Ces amis venus de loin
Cet article est à la fois le compte rendu d’une visite éclair de jeunes Egyptiens et Arabes au Danemark, et un entretien avec l’auteur et présentateur d’un court-métrage danois sur ces jeunes venus de loin.
Le groupe de jeunes Egyptiens qui ont répondu à une invitation danoise ont rencontré en arrivant au Danemark une grande délégation de jeunes Arabes et musulmans venue du Maroc, du Liban, de la Syrie, de la Jordanie aussi bien que de l’Iran, de la Palestine, du Kénya, du Pakistan et de la Turquie.
Parmi ces jeunes, deux chrétiens ont tenu à participer à la mission en déclarant que les convictions ne devraient jamais être offensées et qu’ils étaient venus soutenir leurs confrères musulmans. Une soirée passée avec nos jeunes Egyptiens de retour m’a permis de comprendre qu’il s’agissait d’une visite controversée. Ils étaient ravis d’avoir pu échanger des idées et connaissances avec les jeunes Danois, qui les ont reçus à bras ouverts et avec lesquels ils ont tenu tables rondes et débats au sein d’une des cités universitaires, là où ils ont été hébergés. Par contre, nos jeunes ont regretté l’attitude de certains responsables, surtout ceux du journal même qui avaient causé l’ensemble de la chose. "Ils n’avaient aucune réponse à nos questions", ont regretté les jeunes, en ajoutant : "Parfois ils nous ont même lancé "Mais qui donc a organisé cette rencontre ?" tandis que les autres répétaient : " Chez nous rien n’est intouchable". Toutefois, au cabinet d’un haut fonctionnaire d’Etat, un responsable a souligné : " A présent, nous reconnaissons que quelque part dans l’histoire, on a commis un certain tort aux autres". Et au fond, nul au Danemark ne l’avait prémédité.
Ingy, Malak, Mariam, Ahmad, Adham, Mongy, tous des jeunes Egyptiens anglophones, francophones et souvent les deux à la fois, ont tenu ferme devant la tentation de faire du shopping sur place. Par contre, ils ont dit : "Nous boycottons, oui, mais maintenant nous sommes sûrs qu’il s’agit d’une ignorance de nos identités, de notre culture et de nos croyances. Probablement y a-t-il du laxisme de la part des médias, et il est temps d’y remédier, de part et d’autre, pour mieux se connaître", ont-ils assuré de vive voix. En échangeant des cartes de visites et en prenant des adresses électroniques, les jeunes de l’Orient et ceux de l’Occident ont décidé de faire fondre la glace. Mariam, vedette du film tourné sur les musulmans en Egypte, aussi bien qu’Ahmad, ont assuré :" Nos réponses ont le plus souvent étonné nos interlocuteurs, et aussi nos diplômes, nos études, nos passe-temps favoris et notre amour pour l’art, la culture et le cinéma, ceci sans parler de notre maîtrise de langues."
L’histoire de la visite des jeunes ne se termine pas là, puisqu’à notre tour, au Progrès Jeunesse, nous avons tenu à rencontrer Eva Marie Möller, auteur et présentateur d’un programme qui sera bientôt projeté sur les écrans du Danemark et qui parle de cette jeunesse arabe venue dans son pays.
Il s’agit d’un nouveau genre de production où la caméra suit sa vedette partout. Eva était venue en une visite éclair de quelques jours avec le producteur et le photographe effectuer le tournage de la dernière partie du programme, elle en parle comme d’un film plutôt, son quatrième court-métrage, comme elle le dit.
Actrice de théâtre pendant de longues années, Eva Marie Möller décide de suivre des études de journalisme en vue de changer sa profession. Elle commence par le quotidien Det Frt Autuelt puis passe au petit écran, travaille d’abord pour la TV2 où elle s’occupe du bulletin d’information, ensuite pour la DR, ce qu’elle appelle la télévision nationale du Danemark. Eva, qui écrit ses propres scénarios, explique qu’elle avait jugé bon de se concentrer sur ce sérieux conflit. Elle ajoute : "Pour moi c’était une chance puisque la cinquantaine de jeunes orientaux s’est déplacée jusqu’au Danemark. Au fond ils se sont montrés assez civilisés".
Toutefois le choix d’Eva se limite à suivre seulement deux Egyptiens parmi le groupe qui a répondu à l’invitation danoise pour éliminer le malentendu arabo-danois. En demandant à Eva pourquoi elle avait insisté pour ne choisir parmi les jeunes que Mariam El Moetassem Billah, jeune journaliste voilée travaillant pour Islam On Line, et Ahmed Fathelbab, étudiant en polytechnique à l’université américaine, pour toute réponse elle dit : "On me les a conseillés", sans vraiment dire qui était ce on. Aussi, elle ajoute : "C’est le budget qui m’oblige à réduire les interviews". Sur un ton amical, elle explique : "Nous avons préféré présenter deux Egyptiens parce qu’ils sont citoyens d’un pays assez sécurisé et que, offensés tout autant que les autres musulmans, ils se sont exprimés fermement mais dans un langage clair et peu choquant pour nous". Souriante, aimable et parlant sur un ton amical, Mariam rêveuse finit par dire :"J’ avoue qu’il existe une certaine réticence dans mon pays vis-à-vis de ce monde que nous connaissons mal."
Les Arabes et les musulmans au Danemark ne représentent qu’un pourcentage assez limité de la population. Et le marché du travail ne les accueille pas à bras ouverts. Souvent même, des cadres se trouvent obligés d’accepter des métiers de loin inférieurs à leur vraies compétences. Elle ajoute :" Au fond, c’est dans cet objectif que j’ai lancé le projet de ce court-métrage, j’en ai même changé le titre. En démarrant, c’était quelque chose avec le terme ennemi dans le titre, puis, maintenant, nous avons décidé que le sens du titre soit un pas vers les autres, sans employer le mot ennemi. Rêveuse encore une fois, elle ajoute : "Je reconnais que nous sommes assez différents . Libéraux à cent pour cent, nous ne sommes pas habitués à censurer nos impulsions, nos idées. D’abord nous donnons peu d’intérêt au "qu’en dira-t-on", ensuite, il y a toute une éducation autour du respect de la liberté des autres". Toutefois elle ajoute : " Ce qui s’est passé, c’est regrettable". Eva avoue qu’en progressant dans le travail, ses idées et sa vision ont emprunté un tournant beaucoup plus positif de l’Orient et des arabo-musulmans. Aussi ai-je été profondément touché par l’intelligence de Mariam et par son savoir-faire. Différente à cause de son voile, elle est d’une sensibilité humaine et d’un tact que j’apprécie beaucoup. Il en est de même d’Ahmed et de l’ensemble des jeunes Arabes et musulmans venus vers mon pays. Au fond, ils étaient d’une grande tolérance. En majorité, ils sont même partis à la rencontre du PDG dudit journal.
Leur point de vue était de défendre leur cause par le dialogue, attitude que tout Danois apprécie et respecte. Par contre, nous confie Eva, "censurer une opinion par la violence accroît cette distance entre nous, et pour tout dire, nous surprend et nous incommode. Je suis presque sûre que cet oeuvre, qui sera projetée le 15 avril, n’est qu’un pas vers l’autre, et il ne sera pas le seul", conclue-t-elle. Avant de retourner au Danemark, Eva m’appelle et demande : "Est-ce que vous êtes prête à venir devant la caméra et à dire que j’aurais mieux fait d’interviewer des non voilées ? " Je lui réponds : "Bien sûr, Eva, mais je dirai plutôt qu’il aurait fallu tourner avec les voilées et les non voilées pour faire comprendre au monde qui nous trouve différents que le voile ne change pas beaucoup les choses. Et que dans nos pays, même les voilées ont des soeurs, et parfois des mamans, qui ne portent pas de voile.
C’est un choix, une nature d’approche plus ou moins profonde vers Dieu". "Ah, alors on fait cela la prochaine fois !", dit-elle.....
Soheir el Imam
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