actuellement passible d’une
contravention de 2e classe (150 € d’amende). L’ivresse dans une
enceinte sportive constitue un délit passible d’emprisonnement,
notamment en cas de violences. L’alcoolémie au volant est passible
entre autres d’une peine d’amende (de 135 à 4 500 €), du retrait de
points du permis de conduire, de la suspension ou du retrait du permis,
voire d’une peine de prison. En cas d’accident corporel, les peines
sont aggravées et peuvent atteindre dix ans d’emprisonnement en cas
d’homicide involontaire avec manquement délibéré à une obligation de
sécurité ou de prudence.
Le coût social du cannabis
s’élève à 919 millions d’euros, soit 0,06 % du PIB de 2003 ou encore un
peu plus de 15 euros par habitant. Pour l’alcool, le coût social
s’élève à 2,37 % du PIB soit 599 euros par habitant. Soit 40 fois plus que le cannabis.