Cet été, visitez l’EscobarPark !
La drogue, c’est bien connu, mène à tout. Y compris aux pires excès. Et, comme les gens qui s’y adonnent le plus souvent ne sont pas nécessairement cultivés, ça donne, avec le tas de billets verts amassés par les vendeurs ou dépensés par les consommateurs, des choses assez délirantes. Il fut un temps, dans le show-biz, où ravager les suites d’hôtels était un sport très prisé. Les Who ou Led Zeppelin, question compétitions idiotes, sont allés très loin dans le style : jusqu’à dynamiter réellement les toilettes d’un hôtel, par exemple. Tout le monde a en tête les photos des suites ravagées par le passage du batteur fou ou de Pete Townshend, pas en reste de régler ses comptes de prolétaire du rock avec un show-biz qui lui permettait tout (et d’autres choses plus malsaines aujourd’hui encore). Sex, Drugs and rock’n’roll est le slogan de l’époque, et c’est ce que chantent Ian Dury ou Gun’s & Roses. C’est ça ou l’alcool, ce n’est pas cet allumé de Sambora (de Bon Jovi), aujourd’hui encore, qui va me contredire. Et puis vient un temps où le rocker vieillit un peu ou rapidement (cela dépend du taux d’héroïne qui lui reste dans les veines) et alors il songe à se faire bâtir une maison... pour les enfants, il attendra encore semble-t-il, n’ayant pas totalement épuisé, à la quarantaine bien tassée, son stock de maîtresses ou de péripatéticiennes. Parfois, il n’y songe même pas, se contentant de continuer à visiter des hôtels au Vietnam pour assouvir des fantasmes à la Houellebecq. Oui, ça existe aussi chez les rockers. Les pires musicalement, c’est un hasard, mais ça tombe bien ça rend l’homme doublement détestable. Il était déjà laid, le voilà immonde, ce Glitter. En plus, il chantait faux...

Dans le genre villa de retraité, il y a bien entendu Graceland. On ne vous décrit pas le dépliant publicitaire, tout le monde connaît son côté kitsch prononcé, y compris la tombe du fiston et de sa maman à l’entrée pour accueillir (refroidir ?) le visiteur : quand on a mauvais goût toute sa vie et que l’on a surtout été capable de monter sur scène avec de pareilles rouflaquettes et un costume à la Remi Bricka, rien ne nous étonne plus. Même pas le quadriréacteur Convair dans le jardin (nommé Lisa Marie, du nom de sa fille) ou la Cadillac Fleetwood rose au garage. Dans la même démesure ou la régression infantile pure et simple, il y a bien entendu Michael Jackson. Un parc de jeux complet, un zoo, bref un "JacksonLand" pour se remémorer une enfance idyllique qu’il n’aura jamais eue, le pauvre, étant exploité par un père veule et calculateur qui ira bien plus loin encore dans l’exploitation de ses propres enfants, comme l’a avoué un jour une des filles... Latoyah Jackson, battue sinon plus par ce père violent. Ce qui ne l’empêche pas, elle, de vouloir ressembler de plus en plus au grand frère..., mais, bon, comme toute la famille semble désespérément atteinte... on ne peut plus grand-chose pour eux. Qu’ils régressent, donc. Sans faire d’albums, ce serait mieux. Depuis Thriller, de toute façon rien de bien n’est plus sorti de la maison Jackson. Cela fait 27 ans maintenant.
Et puis, il y a un autre show-biz : d’un côté les consommateurs, de l’autre les fournisseurs. Eh bien, vous n’allez peut-être pas me croire, mais ils ont les mêmes goûts. A savoir le même mauvais goût, sinon pire. Au point même que, dans le genre, Michael Jackson lui-même est largement détrôné. Et comme plus on a d’argent, plus c’est moche, il est logique de trouver la pire des villas de trafiquants de drogue chez le plus grand d’entre eux : je veux parler de Pablo Escobar, aujourd’hui privé de villa pour le reste de ses jours, étant six pieds sous terre depuis quinze ans maintenant (le temps passe vite chez les dealers !). Tué dans une autre maison que la sienne, en oubliant une seule chose : de s’informer sur les progrès technologiques, à défaut de s’occuper des zèbres de son parc d’attractions personnel... ou de ses liens avec l’incroyable président du Pérou Fujimori, canaille d’un autre genre. Avec son âme damnée, Vladimoro Montesinos, acheteur à ses heures de Mig-29 trois fois plus cher que le prix normal. Pour mémoire, l’arrestation d’Escobar est due à l’emploi des tout premiers téléphones portables, dont le sien, que la CIA avait réussi à faire émettre sans qu’Escobar ne s’en aperçoive ! C’est le premier arrêté de la sorte, ou tout comme. A l’époque, les portables font encore leur bon kilo, sinon davantage, et l’engin n’est pas aussi répandu que maintenant. Une rumeur tenace voudrait aussi que le système Echelon ait participé à la capture, alors qu’une simple télémétrie suffisait (avec un relais d’avion il est vrai), mais peu importe, Escobar va bêtement se faire pincer en téléphonant à sa femme et à son fils, comme vous et moi, et non à ses tueurs. Et sera tué par des membres de Los Pepes, une organisation paramilitaire sanglante soutenue par le gouvernement et par le gouvernement américain, une émanation directe de la CIA. Une organisation qui continuera ses méfaits bien après la mort d’Escobar, et qui rend aujourd’hui difficilement crédible la non-implication américaine en Colombie.
Les images parlent d’elles-mêmes en effet. Pablo Escobar, recherché pour plusieurs millions de pesos, est abattu sur le toit d’une villa, par un commando entraîné par le Delta Force US ; il était atteint du même symptôme de régression que celui de Michael Jackson, à moins qu’il ne voulait s’occuper davantage de sa propre progéniture, tout simplement. Il s’était donc construit une villa du même tonneau, à Doradal, à quelques encablures de Medellin, avec parc d’attractions à dinosaures et voitures de collection, dont celle ayant appartenu à Al Capone, paraît-il. C’était l’Hacienda Napoles. Sans oublier son premier avion de passage de drogue, un Piper Cub, trônant à l’entrée de la villa devenue point de chute incontournable des tours opérateurs... australiens. Manque à l’appel aujourd’hui le hovercraft avec lequel Escobar faisait visiter son parc aux politiciens qu’il invitait : il est encore là, mais est hors d’usage paraît-il. Un reportage surprenant du 2 juin dernier de la BBC sur son "ranch" (une hacienda) nous apprend que les dinosaures en béton sont bien toujours en place, mais qu’en revanche la collection de voitures a été détruite... par les habitants du coin, venus en masse piller en 1993 ce qui pouvait l’être sur les 22 km2 de l’énorme propriété d’Escobar. Un truand responsable d’au moins 4 000 morts (dont le ministre de la Justice, Rodrigo Lara Bonilla) qui envoyait à Noël des camions remplis de jouets dans les quartiers pauvres de Medellin, histoire de se garantir des supporters. Il n’avait pas fait longtemps de politique, mais avait déjà tout compris à ce qu’est le clientélisme. Depuis, certains des animaux de son zoo sont morts ou ont été envoyés dans d’autres, mais on peut toujours admirer les hippopotames d’origine, dont trois venus d’Afrique en 1984, commandés à l’époque par Escobar lui-même (sans fourrer de coke dedans, promis, juré !) Prolifiques et gourmands, ils posent aujourd’hui problème. Les enfants de Medellin, aujourd’hui, se baignent donc dans les nombreuses piscines du trafiquant dans ce qui est devenu une sorte d’"EscobarPark" gigantesque. Certains voyant toujours dans le dealer hors normes une espèce de Père Noël (ou un saint d’un genre nouveau). Pendant qu’il assassinait journalistes et politiciens, ou tentait de tuer le président colombien, parfois en faisant exploser des avions de ligne entiers en vol, occupants compris ou en fomentant une attaque de terroristes (du M-19) contre la Cour suprême colombienne, il est vrai, ils jouaient déjà ces mômes. Ses propres enfants aussi, et parfois même au football, étaient sponsorisés par leur père. L’histoire ne dit pas malheureusement ce qu’il pouvait bien y avoir comme slogan sur les maillots... Tout ce qui est dit ici est visible dans le détail dans un long documentaire en dix épisodes (!) et 1 h 53 minutes, de la chaîne History Channel, intitulé Killing Pablo. Très instructif, car basé sur le livre du même non de Mark Bowden, interviewé dans la remarquable série (Oliver Stone devant depuis s’emparer de l’histoire pour un film en cours de tournage actuellement). Tout cela, pour Escobar, sans oublier de recevoir les amis, dont un certain Alvaro Uribe et son père, qui mourra... dans des circonstances connues, celle de ses amitiés sombres avec le clan Ochoa.
L’ancien maire de Medellin, par sa position, avait en effet obligatoirement croisé sur sa route Escobar, nommé cette année-là (1982) député du Parti libéral (pour éviter une extradition américaine annoncée !) En lui facilitant une tâche essentielle à son trafic : l’enregistrement de ses avions ou de ses hélicoptères. "Álvaro Uribe fut directeur de l’Aéronautique civile. Avant lui, entre 1954 et 1981, l’Etat avait accordé 2 339 licences. Au cours des 28 mois où Álvaro Uribe occupa ce poste de directeur, il octroya 2 242 licences, c’est-à-dire juste un peu moins qu’au cours des 35 années antérieures, avec la circonstance aggravante que de nombreuses licences, à peu près 200, bénéficièrent au Cartel de Medellín (...) Quant à l’hélicoptère (du père) faisant l’objet de l’héritage, il a été retrouvé dans un laboratoire très célèbre de Pablo Escobar appelé ‘Tranquilandia’. L’hélicoptère appartenait à (Álvaro) Uribe et à son frère". Le Hughes 500 369D immatriculé HK-2704E ou HK-2704X provenait directement des stocks de l’armée colombienne, acheté le 27 octobre 1981 aux Etats-Unis l’appareil portant encore à son arrivée l’immatriculation N215-FA (après avoir été annoncé aux Néo-Zélandais sous l’immatriculation ZK-HQI). L’enregistrement des nouveaux papiers au lieu de prendre vingt jours avait pris quatre heures seulement, et sont passés directement des mains de l’Etat à celui des narcotrafiquants. En Colombie, on en égare tant qu’on veut, des hélicoptères, il est vrai, remarquez... Mais de tout cela, on ne veut aujourd’hui parler "Colombian President Álvaro Uribe has a famous tendency to fly into a rage when people ask too many probing questions about his past." Surtout quand l’ancienne maîtresse d’Escobar affirme que le zoo personnel du trafiquant a été rempli avec l’aide d’... Uribe : "I asked him how Pablo manages to have his own runway and fleet of aircraft, to get tons of coca out of the country, and to bring giraffes and elephants from Africa, and to smuggle in Rolligons (all-terrain vehicles) and six-meter boats. … Pablito is a ’big guy’ : he has the key guy at the Civilian Aviation Agency, a young kid who is the son of one of the first narcos… a guy named Uribes (sic) a cousin of the Ochoas… Álvaro Uribe."
La morale de tout cet amas de choses fort laides, c’est que l’argent, obtenu légalement ou de manière délictueuse, ne rend pas intelligent. On peut être classé septième fortune mondiale par le magazine Forbes (en 1989, pour Escobar !) et avoir des goûts artistiques contestables, voire immondes (on n’ose penser à un BillGatesPark !) A Medellin, pourtant, dans les rues, on trouve du Boterro, qui a rendu hommage à... Escobar, qui osait se présenter parfois comme un Robin des bois moderne (voir le tableau illustrant ce texte). Rappelons qu’il avait réussi à négocier avec le gouvernement colombien en 1991 pour se faire construire sa propre prison, selon ses plans, La Catedral, toujours pour éviter l’extradition ! Une prison dont il sortait quand bon lui semblait, saccagée en 1993 et rebâtie depuis en temple catholique ! Des goûts discutables, et ne pas s’y connaître non plus en construction : le gouvernement actuel de Colombie a renoncé à boucher les trous faits dans la villa d’Escobar par les chercheurs d’ors venus ravager l’hacienda à sa chute : les matériaux sont de tellement piètre qualité que tout s’effondrerait ! On peut être sanguinaire, faire peur à un pays entier, avoir organisé le crime et la vente de drogue à un échelon phénoménal et se faire avoir par le plus commun des maçons ! Un assassin n’est pas à l’abri d’un plombier indélicat ! Pour son cercueil lui-même, la qualité n’était pas non plus au rendez-vous. Lors de son exhumation le 28 octobre 2006, on découvre que ce dernier s’est désintégré et que les restes du plus grand criminel colombien sont désormais mêlés à la terre. Escroc toute sa vie, Escobar se sera fait escroquer même dans l’Au-delà.
On peut aussi s’attendre, avec le parc de jeunes artistes décérébrés fabriqués par notre nouvelle société du spectacle "endémolienne" à visiter en France même bien d’autres horreurs dans les années à venir. On n’ose imaginer un Futuroscope aux mains d’un gagnant de la Star Academy... ou la retraite architecturale d’un Mahé ou d’un Obispo, par exemple. Aux dernières nouvelles, autour du chalet suisse de notre Jojo national, aucun parc en vue malgré des similitudes troublantes dans la carrière de l’ex-chanteur de Pénitencier. La Suisse tranquille, ou quarante ans de carrière pour passer de la poudre à la poudreuse, disent les mauvaises langues. Méfions-nous, l’arrivée d’une deuxième petite fille adoptée pourrait lui donner des idées saugrenues. Connaissant l’animal, ça risque en effet de ressembler davantage à MacDoLand qu’à Beaubourg... bientôt un Jojoland ?
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