Casablanca, I love you. Chronique d’une passion urbaine.
Casablanca, la ville blanche. Un
nom poétique, cinégénique, voire fantasmatique, habitant aisément les mémoires
et stimulant l’imaginaire. Un nom singulier pour une ville qui ne le vaut pas
si bien diront certains d’entre vous, beaucoup trop d’entre vous...
Que dire de plus sur Casablanca qu’il n’ait déjà été dit ? Comment répondre à ses détracteurs sans user des mêmes arguments Ad nauseam ? Peut-être serais-je plus convaincant en racontant mon propre parcours, somme toute très jeune, de Casaoui.
Je suis ce qu’on appellerait un authentique Rbati, né et grandi dans la capitale, Rabat. Et comme tout Rbati pur jus qui se respecte, je m’employais à dire du mal à l’endroit de notre voisine chaque fois que l’occasion se présentait : crade, bruyante, anarchique. Certes un nom poétique, mais une ville chaotique pensais-je. Ce n’est pas tout à fait inexact, il faut bien l’avouer, mais c’est ce qui fait son charme. Vous savez, comme ces petites imperfections qui finissent par vous faire complètement craquer.
J’avoue d’emblée dans le titre les sentiments que j’éprouve désormais pour ma ville adoptive. Au début je pensais que c’était une réaction de rejet vis-à-vis de Rabat, une déclaration de désamour à la ville qui m’a vu naitre. Sa nonchalance et sa voluptueuse paresse n’avait plus aucun effet sur moi. Sa superficie relativement modeste qui, jadis m’apportait intimité et sécurité, m’étouffait. J’avais besoin d’espace.
Ma première expérience de la grande ville a été Paris. Coup de foudre immédiat. Une réaction on ne peut plus naturelle. Paris c’est comme un top model, visage et corps de rêve, du genre sculptés par les dieux. Pourquoi je vous parle de Paris ? Parce que de retour au Maroc, je pensais que casa, étant l’unique grand centre urbain du pays, était la seule à pouvoir me faire oublier un tant soit peu mon chagrin d’amour parisien, vous savez comme une solution de repli, le bouche-trou de service en attendant de trouver mieux. Cela aurait été l’aimer pour les mauvaises raisons n’est-ce pas ?
Concrètement, c’est une ville qui a de la gueule. Mais sous ses airs de centre urbain anarchique, c’est une ville qui se cherche créant une sensation de mouvement perpétuel, délicieusement étourdissant. Le dynamisme à Casablanca n’est pas seulement économique mais également culturel, artistique, linguistique, social. La ville blanche est un chantier culturel où naissent quasiment toutes les tendances pour se répandre ensuite, avec plus ou moins de succès, dans le reste du pays. Contrairement aux villes impériales comme Rabat, Fès, Meknès et dans une moindre mesure Marrakech, qui se gargarisent de leur passé historique, Casa est une ville jeune, sans complexe, une ville canaille qui n’a pas froid aux yeux. Elle avance à vitesse grand V, impétueuse et déterminée. Mais c’est cette réputation de ville insolente qui lui vaut de cristalliser toutes sortes de griefs, le plus souvent infondés. Casa est toujours trop ceci ou trop cela, elle est « too much » avais-je moi-même l’habitude de dire. Je sais maintenant que pour l’aimer, ou du moins l’apprécier à sa juste valeur, il faut s’armer de patience et mieux la connaitre. A défaut de plaire tout de suite, pour cause d’excédent de défauts, justement, on apprend à l’aimer, peu à peu. Comment on sait qu’on est enfin conquis ? Peut-être une balade dans le quartier Mers sultan aux pieds des somptueux « vestiges » d’immeubles art déco, ou les rues qui ne désemplissent pas même tard le soir, ou alors cette exaltante sensation d’anonymat propre aux grandes métropoles, ou peut-être tout simplement en se surprenant à dire que Casa est une ville « sdaâ* ». Oui, là il n’y a plus de doute, on est bel et bien conquis.
Une ville cinégénique je disais au début. Casablanca, de Michael Curtiz, film mythique s’il en est, ne s’y est pas trompé l’inscrivant par la même dans l’imaginaire collectif de millions de gens qui pour la plupart n’y ont jamais mis les pieds. Et puis tout récemment Casanegra de Noureddine Lakhmari, portrait en négatif de la métropole : une ville dangereuse, rude, sans pitié, pas si blanche que ça en définitive. Ces deux films illustrent parfaitement le casa que j’aime aujourd’hui, tantôt irréel et fantasmé, tantôt ultra réaliste et peu reluisant. Pour le meilleure et pour le pire, en somme.
J’ai donc aimé Rabat, la capitale du Maroc, d’un amour instinctif, filial, puis Paris, la capitale de l’amour, d’un amour fulgurant et immédiat, et enfin Casablanca, dont la passion s’est insinuée en moi de manière latente, voire sournoise, me faisant fermer les yeux sur ses pires défauts, mais peu m’importe, c’est aujourd’hui et pour toujours la capitale de mon cœur.
*Se dit de quelque qui plait fortement. Ce terme de l’argot marocain est connu pour être très utilisé par les jeunes casablancais.
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