Carton rouge
Les situations de crise sont propices à révéler les comportements humains les plus extrêmes, de l'héroïsme à l'égoïsme le plus sordide. Mais qu'en est-il quand elles affectent les états ?
Depuis le mois de février l'Italie fait face à une crise sanitaire sans précédent dans son histoire récente. Le coronavirus a ravagé sa population et mis à l'arrêt son économie. Elle est de loin le pays européen qui paye le plus lourd tribut à cette pandémie. Contre toute attente c'est de Cuba et de la Chine que sont venus les premiers gestes de solidarité. C'est ainsi que Pékin lui a envoyé 680 000 masques chirurgicaux pour compenser son manque de matériel médical. Mais alors que, le 17 mars, l'avion de la Croix Rouge avait fait une escale à Prague avant de repartir pour Rome, sa cargaison a disparu durant cet intervalle.
C'est un chercheur et lanceur d'alerte tchèque – Lukas Lev Cervinka - qui a, le premier, révélé l'information, mettant directement en cause le gouvernement de son pays. Evidemment, celui-ci a tout d'abord botté en touche, prétextant que les masques, censément destinés à des entreprises tchèques, avaient été volés par des groupes de criminels. Néanmoins, sous la pression internationale, il a fini par reconnaître la scandaleuse vérité. Car c'est bien la République Tchèque qui envisageait de détourner à son profit cette cargaison qui portait explicitement la mention « aide humanitaire chinoise pour l'Italie ». Attitude d'autant plus paradoxale que ce pays est l'un des moins touchés par le Covid-19, avec seulement un millier de cas d'infection et aucun décès. Pour enfoncer un peu plus le clou, le gouvernement tchèque a même proposé d'envoyer 110 000 des 680 000 masques subtilisés à l'Italie. Comme si un voleur pouvait se dédouaner en restituant une partie seulement de son butin.
Cet acte de délinquance étatisée a soulevé, bien sûr, l'indignation du monde entier. Voilà un pays qui, loin de soutenir un autre pays membre, comme lui, de l'Union Européenne, s'abaisse à lui dérober du matériel de première urgence. Belle démonstration de cynisme et d'égoïsme ! Si, pour le moment, la priorité demeure la protection des populations, nous espérons que cet acte grave recevra en temps voulu une sanction proportionnée de la part du conseil européen. Quoi qu'il en soit, cette pandémie montre, une fois de plus, la faiblesse structurelle du système fédéral européen. Il y a un clivage de plus en plus prononcé entre les quatre états du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, Slovaquie et République Tchèque) et le reste des pays de l'Union. Il serait peut-être temps de mettre les pendules à l'heure.
Jacques Lucchesi
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