Ce que veut l’Allemagne (réponse à M. Jean-François Copé)
M. Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, a eu la très grande courtoisie de répondre le mois dernier de façon précise et détaillée à notre « Lettre ouverte aux parlementaires », concernant la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à laquelle renverra le traité fédéral venant bientôt en discussion devant le Parlement. Son argumentation ne nous a toutefois pas convaincus et nous donnons en réponse (pièce jointe) cette seconde - et dernière, bien entendu - « Lettre ouverte ». Si on n’en devait tout d’abord retenir qu’une seule chose, que ce soit (troisième page sur les cinq de la lettre) cette carte, si révélatrice, des codes postaux allemands, dont personne ne parle publiquement à notre connaissance, et pour laquelle notre courrier comporte un lien hypertexte qui permettra à chacun de juger « en quelques clics de souris » du bien-fondé de nos inquiétudes. L’Allemagne envisage bien, un jour, de rectifier ses frontières et a besoin pour cela des dispositions contenues dans le traité et la Charte. Ensuite, sans doute sera-t-on plus disposé à prendre en considération notre mise en perspective, notamment sous l’angle linguistique, du traité et de la Charte, et lira-t-on entièrement et attentivement notre « Lettre ouverte » pour nourrir sa réflexion.
- Lettre ouverte à M. le député Jean-François Copé -
Strasbourg, le 20 septembre 2007
Objet : votre réponse à notre « Lettre ouverte aux parlementaires »
Monsieur le député,
Veuillez accepter nos remerciements pour votre réponse argumentée - que nous reproduisons ci-après - à notre « Lettre ouverte aux parlementaires sur la Charte des droits fondamentaux de l’UE » et permettez-nous de reprendre la parole une seconde et dernière fois.
Ce faisant, nous avons la conviction, - tout en respectant la différence de légitimité au débat entre l’élu que vous êtes, de surcroît président du groupe majoritaire de l’Assemblée, et les simples citoyens, militants de mouvements souverainistes, que nous sommes, - de vous apporter, ainsi qu’aux parlementaires qui voudront bien nous lire, des informations inédites sur la question allemande vue d’Alsace, par nous-mêmes et nos amis.
Remarquons que depuis notre « Lettre » en juillet, deux faits confortent notre conviction. Il s’agit d’une part, après l’exemption du Royaume-Uni, des réticences marquées de la Pologne à l’égard de la Charte et à cela il doit y avoir une raison en Silésie et en Poméranie... Il s’agit d’autre part de l’annulation par le tribunal administratif du Bade-Wurtemberg, sur requête de parents d’élèves, d’une ordonnance gouvernementale du Land obligeant les lycées à poursuivre l’enseignement du français comme première langue étrangère dans la bande rhénane. Le français y intéresse donc les familles bien moins que l’anglais.
Vous écrivez tout d’abord : « Je tiens à vous préciser que la Charte ne reconnaît aucun droit collectif aux minorités et ne fait aucune mention à ce sujet. (...) Ces dispositions sont parfaitement conformes à la tradition constitutionnelle française de protection du principe d’égalité et à celle de la Convention européenne des droits de l’homme à laquelle la France est partie. Le respect de la diversité culturelle, religieuse et linguistique est un principe au sens de la Charte, qui n’emporte par conséquent pas d’obligation positive (...) » Pour la lettre des textes, vous avez raison ; mais pour l’esprit, dans la lecture qu’en fera l’Allemagne, principale intéressée au statut des « minorités linguistiques », et qu’en feront les juridictions européennes, il en va tout autrement.
Pour le projet de traité modificatif connu à ce jour, au sommet se trouveraient la personnalité juridique de l’Union (donc sa faculté d’adhérer à tous traités et Conventions comme Haute Partie contractante, sans les réserves d’interprétation que fait traditionnellement la France quant aux droits collectifs) et le principe de supériorité, - déduit des juriprudences de la Cour de Luxembourg, - du droit de l’Union dans les domaines communautarisés, soumis aux décisions majoritaires, notamment pour l’éducation et la culture. Nous y trouvons ensuite : « les droits des personnes appartenant à des minorités », « la diversité culturelle et linguistique et (...) le patrimoine culturel européen », l’intervention de l’Union dans les domaines de compétence partagée avec les États, la référence explicite à la Charte des droits de l’UE, l’adhésion automatique à la Convention européenne des droits de l’homme et sa réception comme bloc de constitutionnalité de l’Union, le droit de pétition collectif dans l’UE, la compétence interprétative de la Cour de Luxembourg, la saisine de celle-ci par des institutions ou des personnes physiques ou morales, les questions préjudicielles, les compétences exclusives, partagées et incitatives de l’Union et ses interventions pour la culture, l’éducation et la coopération administrative.
Pour la Charte des droits de l’UE, on relèvera : « le droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions (...) pédagogiques », l’interdiction de « toute discrimination fondée notamment sur (...) l’appartenance à une minorité nationale », le respect de « la diversité culturelle (...) et linguistique », le droit de pétition devant le Parlement européen (art.14, 21, 22, 44), le fait pour « toute personne de (pouvoir s’adresser) aux institutions de l’Union dans une des langues des traités et (de devoir) recevoir une réponse dans la même langue » (art. 41). Concernant cet article, on notera que, pour la France, l’Alsace-Moselle est la seule région où la « langue régionale » a été bien à tort désignée par les conventions entre l’Éducation nationale et les collectivités territoriales comme étant une langue des traités : l’allemand. C’est là, n’en doutons pas, que commencerait demain la bataille des langues !
Au total, nous croyons fermement que dans ce foisonnement normatif se cache la disposition qui sera un jour utilisée pour briser l’unité de la République et faire accorder par voie de jurisprudence des droits collectifs. La bataille juridique, derrière laquelle sera l’Allemagne, aura lieu aussi ailleurs en Europe, là où existent de prétendues « minorités allemandes » (Pologne, États baltes, République tchèque, Tyrol italien, Belgique). La Hongrie, du reste, avec ses « minorités » de l’extérieur, entend imiter l’Allemagne en suivant ses conseils.
Le scénario probable pour l’Alsace-Moselle pourrait être le suivant : des parents désirant un enseignement bilingue français/allemand près de chez eux et ne le trouvant pas, saisiront la justice administrative (c’est exactement le cas en ce moment en Alsace (1) ) ; celle-ci, demain, sur un domaine de compétence communautarisé en vertu du futur traité, saisira la Cour de Luxembourg d’une question préjudicielle ; la réponse sera évidemment l’obligation faite à l’État d’assurer partout, comme service public, l’enseignement bilingue. Cette diffusion banalisera ce projet très contestable sur le plan pédagogique et qui, du reste, n’existe pas de l’autre côté du Rhin ce qui démontre que l’objectif poursuivi de ce côté-ci est idéologique et non pédagogique. Le mouvement, à grands frais et vaille que vaille, sera amorcé et se diffusera (13 000 élèves à l’heure actuelle en Alsace) : l’Éducation ne sera plus nationale, mais binationale. Ainsi, nombre d’enseignants en classes bilingues sont-ils allemands ou autrichiens.
L’attaque pourrait aussi venir du droit applicable dans les eurorégions et eurodistricts en Alsace-Moselle ou ailleurs. Par les recours de « citoyens européens » intéressés ou invités à l’être, il sera réclamé un droit public exorbitant du droit national, ne serait-ce d’abord que pour faire droit au bilinguisme dans la vie publique. Ces droits collectifs amorceront la brisure de l’unité nationale avec des citoyennetés de premier et de second rang selon qu’on parlera ou non la « langue régionale », par exemple pour le recrutement dans les fonctions publiques. (En Corse, cela s’appelle « la corsisation des emplois ».) Le processus de détachement se poursuivra dans la durée par la langue, le droit, la culture, les institutions locales, l’éducation, les média régionaux, etc. Il y faudra une génération, mais cela se fera. Écoutons un spécialiste nous l’avouer, J.-M. Woehrling étant à la fois, si l’on peut dire, juge et partie car il fut longtemps président du tribunal administratif de Strasbourg et il est par ailleurs un partisan déclaré du fait linguistique alsacien : « La notion de « statut » de la langue inclut à la fois des droits individuels et collectifs.(2) » La Belgique illustre en ce moment jusqu’où tout cela peut mener.
Vous écrivez ensuite : « En outre, la France partage la position de l’Allemagne en ce qui concerne l’utilité de la Charte des droits fondamentaux. » Nous ne le croyons pas, au moins pour cette notion de « minorité », si par « la France » l’on veut bien entendre la citoyenneté telle que notre pays l’a construite au long de son Histoire. En voici une preuve. La Convention ayant élaboré en 2000 la Charte était présidée par M. Roman Herzog, ancien président fédéral d’Allemagne. Ce dernier, remettant ès-qualités en 1996 le prix Charlemagne à la reine des Pays-Bas, déclarait : « (Charlemagne) voulait, comme nous maintenant, conserver et en même temps réunir la diversité des cultures propres aux groupes ethniques de souche (Stämme)(3). » Ce mot Stamm n’a pas d’équivalent en français. La France est un pays historiquement métissé, jadis par les grandes invasions et plus tard par l’immigration. Nous n’avons pas la conception « ethnique » de la nation, mais celle de la citoyenneté immédiate, où nation et État coïncident, exprimée par notre tradition constitutionnelle depuis 1789.
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1. Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA), 5.9.2007
2. Land un sproch, Les cahiers du bilinguisme, 1993, numéro 106 (in : Yvonne Bollmann, La Bataille des langues en Europe, éd. Bartillat, 2001, pp. 58-59.)
3. Yvonne Bollmann, La Tentation allemande, éd. Michalon, 1998, p. 67.
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Au contraire, le peuple germanique (ayant envahi l’Europe, mais n’ayant pas été envahi) se perçoit aujourd’hui encore - avec une évidence qui lui rend difficilement compréhensible notre rapport à l’État, - sous l’aspect ethnique. (En allemand, les vocables sont völkisch, Volkstum, Volksgruppen, Deutschtum). Il se décline lui-même en Francs, Alamans (Badois, Wurtembourgeois, Alsaciens, Suisses alémaniques), Bavarois, Thuringiens, Chattes (Hessois), Frisons, Saxons (Bas- et Anglo-Saxons). C’est sur la base de cette conception qu’agira l’Allemagne, à savoir que ce qui a été un jour « allemand » se doit de le demeurer à jamais selon la chaîne causale : ethnie, langue, territoire, État fédéré. Chez elle, l’Allemagne ne reconnaît comme « minorités » titulaires de droits que les Danois et les Sorabes, sans importance numérique, ne revendiquant aucune autonomie et ne menaçant pas son unité. Et, puisqu’il n’y a pas de fédération sans fédérateur, l’Allemagne entend l’être - comme la Prusse le fut pour elle - d’une Europe à son image, une Europe fédérale des régions à base ethno-linguistique, en somme un fédéralisme ethnique. De ce point de vue, l’idéologie du IIIe Reich peut apparaître presque autant comme l’amplification monstrueuse de l’appel obscur du clan, de la tribu, du sang, de la terre, de la nuit des origines, qui gisent dans le mot ethnie, que comme un monstrueux accident historique. Un Français, lui, répondrait plutôt à la question « Race ? » comme le fit Albert Einstein sur son formulaire d’entrée aux États-Unis : « humaine ».
Si l’on se récrie devant notre mise en garde, en voici une preuve édifiante. Sur la carte des codes postaux allemands (1), refondue après la réunification, on remarque que les secteurs 05, 11, 43 et 62 sont absents. Interrogée, la Poste allemande répondit qu’il s’agissait de secteurs manquants dans des agglomérations industrielles recelant un potentiel de croissance (2). Sachant que sur 99 999 codes possibles, moins de 30 000 ont été attribués, cette explication est fantaisiste. On verra en revanche que le secteur 05 s’adapterait parfaitement à la région des « Sudètes » (République tchèque), le 11 à la Silésie (Pologne), le 43 aux cantons d’Eupen(Néau) et Malmédy (Belgique) et le 62... à l’Alsace-Moselle ! Tous ces territoires furent naguère revendiqués par l’Allemagne et annexés par le IIIe Reich, au motif de leur caractère « allemand ». Impensable ? Avec E. Poe et La Lettre volée, nous savons que parfois le plus visible s’avère le mieux caché : l’Allemagne ne s’interdit aucune hypothèse...
Certes, nul ne peut nier les souffrances des « Allemands des Sudètes » (2,6 millions) expulsés de Tchécoslovaquie en 1945 pour faits de collaboration avec les nazis ou ceux de Silésie-Poméranie (12 millions) fuyant le retour à la Pologne de ces régions. Mais ces habitants, par exemple en Bohême-Moravie depuis le XIIIe siècle, n’auraient-ils pas eu le temps de s’assimiler si, au lieu de leur conception ethnique de la nation, ils en avaient eu la nôtre ? La France ne doit pas rougir de sa conception assimilatrice et centralisée car elle lui doit sa paix civile, son sentiment national et son rayonnement universel. Ainsi, le modèle régional ethno-linguistique, inspiré du fédéralisme allemand, que certains lui préparent est un contresens où s’abîmera, dans la violence peut-être, son génie propre.
Vous écrivez encore : « La France a largement contribué à la rédaction de la Charte en 2000, dont le contenu a été jugé conforme à la Constitution française par le Conseil constitutionnel. » Il est exact que s’étant vu soumettre le projet de Constitution européenne où figurait la Charte, le Conseil n’y a pas vu, le 19.11.2004, d’inconstitutionnalité. Mais il est dit dans la décision que cela tient à ce que la Charte ne s’oppose pas aux articles 1 à 3 de la Constitution qui interdisent l’attribution de droits collectifs. Il suffirait que soit modifié, par exemple, l’article 2 (en ajoutant les langues régionales à l’usage du français) pour que la digue cède et qu’apparaissent les droits collectifs. Nous allons y revenir.
Par ailleurs, une jurisprudence relative à la « tradition constitutionnelle » peut toujours être renversée. Or, par sa décision majeure du 10.06.2004, le Conseil constitutionnel a dit que, dans un domaine de compétence communautaire - et, avec le traité modificatif, ce domaine serait considérable - il n’appartient qu’au juge communautaire de connaître de la conformité des actes normatifs aux textes européens, à moins qu’ils n’enfreignent une disposition expresse contraire de la Constitution. Ainsi, tout repose pour la question des langues sur la phrase de l’article 2 : « Le français est la langue de la République », ajoutée en 1992 pour faire pièce, dit-on, à l’anglais envahissant, mais dont on peut aussi penser qu’elle faisait barrage aux exigences de la Charte des langues minoritaires du Conseil de l’Europe.
1. http://www.mobile.de/suchen/plzmap_fr.html
2. Yvonne Bollmann, op. cit., p. 100.
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Vous écrivez enfin : « En revanche, la France a refusé de ratifier les conventions internationales qui reconnaissent des droits collectifs à des minorités, telles que la Charte des langues régionales ou minoritaires de 1992 ou la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales de 1995. » Pour nous en tenir à la Charte des langues, le Conseil constitutionnel, appelé à statuer sur la possibilité d’une ratification, a jugé sévèrement, dans sa décision du 15.06.1999, que « la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, en ce qu’elle confère des droits spécifiques à des « groupes » de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l’intérieur de « territoires » dans lesquels ces langues sont pratiquées, porte atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français » et que d’autre part l’article 2 de la Constitution interdit l’usage dans la vie publique d’une autre langue que le français. Or, la Charte était appelée de ses voeux par une notable partie du Parlement qui l’aurait sans doute ratifiée, le gouvernement de M. Jospin l’ayant signée le 7 mai 1999.
D’autre part, voulant en 1991 donner un nouveau statut à la Corse, le gouvernement de l’époque souhaitait y introduire l’expression « peuple corse, composante du peuple français ». Le Conseil constitutionnel censura l’expression, au motif de l’article 1 de la Constitution. Mais le tentative a existé. De même, en 1999, le représentant du gouvernement alla discuter discrètement de la même question avec des représentants des mouvements autonomistes corses dans le cadre d’une réunion organisée, au nord de l’Europe, par une association fédéraliste et ethniciste, la FUEV (1) et son appendice l’ECMI (2), lesquelles militent pour l’Europe fédérale des régions à base ethno-linguistique.
On voit donc la fragilité - et les débats parlementaires sur ces sujets le confirment (3) - de la digue constitutionnelle. Il suffirait d’une majorité nouvelle favorable à l’ajout, à l’article 2, de la mention des langues régionales, recevant naturellement l’appui de Bruxelles, pour que celles-ci acquièrent un statut de co-officialité et que s’ensuive pour nos régions périphériques de métropole et nos collectivités d’outre-mer, l’enchaînement explicité ci-dessus pour l’allemand.
Il y a à l’évidence dans la conjonction Union européenne/Allemagne/Conseil de l’Europe/ONG ethnicistes, tous les ferments pour la dislocation programmée des États-nations. La France ne semble pas, hélas !, s’en apercevoir et s’en soucier. Pourtant, le préfet Claude Érignac fut la victime emblématique de la dérive extrémiste de ce programme.
Voici encore deux illustrations de l’ubiquité du réseau ethniciste. En 1984, l’Allemand H.-G. Pöttering, actuel président du Parlement européen, était le cosignataire d’une résolution de celui-ci demandant un « droit européen des Volksgruppen (groupes ethniques) (4) ». Cette année, le quotidien de Strasbourg Dernières Nouvelles d’Alsace a ouvert pendant plusieurs semaines ses pages - sans mentionner l’autre face de l’artiste - à la verve du peintre Ben (Benjamin Vautier) (5), chantre déclaré de l’ethnisme, militant du Parti nationaliste occitan et maître d’œuvre à Nice en 1998 d’un atlas sur ce sujet, La Clef . L’ethnisme sort de l’ombre.
Élargissons notre propos. L’amitié franco-allemande, c’est l’amitié entre les personnes, l’estime entre les peuples, les projets communs, les jumelages, la culture, la jeunesse ; c’est beaucoup et c’est précieux. Croit-on pour autant que l’Allemagne et la France échappent à la loi commune des relations internationales laquelle veut que l’on appelle amitié, en réalité, des intérêts communs ? Amitié, le préambule du Bundestag, lourdement atlantiste, au traité de l’Élysée de 1963 ? Amitié, les reconnaissances isolées par l’Allemagne en 1991 de la Slovénie et de la Croatie, lui ouvrant la voie de la Méditerranée (6), mais ouvrant aussi les guerres civiles de l’ex-Yougoslavie notamment contre la Serbie, alliée traditionnelle de la France ? Amitié, l’inauguration en 1993 à Coblence, au confluent du Rhin et de la Moselle, de la copie de la colossale statue équestre, détruite en 1945, de l’empereur Guillaume Ier, justement un 2 septembre, jour anniversaire de la défaite française de Sedan de 1870 (statue dont, soit dit en passant, la croupe du cheval indique - délicate attention - la direction de Paris) (7) ? Amitié, le marché de dupes du consortium EADS, de son origine à ce jour ? Amitié, le discours du 25 mars dernier à Berlin de la Chancelière Merkel, commémorant le cinquantième anniversaire
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3. http://www.assemblee-nationale.fr/ et http://www.senat.fr/ (recherche : langues régionales)
4. Y. Bollmann, La Bataille des langues en Europe, p. 59.
5. http://www.ben-vautier.com/
6. « La politique d’un pays est tout entière contenue dans sa géographie. » (Napoléon Bonaparte)
7. Y. Bollmann, La Tentation allemande, pp. 167-175.
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du traité de Rome, dans lequel elle dit : « Nous nous sommes mutuellement persécutés et exterminés. Nous avons dévasté notre patrie » ? Mutualiser les responsabilités des guerres mondiales en Europe en en faisant des guerres civiles dans une improbable « patrie européenne », où l’on sait que les exactions sont souvent partagées, voilà bien l’écho de la conception « postnationale » du philosophe allemand J. Habermas. Ce dernier voit le dépassement des États-nations dans l’État supranational à créer, mais ceux-là subsisteraient, morcelés, dans celui-ci, sous la forme de nations ethnocentriques. « Il est amusant de voir que Habermas recrée ainsi ce avec quoi il voulait rompre, la vieille conception allemande, particulariste, de l’idée nationale. On ne se défait pas si facilement des vieilles habitudes de penser.1 » Les relations internationales comme une « Europainnenpolitik »...
Au-delà, est-il permis de rappeler aussi le rôle des États-Unis dans le choix fédéraliste fait pour unir l’Europe et leur souhait, crûment exprimé (2), de faire de l’Allemagne leur « tête de pont » dans une Europe vassale, par un partnership in leadership (W. Clinton, Berlin, 1994) ? De dévoiler le tutorat d’outre-Atlantique sur la carrière de la Chancelière depuis 1989 (3) ?
L’amitié franco-américaine... Certes, comment ne pas aimer ce grand peuple, ne pas s’inspirer de lui, qui a fait marcher des hommes sur la Lune, qui fait tant pour la science, pour la culture, pour le progrès, et qui fit tant jadis pour la liberté du monde ? Faut-il rappeler pourtant que les États-Unis choisirent l’accommodant Giraud pour vassaliser la France de l’après-guerre plutôt que l’intraitable de Gaulle ? Rappeler la sortie de l’OTAN et que les États-Unis ont leurs intérêts dans le monde et seulement leurs intérêts ? Citer la sombre confidence de F. Mitterrand, au soir de sa présidence : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort. Apparemment.(4) » De fait, le Program for a New American Century trouve, notamment, en Afrique francophone quelques applications...
La France, ayant revêtu la camisole fédérale, réintégré sans « chipotages » l’OTAN et renoncé à son Sonderweg, étant remplacée à l’ONU par l’Union européenne, l’hyperpuissance n’aura plus à subir un D. de Villepin venant dire l’opposition de la France à une guerre d’invasion. Notre France, qui est renvoyée dédaigneusement à ses « illusions de grandeur » par les tenants du Nouvel ordre mondial (5)... Au reste, que notre pays « seul » (deuxième pays le plus écouté à l’ONU pourtant) ne soit plus à la hauteur des « défis de la mondialisation », nos clercs, nos médias n’en sont-ils pas convaincus, ne s’attachent-ils pas à en persuader un peuple rétif, en extirpant de son âme tout « nationalisme » et même tout sentiment national, sauf pour le sport, utile dérivatif ? Qui doute que nos grands médias, si consensuels quant à « l’Europe », si critiques avec ce qui reste du pouvoir d’Etat (mais si pudiques avec celui de l’argent), ne recherchent, là comme ailleurs, la vérité ? Certains (6), tout de même, qui trouvent qu’ils ne se sont pas donné beaucoup de peine pour enquêter sérieusement sur les attentats du « 9/11 »,- quelles que soient ici les opinions de chacun, - et sur cette géopolitique de western (cachant la vraie, celle du pétrole), avec son épouvantail à éclipses et à la barbe fleurie, Ben Laden/al-Qaïda, pareil à un personnage de baromètre sortant pour annoncer le mauvais temps. Dire cela, c’est situer à la fin notre sujet dans sa perspective géopolitique d’ensemble.
Puissent son destinataire et ceux qui liront cette « Lettre ouverte » se dire, avant certain vote, comme Hamlet (7) après que le spectre de son père lui a appris la vérité sur ce qui se passe à Elseneur et qu’il y fut assassiné par un poison versé dans ses oreilles (un vrai poison puisqu’au XIe siècle il n’y avait pas de poison médiatique) :
This time is out of joint : O cursed spite / That ever I was born to set it right !
Vous remerciant, ainsi que toutes celles et tous ceux qui nous auront lus, de votre attention, veuillez croire, Monsieur le député, à l’assurance de notre respectueuse considération.
J. Kotoujansky, H. Brochart, J. Buchmann
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1. Jean-Pierre Chevènement, La Faute de M. Monnet, Fayard, 2006, p. 80-81.
2. Z. Brzezinski, Le Grand Echiquier - La Domination américaine et ses impératifs géostratégiques, Bayard, 1997.
3. http://www.voltairenet.org/article144629.html
4. Georges-Marc Benamou, Le Dernier Mitterrand, éd. Plon, 1997, p. 51-54.
5. Zbigniew Brzezinski, op. cit.
6. DailyMotion
7. Acte I, scène 5, v. 189-190
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