• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Centrafrique : Un coup de force de plus

Centrafrique : Un coup de force de plus

Depuis vendredi, l’AFP et RFI nous préparaient à la prise de Bangui, la capitale de la République Centrafricaine, par les rebelles regroupés dans la coalition SELEKA. Dimanche matin, le porte-parole des mercenaires annonçait depuis Paris, via l’AFP, la prise du Palais présidentiel et la fuite de François Bozizé. C'est le énième coup de force en Afrique réalisé par des rebelles qui n’ont de rebelles que le nom.

Ils ont tous les mêmes caractéristiques et suivent les mêmes scénarios.

- Ils viennent d’une région avec un sous-sol généralement riche, ou arrivent avec un leader charismatique préparé de longue date à son futur métier.

- Ils prennent soin de créer un bureau dans une capitale européenne pour leur communication et leur image.

- Ils ont d’énormes moyens financiers et des armes sorties d’on ne sait où.

- Ils ont également des raisons imparables pour justifier leur révolte et sensibiliser l’opinion mondiale à leur cause. Il leur faut aussi des entraineurs et des endroits pour s’entrainer, qu’ils trouvent toujours. Ensuite il n’y a plus qu’à lancer l’opération. Dès le début de celle-ci, les médias commencent par nous parler d’eux pour nous les présenter, nous dire ce qu’ils revendiquent, tout en soulignant, de la manière la plus neutre possible, tous les mauvais points de la future victime.

Après les premiers accrochages, avec les premiers morts, les émotions et les indignations entrent en lice. Il faut vite trouver une solution et c’est l’ONU qui va la trouver. Le Conseil de Sécurité émettra une résolution qu’on peut interpréter à sa guise, qui exigera une négociation avec les rebelles, et décidera la formation d’une force d’interposition, régionale si possible. La suite on la connait car nous l’avons vue maintes fois. On sait que les négociations n’aboutiront pas ou seront dénoncées au moment propice. On sait que, d’une manière ou d’une autre, le but est l’élimination, physique ou non, de la cible.

Ce Dimanche, Bozizé vient de jouer le dernier acte du scénario. Il aurait pourtant dû s’y attendre, lui qui a connu tant de coups d’état et qui a été porté au pouvoir en 2003 par un coup d’état. Une fois président, il sentit très vite que Paris ne lui facilitera pas la tâche. Pour avoir une idée de la complexité des relations de François Bozizé avec la France il faut se souvenir que cet homme n’est pas nouveau dans l’appareil du pouvoir centrafricain. Il était déjà là au temps de Bokassa. Il était alors général de brigade. 

En 1982, il fomente un coup d’état contre le successeur de Bokassa, le président André Kolingba que la France avait mis en place. Le coup d’état échoue mais il venait de commettre un crime de lèse-majesté vis-à-vis de la France. Après dix ans d’exil, il revient à Bangui et devient progressivement l’homme fort du pouvoir.

En 2001, il est alors chef des armées quand un autre putsch est tenté pour renverser le gouvernement. Le coup d’état échoue mais il est soupçonné d’y être impliqué. Nouvel exil qui le mènera au Tchad avec quelques troupes fidèles. De là il mènera plusieurs raids qui ne donneront rien, car le président centrafricain bénéficie du soutien de la France et d’une garde efficace formée de libyens.

Mais, en 2003, devant l’instabilité chronique du pays et l’impopularité croissante de Ange Patassé, la France cesse son soutien et Bozizé finit enfin par s’emparer du pouvoir, avec l’aide du Tchad et le concours discret de la France. Depuis dix ans Bozizé est donc un ami, mais un ami par obligation, dirigeant un pays où, depuis toujours, personne ne pouvait accéder au bureau présidentiel sans passer par un conseiller français.

Au temps de Chirac, l’Elysée a tout fait pour mettre les bâtons dans les roues de ce putschiste malvenu, au passé chargé. Rajoutée aux difficultés économiques et financières, la mauvaise volonté de la France poussa Bozizé à chercher de solutions ailleurs. Il utilisa toutes ses relations mêmes indirectes pour chercher des capitaux pour refaire les infrastructures complètement délabrées et à l’abandon, payer ses fonctionnaires et ses militaires, parfois avec des mois de retard, et essayer d’attirer le peu d’investisseurs qui oseraient braver le courroux de Paris. Ses réseaux franc-maçonniques jouèrent quelque peu, mais les besoins étaient énormes.

Vers la fin de l’ère Chirac, grâce notamment aux efforts d’Omar Bongo, tout semblait rentrer dans l’ordre. Il redevenait le parfait bon élève de la Françafrique. Mais entretemps la pêche aux capitaux qu’il avait entamée pour sauver les meubles commençait à donner ses fruits. Il allait profiter de la nouvelle course aux richesses minières. Dans ce domaine la République Centrafricaine a de sérieux atouts. Son sous-sol est très riche mais ses richesses sont encore mal évaluées, ce qui intéresse particulièrement la Chine avec ses grosses capacités d’investissement.

La rencontre entre Bangui et Beijing était parfaite. Mais c’est le type même de rencontres qui coûte, à coup presque sûr, un fauteuil présidentiel par un coup d’état spontané ou un mécontentement populaire pour hausse des prix des denrées alimentaires, ou encore une rébellion armée d’une minorité opprimée. Surtout si le sous-sol est aussi riche que celui de la République Centrafricaine.

Il y a d’abord l’or et le diamant. Pour le diamant, personne ne peut dire avec exactitude quelles sont les potentialités du pays, mais on sait que les quantités sont importantes et la qualité reconnue. Malgré cela, les revenus provenant de la production diamantifère est largement en deçà des attentes. L’une des causes est bien sûr la corruption à grande échelle et à tous les niveaux. Ensuite, l’exploitation en est encore souvent artisanale. La production mécanisée représente moins de 10% de la production nationale, loin derrière la machinerie de De Beers en Afrique du Sud ou l’Angola. Le commerce du diamant souffre également de son opacité, et de la contrebande, surtout avec la République Démocratique du Congo, la zone diamantifère chevauchant la frontière entre les deux pays.

Outre le diamant qui est l’une des principales ressources du pays, une étude américaine récente vient de découvrir de l’uranium. Autant dire qu’il peut dire adieu à sa souveraineté, si jamais il en avait rêvé. Les bonnes nouvelles n’arrivant jamais seules, on peut rajouter qu’il y a aussi du pétrole. Mais ça, on le savait déjà. Les gisements sont situés au nord du pays, près de la frontière tchadienne. La licence avait été concédée à la société américaine Grynberg RSM. Devant les risques et les difficultés, la société avait jeté l’éponge, et c’est la Chine qui a pris le relais, associée à une société soudanaise. Les recherches sont désormais dirigées par la compagnie chinoise CNPC sur une zone ayant un potentiel prouvé de 1 million de barils, et laissant espérer 5 fois plus. Cette zone, personne ne s’en étonnera, est le bastion des rebelles.

On pourrait presque dire que Bozizé a cherché son coup d’état. Les mercenaires ont apparemment réussi leur coup.

Quelle est la part réelle de la France ? Si elle n’y est pour rien, ce serait une première dans ce pays. Dans ce cas la question se pose pour les Etats Unis. Quels que soient les moteurs de ce coup d’état, l’impression de déjà-vu pousse à avoir quelques soupçons. Même dans le cas où c’est Washington qui serait derrière ce changement de régime, la France était au courant de toute l’opération. Le porte-parole d’un groupe armé qui appelle les agences de presse à partir de Paris est forcément connu des services secrets et a le feu vert pour le faire. Ca explique pourquoi le gouvernement n’avait pas du tout l’air inquiet pour les ressortissants français à Bangui. On sait que ce genre d'évènement est toujours suivi de pillage et d'exactions diverses.

Effectivement, des pillages il y en eut. Mais aucun bien appartenant aux ressortissants français, qui étaient sagement restés chez eux selon la consigne, ne fut touché. La première personnalité à se rendre à l'hôtel Idjer Bangui, base du futur nouveau pouvoir, fut l'ambassadeur de France.

RCA 1

ECA 2

 

Avic


Moyenne des avis sur cet article :  5/5   (11 votes)




Réagissez à l'article

6 réactions à cet article    


  • le moine du côté obscur 27 mars 2013 11:18

    Et oui pauvre Afrique toujours soumise à des coups de force et à des laquais prêts à se prostituer pour le pouvoir. Ceci étant dit Bozizé selon mes amis centrafricains a commis beaucoup de bévues comme nommer ses proches à des postes-clé notamment son fils, sa femme, sa maîtresse etc... Malheureusement pour être indépendant il faut avoir une vision, être rusé comme un serpent et faire les bonnes alliances. Autrement dit être un capitaine de navire en pleine tempête. Ce coup d’état pue et je suis un peu inquiet pour mes amis centrafricains. Beaucoup ne pleureront pas Bozizé mais pour sûr ils risquent de ne pas aimer ce présidente putchiste et ses hordes qui nous l’espérons ne deviendront pas incontrôlables. 


    • LE CHAT LE CHAT 27 mars 2013 12:15

      un putschiste remplace un autre putschiste , comme les gaz de schiste , ça pue ............


      • jaja jaja 27 mars 2013 12:59

        Le NPA condamne l’envoi en République centrafricaine (RCA) de deux cents soldats français supplémentaires, qui s’ajoutent aux cent-quatre-vingts envoyés en janvier dernier et aux quatre cents déjà présents auparavant.

        Il condamne le meurtre par l’armée française de deux Indiens et les blessures infligées à neuf ressortissants indiens et tchadiens à l’aéroport de Bangui lundi 25 mars. Mais si les autorités françaises ont tenu à présenter leurs excuses, elles ne comptent pas rompre avec leur politique néo-coloniale, ni présenter leurs excuses aux peuples de Centrafrique pour le soutien qu’elles apportent depuis plus de cinquante ans aux régimes dictatoriaux.

        Depuis 2003, l’armée française s’est engagée aux côtés du général putschiste François Bozizé et de son parti unique, le KNK. En 2006 et 2007, elle a pris part, aux côtés des Forces armées centrafricaines, aux combats et aux massacres de populations civiles. Elle a pris part à la répression contre toute opposition démocratique au régime de Bozizé.

        La rapidité de l’offensive de la Séléka, coalition hétérogène de groupes rebelles, qui a pris les armes le 10 décembre 2012, montre la fragilité du régime et du processus de paix parrainés par la France. L’ancienne puissance coloniale a beau jeu, désormais, de condamner « le recours à la force ». Elle a également beau jeu, comme au Mali ou en RDC, de se cacher derrière de prétendues « forces africaines », en réalité totalement inféodées à l’impérialisme français.

        Son seul souci reste de protéger ses intérêts et ses ressortissants en RCA. Il s’agit notamment du projet d’exploitation d’uranium de Bakouma par Areva, des mines de diamants et des marchés publics détenus par des multinationales françaises.

        Comme au Mali, au Niger et dans toute l’Afrique, la France, son armée et ses entreprises doivent partir et laisser enfin aux peuples d’Afrique le droit de gérer eux-mêmes leur avenir.

        Montreuil, le 26 mars 2013.


        • leypanou 27 mars 2013 15:15

          Bref F Bozizé c’est le Moubarak centrafricain quoi !

          De toute façon, quand on ne sert plus ou qu’on devient incontrôlable, il ne faut pas s’étonner d’être évincé.

          Je suis certain que beaucoup de dirigeants de l’UA doivent « serrer les fesses », surtout depuis l’affaire de la Libye où bizarrement, mais est-ce si bizarre, la subsidiarité n’a pas été utilisée, cette affaire ayant été traitée directement au niveau du Conseil de Sécurité.

          D’autres laquais qui risquent de ne plus servir ou qui ne donnent plus satisfaction, il y en a encore, l’avenir nous le dira.


          • Mwana Mikombo 27 mars 2013 15:22

            @l’auteur

            Nous sommes habitués à la prolixité et à la volubilité de cet auteur sur les questions du Continent Noir. Mais, derrière des allures de bienséance, cette appétence sur les malheurs du continent noir relève plutôt du mercenariat.

            En effet, l’auteur exulte pour nous ressortir, de A à Z, tous les méandres du énième putsch en Centrafrique. Ce dont on ne peut manquer de se régaler. Mais, on ne peut aussi manquer de constater la chaude couverture que l’auteur, dans ses autres articles, a posée sur l’invasion touarégo-mahométane du Mali, se gardant soigneusement de décrire les méandres de cette invasion avec la même volubilité et sagacité.

            Manifestement, l’Afrique Noire, terre nourricière des prédateurs, est  le terrain où viennent s’entrainer les apprentis mercenaires. Cet article en est un exemple.



            • pierre60 pierre60 2 avril 2013 10:39

              Un pays plus grand que la France, avec 4 millions d’habitants (sur) vivants au-dessus d’un scandale geologique ; comme au Congo(s).
              Cela fait maintenant la deuxieme fois que le Tchad joue les pompiers pyromanes ; avec l’accord des autres nations ; d’Afrique et d’ailleurs.
              Il faut certes un etat (pour le respect des contrats), mais il n’en faut pas trop.
              Il s’agit donc la d’un equilibre (tres) instable.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès