Ce qui est souhaitable, ce qui est possible
En ces temps qui fourmillent de problèmes, qui grouillent d’inquiétudes, il serait bon de proposer un espoir crédible ou au moins des solutions sensées. Les idéologies ou la pensée unique actuelle ne seront à cet égard d’aucune utilité. Ce qu’il faut bannir à tout prix c’est une quelconque incarnation d’une nouvelle pensée par plus beau, plus grand, plus intelligent que soi : il (elle) n’existe pas. Une révolution n’a surtout pas à suivre une quelconque théorie ou un quelconque Homme providentiel.

Ne rien attendre de l’élite, des leaders, des hiérarques, de tous les gens qui savent mieux que vous ce que vous voulez vraiment. Ne rien attendre en conséquence de lois, de traités internationaux, de règlements, rédigés par cette élite. Les membres de l’intelligentsia culturelle, artistique ou politique prétendent quelquefois œuvrer pour le bien commun, mais c’est en faisant l’aumône, en distribuant allocations, subventions, subsides. Ce qui doit être revendiqué c’est le pouvoir, le pouvoir de vivre comme on l’entend.
Le ‘progrès’ est intimement lié à la division du travail qui permet de produire plus efficacement et plus rapidement les biens dont la population a besoin (ou dont elle ressent le besoin). Il se créé ainsi des ‘corporations’ expertes dans un domaine donné, la boucherie, l’électricité, la chimie, la politique…, et des échanges permettent de satisfaire les besoins globaux de tous à condition qu’une coordination hiérarchique organise les efforts. Cette division du travail s’est révélée fructueuse car l’ensemble des individus ressentaient une appartenance commune : une culture, une religion, une nation. Un même schéma se dessine à l’échelle mondiale : la production de biens se faisant en Asie et la consommation dans les pays occidentaux détenteurs majoritaires des capitaux qui leur assurent une puissance résiduelle. Vivre libre c’est mettre fin à un tel processus qui ne peut que conforter une minorité mondialisée dans ses privilèges.
Ne rien attendre des élites mais ne rien attendre non plus des rassemblements populaires visant à capter les suffrages de tous les délaissés pour prendre le pouvoir. Ne rien attendre enfin d’une hypothétique révolution qui permettrait lors d’un grand soir à ceux qui ne l’ont jamais eu d’avoir le pouvoir. Le pouvoir, la multitude l’a déjà, encore faut-il qu’elle l’exerce.
Il existe des interstices dans les sociétés de propriétaires dans lesquelles nous baignons.
Les entreprises de l'Économie Sociale et Solidaire (coopératives, associations, mutuelles, fondations) présentent un fonctionnement déviant dont la principale caractéristique est l’absence d’actionnaire extérieur. Les entreprises de ce secteur comptent plus de 200 000 établissements employant environ 2,5 millions de salariés, soit 10,5% de l’emploi en France. La valeur ajoutée créée en France est de l’ordre de 100 milliards d’euros. L’amorce est loin d’être négligeable et plutôt que d’attendre que des décisions viennent du sommet pour établir une équité contraire à leurs intérêts, il convient de fortifier un tissu économique qui comble déjà les nôtres.
Les services publics comprennent toutes les administrations financées par les prélèvements obligatoires. Il y a environ 5,6 millions d'agents dans la fonction publique :
. Fonction publique d'État : 2,5 millions
. Fonction publique territoriale : 1,9 million
. Fonction publique hospitalière : 1,1 million.
En retranchant le service de la dette, le poids des administrations publiques dans l'économie nationale est de l'ordre de 50 % du PIB.
La valeur de la production agricole est de l’ordre de 80 milliards d’euros, soit un peu plus de 3% du PIB. Il y a 450 000 exploitations agricoles au total et la superficie mise en valeur est en moyenne de 60 hectares. Il y a 970 000 exploitants agricoles comprenant les chefs d’exploitation, les conjoints, les salariés et les permanents.
En conséquence, les structures qui ne dépendent pas directement de forces étrangères déconnectées du travail sont multiples et puissantes. Pour fédérer ces forces, il n’y a pas lieu de rechercher l’unanimité, ni même la majorité. Faire en sorte que le respect du mode de vie choisie par beaucoup soit absolu suffit. Pour ce faire, il faut réserver les financements publics aux entreprises publics et aux entreprises ne comptant pas d’actionnaire extérieur. Les financements publics sont réservés à un mode de production particulier et non pas à un type de biens. L’entreprise Dassault Système peut être prise en contre-exemple. Elle est détenue à hauteur de 40% par la famille elle même associée à une suite d’investisseurs externes : MFS International, Jupiter Asset Management, The Vanguard Group, Norges Bank Investment Management, Allianz Global Investors… ce qui la disqualifie, dans le cadre proposé, pour toute aide publique. Les commandes publiques quant à elles devraient être acceptées lors d’une votation de l’ensemble d’une ‘communauté active’ définie ci-après. Une désapprobation n’entrainera pour l’instant qu’une position de principe, mais elle se révélera efficace avec l’usure du temps.
Bien entendu, se couper des investisseurs financiers présentent risques et désagréments car la spéculation engendre des montagnes de flux financiers sans commune mesure avec ce qu’il est coutume d’appeler l’économie réelle. Bien entendu, des mesures de rétorsion, des campagnes de propagande, des chantages à l’emploi vont voir le jour. Une seule réponse peut être donnée à ces sources de désordre : la discipline. Discipline pour effectuer ses achats, autant que possible uniquement au sein d’un cercle vertueux d’entreprises. Discipline pour faire une grève des impôts et des taxes si les gouvernants venaient à manquer trop brutalement aux directives préconisées.
Voilà ce qu’il conviendrait de faire pour relocaliser les activités laborieuses, permettre un plein emploi, donner un sens à la vie de tous ! Mais le peut-on ?
Les recettes nettes de la France s’élèvent à 218,3 milliards d’euros (M€), les dépenses à 390,6 M€, le solde déficitaire est donc de -172,3 M€. Le PIB de la France est égal à 2323 M€, sa dette publique égale 2687 M€. La charge de la dette publique atteint elle 33,2 M€.
Il n’est pas nécessaire d’être un expert en comptabilité publique pour s’apercevoir que rien ne peut être fait à l’heure actuelle sans l’assentiment des marchés financiers : la France comme la plupart des pays occidentaux est livrée aux spéculateurs. Il est périlleux de parier sur leur aval si l’accent est mis sur les mutuelles et les services publics au détriment des actionnaires. L’État tel qu’il est constitué et ses élus ne peuvent donc rien faire de concret pour aller dans le sens du raisonnable. Mais les consommateurs, en disciplinant leurs achats, peuvent parfaitement arriver à leurs fins. Sinon le cours habituel des choses continuera : ‘Il faudra faciliter le licenciement de ceux qui ne sont pas responsables du système économique en faillite pour que ceux qui en sont responsables puissent continuer à l'être’.
L’hétérogénéité de la population ne permettra certainement pas son émancipation globale, il est plus raisonnable de tabler sur une sécession de ceux qui veulent garder leur âme des autres qui se satisfont d‘être maîtres ou esclaves et qui d’ailleurs vivent déjà ainsi.
La pierre de touche qui permettra l’appartenance à une ‘communauté active’ au moins partiellement libérée des contraintes les plus mutilantes s’obtiendra à travers les achats auprès d’enseignes ou d’entreprises sans aucun actionnaire extérieur. Toutes les autres considérations liées à une ethnie, une religion, une sociologie, une nationalité, une culture n’ont pas à être tenues en compte. Les établissements sont affichés rouge : recommandés, vert : prohibés, par un examen continu des structures financières de l’entreprise par la ‘communauté active’. Celle-ci se forme par l’accumulation de points obtenus lors des achats dans les entreprises recommandées et leur vote lors des consultations est pondéré par leur montant d’achats.
La coalition des gens libres est possible indépendamment de toute idéologie, de tout leader charismatique. La seule contrainte est une discipline exemplaire des achats qui fonde la communauté.
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