Cet été, la pornographie s’invite dans les compétitions sportives
Selon un rapport publié en décembre dernier par l’association Ennocence, qui lutte contre la pornographie en ligne, les enfants sont confrontés de plus en plus tôt à ces contenus indésirables, sur les sites de streaming illégaux notamment.
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Comme chaque année, le sport est au menu des programmes télévisuels cet été. En France, Roland Garros a même ouvert une période de près de quatre mois de sport, avec le Championnat d’Europe de football et les Jeux olympiques de Rio qui viennent s’ajouter au traditionnel Tour de France. Quatre mois durant lesquels les supporters seront tentés de regarder ces événements sportifs sur Internet. Avec tous les risques que cela suppose pour les plus jeunes.
« Enormes audiences »
Le live streaming sportif illégal est effectivement devenu une pratique courante : on estime par exemple à 20 millions le nombre de personnes ayant regardé illégalement la Coupe du monde de football au Brésil grâce à ces plateformes. Or, si quelques-uns de ces sites sont financés grâce aux abonnements des internautes, la plupart comptent sur des revenus publicitaires – parfois très juteux. Les publicités s'affichent en général dans des encarts spécifiques sur toutes les pages de navigation, et les fenêtres intempestives – les fameux « pop-up » – déferlent sur les écrans. Leur contenu, on le sait, n'est cependant pas toujours adapté à un jeune public et peut présenter des images pornographiques explicites, alors que le site Internet ne présente en lui-même a priori aucun danger. Ces fenêtres intempestives seraient ainsi à l’origine de 72 % des glissements non provoqués vers des sites classés X. Les sites de streaming et de live streaming ne sont qu'un exemple de la facilité avec laquelle les enfants peuvent se retrouver confrontés à des images pornographiques. La redirection vers de telles plateformes depuis un site considéré comme sans danger peut par exemple se faire à l'aide d'un simple clic, une case à cocher, par laquelle l'enfant pourra affirmer qu'il a bien l'âge légal pour accéder au contenu « pour adulte ».
Les pouvoirs publics contrôlent-ils – ou ont-ils les moyens de contrôler – ces pratiques ? En France, « le fait de fabriquer, transporter et diffuser un message à caractère pornographique est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur » d’après le code pénal (Art. 227-24). Pour Thomas Rohmer, membre de l’association La voix de l’enfant, s’en tenir aux textes de loi est inefficace : « Il serait temps que les pouvoirs publics fassent un peu de ménage pour bloquer ces sites illégaux en libre accès, pilotés de l’étranger, hébergés dans des paradis fiscaux » estime-t-il. Selon lui, « le seul objectif de ces sites est de générer d’énormes audiences qui leur rapportent, chaque année, plusieurs centaines de millions d’euros ».
Problème de santé publique
Un rapport publié par l’association Ennocence, qui cherche à alerter et protéger les enfants contre les risques d’exposition à certains contenus en ligne, tirait la sonnette d'alarme en décembre dernier. Intitulé « Réseaux sociaux, streaming, live streaming et téléchargement illégal : nouvelles portes d’entrée des enfants vers le monde de la pornographie », il révélait que les jeunes sont confrontés de plus en plus tôt à des images pornographiques, l’âge moyen de la première exposition étant de 11 ans. Pour les enfants confrontés de façon accidentelle à ces contenus inappropriés, ces images peuvent entraîner une grande culpabilité et s’avérer dévastatrices pour leur développement.
Selon Thérèse Hargot-Jacob, philosophe et sexologue, « de plus en plus d’enfants et d’adolescents, issus de tous les milieux sociaux, sont confrontés à des images pornographiques, le plus souvent imposées par un copain ou une publicité, alors qu’ils n’ont pas eu le temps de développer leur propre imaginaire érotique ni leur curiosité sexuelle. Sur un esprit immature, avant l’âge de 16 ans, ces images agissent comme un viol de l’imaginaire ». Des logiciels de contrôle parental existent pour bloquer l'accès à des contenus à caractère violent ou pornographique, mais selon Thomas Rohmer, « le taux d’équipement n’a jamais dépassé les 30 %. Et passé un certain âge, les jeunes internautes savent contourner les barrières. »
Désemparés, les parents ne savent pas quel comportement adopter face à ce qui est devenu un vrai problème de santé publique. Toujours selon le rapport d'Ennocence, si 70 % des parents interrogés considèrent que les sites de streaming et de téléchargement illégaux représentent un danger pour leurs enfants, la moitié d'entre eux (52 %) avouent ne pas toujours surveiller leurs enfants lorsqu'ils surfent sur Internet, souvent parce qu'ils n'en ont pas les moyens (27 %). Pour l'association, lutter contre l'exposition des enfants à la pornographie sur la Toile passe par de multiples actions : de pédagogie, tout d’abord, menées dans les écoles auprès des enfants et des enseignants, mais également – et surtout ? – auprès des parents ; par un renforcement de la législation française en la matière, ensuite, et un déploiement de moyens de contrôle renforcés contre ces sites malveillants. Le sport, présenté partout comme un moyen d’épanouissement pour l’enfant, vaut bien que l’on se penche sur la question une bonne fois pour toutes.
Crédits photo : Eurosport
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