Ces villes du nord qui sentent la friture
J’ai une infinie tendresse pour ces villes de bord de mer qui empestent la friture.
Je ne saurai dire d’où me vient ce penchant saugrenu.
Le grand Jacques évoquait les langueurs océanes, la morue qui s’insinue jusque dans le coeur des frites, les paumés du petit matin.

Pour moi, tout cela m’évoque plutôt l’univers des Who, du Spencer Davies Group, des Small Faces et les premières heures de Radio Caroline, question de génération sans doute.
Tout autour du Channel, de Quesnoy-sur-Deule à Hythe (GB), en passant par Bray-Dune, Middelskerke (B), Zouteland (NL), c’est une enfilade de bourgades tristounettes, de villes balnéaires autrefois réputées où subsistent encore de stoïques hôtels décrépis par les embruns, avec alternance de dunes piquées d’oyats, centrales nucléaires, petits ports pittoresques aux élégantes demeures, jetées brinquebalantes et mornes falaises crayeuses.
En hiver, les oyats se parent parfois de givre, donnant à la dune un aspect lunaire près des éoliennes.
Au bout d’une heure à trotter sur les immenses plages, nez au vent, on ne rêve plus que de couette douillette et d’une roborative Erwtensoep à l’anguille fumée.
Au déclin du jour, une bière aux épices près de la cheminée achèvera de ressusciter vos amis les plus réfractaires à ce genre de front de mer.
Au menu du souper, difficile d’échapper au restaurant courant d’air et aux moules frites taillées à la main.
A l’hôtel**, le confort est rudimentaire mais les femmes de chambre sont serviables et le service ne s’embarrasse pas de chichis.
Même si le tapis de l’hôtel sent les pieds et que les murs de la salle de bain se desquament piteusement, on ne veut retenir que l’arôme du café, la bouilloire qui chuinte et l’odeur de toast grillé qui monte jusqu’à la chambre.
Dehors, l’air est frais et fort, parfois il empeste. Mais, cet air là est pour moi incomparable, comme une distraction de l’odorat.
La lente saignée des emplois industriels a laissé ses stigmates un peu partout. Parfois, c’est si moche que ça en devient poétique. Comprenne qui pourra... Après tout, un coucher de soleil hivernal sur l’usine Noroxo vaut bien celui d’un palais d’été monégasque.
Alors, glauque et déprimant ? non bien au contraire, tout cela a tout d’une crasse propre, quasi esthétique.
Dans certains endroits, le compteur de l’architecture locale est resté bloqué sur les années 60. Du coup, on s’attend à voir surgir un de ces Mods sur Vespa sur fond de musique des Who.
Nul besoin de partir très loin pour se sentir dépaysé.
Je me ressource à cet air là. J’y laisse mes peaux mortes qui disparaissent au vent et je me régénère à l’approche de l’hiver. Je n’ai pas encore trouvé mieux pour me refaire la cerise.
En écrivant ces lignes, il me tarde presque de voir ce long été s’achever....
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