Censure sur Twitter : information démentie, vraiment ?
Hier nous nous faisions l’écho d’une « censure massive sur Twitter dans la nuit du 30 au 31 juillet 2018 ». Entretemps, des explications sont apparues dans les « médias lambda » pour désamorcer la rumeur. Pourquoi elles sont insuffisantes.
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La presse dément et reprend la communication de Twitter
Le phénomène a été d’une ampleur suffisante pour être évoqué par, entre autres, France Info et 20 Minutes. En s’appuyant notamment sur le blog officiel de Twitter, ils démentent la rumeur d’une « censure », et expliquent plutôt que le réseau « fait le ménage » en traquant les comptes suspects, c’est-à-dire dont l’activité est jugée anormale : il peut s’agir de diffusion de fausses informations, de partage intempestifs de communications indésirables, ou même de comptes qui n’ont pas été actifs depuis un mois au moins. Impossible donc d’envisager un voyage en Sibérie, ou dans le Kalahari, de plus de quatre semaines, sous peine de voir son compte Twitter verrouillé.
Or, si l’on prend textuellement la communication de Twitter, ce-dernier indique : « Votre compte semble avoir fait preuve d’un comportement inhabituel qui enfreint les règles de Twitter. » Le blog confirme : « Au fil des années, nous avons verrouillé des comptes lorsque nous avons détecté des changements soudains dans le comportement d’un compte. […] Ces changements soudains peuvent inclure par exemple le fait de Tweeter un grand nombre de réponses ou de mentions non sollicitées, Tweeter des liens trompeurs, ou si de nombreux comptes bloquent le compte en question après avoir été mentionnés par ce dernier. » A lire ces lignes, il semblerait que Twitter agisse continuellement pour améliorer l’expérience des utilisateurs. Donald Trump et Barack Obama ont également subi une fonte subite de leur nombre d’abonnés, ce qui constitue à mon sens l’argument le plus puissant en faveur de ces explications.
Quelques objections
Concernant le ciblage temporel, la réalité penche plutôt en faveur d’opérations réalisées par vagues ponctuelles, assez massives, ce qui est en contradiction avec le fait de verrouiller des comptes au fur-et-à-mesure de la détection d’un comportement inhabituel. Le processus ne semble pas se dérouler de façon linéaire et uniforme dans le temps, mais plutôt par « opérations coup de poing », temporellement ciblées : quelles sont alors les actualités qui peuvent justifier ce calendrier ? Pourquoi, à une date donnée, des milliers d’utilisateurs seraient-ils tout à coup, au même moment, « soudainement » en effraction avec les règles de Twitter ? Et avec laquelle des règles, précisément ? Bien peu d’internautes, parmi les milliers qui ont été sanctionnés, doivent se reconnaître dans « le fait de tweeter un grand nombre de réponses ou de mentions non sollicitées, tweeter des liens trompeurs », ou d’avoir été bloqués par des comptes intempestivement mentionnés qui les auraient signalés.
Concernant le ciblage des comptes en eux-mêmes, outre l’effraction exacte qui n’est pas précisée par le réseau social, il semblerait encore qu’une discrimination s’effectue. Je m’appuierai, faute de meilleur support, sur le sondage lancé sur Twitter par Carre d’As, le 31 juillet à 8h47. Deux options se présentent pour son analyse. La première : compte tenu de son caractère isolé et personnel, sa représentativité est insuffisante ou non-significative. La seconde, celle que je choisirai, est de supposer un brassage suffisant à la fois dans le temps et dans l’espace Twitter, compte tenu de l’échantillon interrogé (3400 utilisateurs, soit plus du triple des échantillons pris pour un sondage d’opinion dans la presse), et en supposant encore que chaque compte ne répond qu’une fois et a une probabilité plus grande d’être authentique, grâce au ménage de Twitter. Dans ce cas, et ces hypothèses posées, par quel hasard les sympathisants LaREM ne représentent-ils que 7% des comptes ciblés ? A 9h42 le 1er août 2018, les FI sont 44%, les FN 25% et les LR 25% (le nombre limité de réponses possibles ne permet pas de renseigner d’autres affiliations possibles, PS notamment).
Les responsables politiques d’opposition paraissent très particulièrement touchés. Le ressenti général incrimine l’affaire Macron-Benalla. Oserions-nous ? Des internautes prétendent que le compte d’Emmanuel Macron, qui compterait parmi ses abonnés des milliers de faux comptes, aurait été miraculeusement épargné. Nous n’avons pas non plus entendu de responsables LaREM se déclarer visés par une telle opération. En outre, les congratulations polémiques (avec à l’occasion mentions indésirables) à Twitter d’un proche de Bruno Le Maire ne peuvent que nourrir le doute, même si le caractère purement individuel de cette démarche est à souligner.
Et ailleurs sur le Net ?
Serait-ce au fond si étonnant que Twitter pratique si indécemment la censure ? Pas tant que ça, si l’on regarde ce qui se fait ailleurs. Je récuse ici avec force les accusations en complotisme, car les connotations antisémites, antisionistes, antiaméricaines ou anticapitalistes qui lui sont inhérentes me sont en horreur. On notera que ces allusions-là sont peu sanctionnées, et polluent allègrement tous les supports Internet. En outre, il va de soi que les contenus terroristes, licencieux ou violents soient proscrits, et ce n’est aucunement ce qui est mis en question.
Des témoignages non isolés donnent à croire que YouTube pratique la censure, elle aussi officiellement motivée par des effractions aux règles : spams, communications indésirables, publicité mensongère, atteinte aux droits d’auteur. C’est à ce dernier titre que la télévision indépendante en ligne TVLibertés a été bannie de YouTube (qui appartient à Google). Autre exemple, les vidéos de PragerU, une organisation américaine conservatrice, sont régulièrement mises en « mode restreint », ce qui réduit leur audience et leur visibilité, sans autre raison apparente que celle d’un non-conformisme idéologique. Celui-ci était d’ailleurs conseillé à la youtubeuse Laeticia (dont les chaînes sont a priori apolitiques), qui préparait une interview de Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne : YouTube France a tenté de la dissuader d’évoquer des sujets sensibles.
Concernant Facebook, Mark Zuckerberg son PDG n’en finit plus de démentir maladroitement la censure qui y est effectivement pratiquée. Illustration du zèle des censeurs, des œuvres de Rubens ont été censurées. Le sénateur américain Ted Cruz a mis le doigt, également, sur le ciblage des conservateurs et des républicains. Facebook a également dû s’excuser de la censure abusive de contenus catholiques, jugés « perturbants » et « excessivement violents ». Par ailleurs, sa politique interne définit par exemple des catégories protégées, telles que le sexe, la race, la nationalité, la religion, l'orientation sexuelle, les origines ethniques ou encore la maladie, qui ne peuvent être attaquées : à cet égard, des critiques de l’islamisme, ou de la théorie du genre, peuvent tomber dans les catégories inviolables de la religion et de l’orientation sexuelle. Il n’est un secret pour personne que les géants de la Silicon Valley financent largement les causes libertariennes et démocrates.
Les médias français ne semblent malheureusement pas en reste. Il semblerait que les plateformes de modération, souvent délocalisées au Maghreb, aient la faculté de détecter de la haine raciale ou de l’islamophobie camouflées dans les commentaires des internautes. Nous souhaiterions le même zèle concernant les commentaires ouvertement anti-français ou antisémites, et les nombreuses vulgarités qui défigurent le Net.
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