Censure de RT France : sa directrice Xenia Fedorova contre-attaque
Elle a quarante-deux ans, affiche une élégance et un charme très slave, s'exprime avec détermination et pédagogie malgré les circonstances. Xenia Fedorova est la directrice de la chaine désormais interdite dans l'union européenne RT France, vous savez cette chaine qui donnait la parole aux gilets jaunes, montrait les violences policières, couvrait les manifestations de militants antivax.
Très cultivée, elle argumente et démonte les accusations de "propagande" à l'encontre de ses journalistes. Comment ne pas se laisser séduire ? Peut-être est-elle effectivement liée aux services russes. Peut-être aurait-elle fait une excellente méchante dans un James Bond. Peut-être n'est-elle qu'une directrice d'un réseau médiatique et rien d'autre.
Toutefois, elle répond sans tabous. Non, elle n'approuve pas la guerre et elle a aussi de la famille en Ukraine. Oui, les pouvoirs publics n'aiment pas sa chaine, elle est sur la liste noire de l'Elysée depuis longtemps. Elle reprend aussi le discours russe sur les frappes de l'OTAN en Yougoslavie, l'intervention américaine en Irak et en Syrie, mais elle ne fait que développer un point de vue par ailleurs partagé très largement, au-delà des sympathisants pro-russes.
Xenia parle aussi de ses 174 salariés mis au chômage forcé, d'une éventuelle liquidation de l'entreprise, sans que cela n'émeuve grand-monde. Ce contingent de journalistes, secrétaires et agents d'accueil sont-ils des espions du FSB ? De dangereux dissidents ? Il est probable que quelques uns soient liés à l'ambassade russe, mais certainement pas le gros des troupes.
Toutefois, la directrice de RT ne ment pas sur la pluralité de l'information délivrée par sa chaine, et votre narrateur abonné à celle de youtube peut en témoigner. On y critiquait autant Poutine que les américains, et tout le monde avait la parole. Tout le monde, cela veut aussi dire des Soral et des Dieudonné avant le black-out à leur égard.
La question de la censure laisse perplexe. En temps de guerre, on interdit à l'ennemi de s'exprimer sur notre territoire : mais devons-nous en conclure que nous sommes entrés en guerre avec la Russie ? Jusqu'à preuvre du contraire c'est l'Ukraine qui est attaquée (certes brutalement) et non la France et ses alliés. On ne peut que s'indigner des destructions causées par l'armée russe et des marées de civils contraints de fuir leur domicile, mais il est indispensable de chercher aussi à comprendre ce qui se passe.
Pourquoi parle-t-on peu de ce conflit au Donbass qui dure depuis 2014 ? Pourquoi ne parle-t-on pas de ce référendum qui a rattaché la Crimée à la Russie ? Qu'en est-il de ces milices ukrainiennes arborant une croix gammée sur leur drapeau bleu et orange, rappelant que l'Ukraine collabora massivement avec les nazis sous son occupation, avec divisions d'auxiliaires SS à l'appui ? Le contesté président Zélensky, sympathique acteur devenu politicien, est-il vraiment le nouvel Allende ? L'émotionnel et l'instantané doivent-ils remplacer la réflexion et la culture ?
Certes, la "dénazification" n'est qu'un prétexte, et la plupart des combattants ukrainiens ne font que défendre leur territoire face à des lascars au moins aussi extrémistes (commandos Wagner, les escadrons tchétchènes...), mais le fond du problème est peut-être l'âge et les repères des dirigeants russes, issus de l'URSS, du siècle dernier. Une époque que Xenia Fedorova n'a pas connu.
Bref, RT France est censurée car ses opinions ne vont pas dans le sens souhaité par nos pouvoirs publics : obligation de soutenir les gentils dirigeants ukrainiens contre le méchant Poutine, obligation de compatir au sort des réfugiés pour rappeler qu'il faut accueillir tous les malheureux de la planète en Europe de l'ouest malgré nos nombreux problèmes sociaux. Beaucoup d'obligations, peu de jugeotte et de recul. Si Poutine et ses proches sont devenus agressifs, tous les russes ne le suivent pas, y compris dans les milieux de l'information.
La propagande est une arme employée par tous les régimes pour formater les cerveaux. Interdire un média à cause de ses financements, cela doit créér une jurisprudence. Ainsi, il aurait fallu interdire Al Jazeera après les attentats du Bataclan, boycotter le mondial de foot au Qatar, pays qui entretient le terrorisme et fait trimer ses ouvriers étrangers. Pourquoi à l'image des équipes russes, celles de l'état d'Israél ne sont pas exclues des compétitions internationnales au vue de la politique menée en Palestine ?
Nous comprenons que ce conflit russo-ukrainien est surtout l'occasion de se débarrasser des troubles-fêtes et des mauvais penseurs. Vous êtes priés de pleurnicher sur le sort de la population ukrainienne, de maudire l'affreux Poutine, de faire des réserves de boites de raviolis dans votre cave en perpective de la prétendue guerre nucléaire à venir et d'aller voter pour votre protecteur, le président Macron, sauveur de l'humanité qui passe (parait-il) des heures au téléphone à harceler un président russe qui va finir par bloquer son numéro de portable.
Pour les analyses, les questions géopolitiques, le débat et les solutions concrètes et partagées, on repassera. Non, Poutine n'est ni Hitler ni Staline et les journalistes russes ne sont pas plus menteurs que d'autres. La crise du covid nous en a d'ailleurs offert un exemple. Il faut arrêter d'entretenir le mythe de la troisième guerre mondiale en écran de fumée et permettre à chacun de s'exprimer en toute liberté : voilà le message à faire passer à la terre entière, y compris d'ailleurs à nos amis russes chez eux. Sans pluralisme des idées ni recherche de la vérité, pas de solutions autres que la violence : c'est la triste logique depuis l'antiquité.
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