Centrafrique : la France trop arrogante ?
L'intervention française en Afrique prévue pour durer quelques semaines devrait être longue et coûteuse. De l'homme d'affaires Jean-Yves Ollivier, ami du président congolais Sassou-Nguesso au journaliste Jean-Dominique Merchet, beaucoup commencent à critiquer l'attitude française, jugée très arrogante par ses partenaires. Ces critiques sont-elles justifiées ?
La semaine dernière, les ministres de la défense Jean-Yves Le Drian et des affaires étrangères Laurent Fabius ont poussé un coup de gueule envers leurs homologues européens. Dans leur déclaration commune, les deux poids lourds du gouvernement expliquent que "l’Union européenne s’était engagée, le 10 février, à déployer une opération militaire en soutien aux efforts internationaux pour stabiliser la RCA. A ce jour, en dépit des contributions annoncées par quelques Etats européens, force est de constater que le compte n’y est pas."
La colère des deux ministres peut se comprendre. En effet, l'UE n'est censée envoyer que 500 hommes en Centrafrique et ne trouve toujours pas les moyens logistiques pour une telle action. Pour l'heure, seuls quelques pays ont dit oui : l'Estonie, la Lituanie, la Finlande, l'Espagne et la Géorgie (qui ne fait pas partie de l'UE).
Comment expliquer cette inertie des partenaires européens ? Selon le journaliste Jean-Dominique Merchet, la France paye son arrogance habituelle. "Avec ses partenaires européens, elle s'y est prise trop tard et très mal, avec cette arrogance qui caractérique parfois notre pays. En réalité, personne ne souhaitait vraiment se compliquer la vie avec l'UE dans une mission que d'aucuns jugeaient parfaitement à la mesure de l'armée française et des africains. Résultat : la première réunion sur le sujet à eu lieu à Bruxelles le 28 novembre, une semaine avant le déclenchement de l'opération Sangaris et le télégramme diplomatique français est arrivé sur le bureau de nos alliés le 8 janvier, un mois après le déclenchement de Sangaris." explique-t-il.
Résultat : des partenaires mobilisés bien trop tard et uniquement afin d'envoyer des renforts ou de mettre la main au chéquier. Le journaliste de l'Opinion ajoute d'ailleurs que le président de la République a également braqué Angela Merkel dans l'affaire : "François Hollande (a) pris ses rêves pour des réalités en expliquant, avant le sommet européen sur la Défense, que nos partenaires devraient créer un fonds pour financer nos opérations en Afrique, une idée taclée d'entrée par Angela Merkel."
"Arrogance", le mot est fort mais il est aussi employé par Jean-Yves Ollivier, homme d'affaires français proche de Jacques Chirac et connu pour avoir contribué à la libération de Nelson Mandela. Dans une tribune au Figaro, cet ami du président congolais dénonce l'attitude des médias et des dirigeants politiques vis-à-vis des troupes africaines, ctete fois-ci.
"En lisant les journaux ou en regardant la télévision française, c'est à peine si l'on sait qu'à côté de la mission Sangaris, plus de 6'000 soldats africains sont engagés sur le terrain." déplore-t-il. Jean-Yves Ollivier affirme également que ce sont les soldats africains qui se retrouvent en première ligne, pas les français. "Le gouvernement français est tellement tétanisé à l'idée de perdre des hommes au combat que les troupes de Sangaris restent essentiellement cantonnées dans leurs baraquements quand elles n'effectuent pas des patrouilles motorisées dont on connait les limites. Pendant ce temps, ce sont les soldats africains qui sont en première ligne et s'interposent (avec beaucoup de courage et très peu de moyens) pour limiter les dégâts."
Selon lui, la France n'a d'autre choix que celui de coopérer davantage avec les soldats africains. "Si la France veut se sortir par le haut du bourbier centrafricain, cela passera par une coopération accrue avec les troupes africaines qui sont les seules à avoir la légitimité et les coudées franches pour désarmer le pays et imposer la paix. Le meilleur rôle de la France serait d'encadrer et de soutenir matériellement et logistiquement les contingents africains pour leur donner les moyens de faire leur travail."
Arrogance vis-à-vis des africains, arrogance vis-à-vis des européens, il semblerait que les réflexes colonialistes perdurent toujours en France. A quel prix ?
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