Cette montée inexorable du Front National qui laisse sans voix
La question qui se pose maintenant ce n’est plus tant de savoir si le Front national va gagner les prochaines départementales (ou cantonales) ou de réaliser une percée historique dans les futures législatives ? Déjà, la classe politique classique et les médias qui ont pignon - et pognon- sur rue s’expriment en public à ce sujet avec un ton fataliste qui trahit une certaine résignation devant un fait accompli inéluctable, du moins une volonté de préparer l’opinion à un probable cataclysme.
Marine Lepen a compris la force de vente du marketing politique
Crédité de près de 30% d’intentions de vote dans la quasi-totalité des instituts de sondages depuis le début de la campagne, le Front national (FN) part en grand favori des élections départementales 2015, prévues les 22 et 29 mars (*). Cette formation poltique qui n'a jamais gouverné au niveau national séduit de plus en plus les Français fatigués et déçus de la classe poltique classique, y compris (vraisemblablement) le patron du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Roger Cukierman qui dans une déclaration récente trouvait Marine Lepen « irréprochable ! »
Le 30 mars 2014, à l’issue deuxième tour des municipales, onze villes sont remportées par le FN (douze si l’on compte la petite localité de Hamel). Quand des ténors du FN comme Bruno Gollnisch crient que leurs parti va poursuivre la lutte contre le gaspillage ils ne parlent pas en l’air ! « A Beaucaire (Gard) , des habitants sont en colère après la fermeture, mercredi, de la Maison du vivre ensemble, faute de subventions de la mairie FN, rapporte l'AFP. Le centre socioculturel assurait le soutien scolaire d'une centaine d'enfants. Une cinquantaine d'habitants ont défilé pour manifester leur mécontentement. » Cette guerre que mène le FN contre « le gaspillage et la mauvaise gestion » englobe d’autres secteurs comme l’absentéisme de certains élus locaux dans cette même mairie de Beaucaire gérée par le FN. « Le maire FN de Beaucaire Julien Sanchez a décidé de supprimer la prime de fin d'année aux employés municipaux qui auront dépassé vingt jours d'absence au cours de l'année écoulée. "Ce sera la prime au travail et non plus la prime à l'absentéisme", a affirmé Julien Sanchez qui devait faire adopter cette disposition mardi soir en conseil municipal. » Toujours à Beaucaire (Département du Gard) Mardi 1er avril [2014], la décision de ne pas maintenir « la troisième édition du Positiv Festival, prévu le 5 juillet et le 16 août dans les arènes de Beaucaire (Gard), a été annoncée sur la page d'accueil du site Internet de la manifestation, spécialisée en musiques électroniques. Dimanche 30 mars, le candidat Front national (FN), Julien Sanchez, 30 ans, est arrivé en tête au deuxième tour des élections municipales avec la liste « Beaucaire, ville française ! » et 39,8 % des votes. » A noter que cette guerre contre les festivals répond plus à une phobie des arts considérés comme « trush » et dépravants par le FN que par un besoin de préserver les deniers publics. D’ailleurs, et comme les extrêmes se rejoignent même au-delà des frontières, une certaine analogie existe entre le FN et le parti de la justice et du développement (PJD), part islamiste marocain (populiste), au pouvoir depuis novembre 2011 qui lui aussi avait meublé sa campagne électorale et ses premiers moins de gouvernement par une série de tirades haineuses contre les festivals notamment celui de Mawazine à Rabat et de Gnaoua à Essaouira. Le PJD les accusant de tous les maux, essentiellement des prétextes de dilapidation de l’argent public (Ndlr : les maigres soutiens financiers des municipalités les abritant chaque année) et des de propager la la culture de dépravation de la jeunesse. A Béziers (département de l'Hérault) Robert Ménard (journaliste et ancien directeur de l’ONG Reporters sans frontières) maire soutenu par le FN n’en finit plus de prendre des arrêtés pour le moins originaux. Après avoir instauré un couvre-feu pour les mineurs et interdit l'accrochage de linge aux fenêtres ou l'installation de paraboles sur les façades des immeubles, le maire de Béziers, élu avec le soutien du Front national, a cette fois publié un arrêté interdisant de cracher dans la rue. Le même Menard se distinguera par une autre initiative sonnante : « Il n'y aura pas de repas halal dans les cantines municipales » à Béziers a-t-il prévenu.
La question qui se pose maintenant ce n’est plus tant de savoir si le Front national va gagner les prochaines départementales (ou cantonales) ou de réaliser une percée historique dans les futures législatives ? Déjà, la classe politique classique et les médias qui ont pignon - et pognon- sur rue s’expriment en public à ce sujet avec un ton fataliste qui trahit une certaine résignation devant un fait accompli inéluctable, du moins une volonté de préparer l’opinion à un probable cataclysme. Même le premier ministre Manuel Valls ne cache plus son angoisse que le Front national remporte l’élection présidentielle et ce même s’il avait failli l’emporter en 2002 si les électeurs de la gauche n’avaient pas reporté leurs vote sur le candidat Chirac, suivant ainsi la consigne des états majors de la droite. « Est-ce que vous ne pensez pas qu'un Front national qui fait 25% aux élections européennes, peut-être 30% aux départementales, et ainsi de suite, ne peut pas gagner l'élection présidentielle ? Pas en 2022, pas en 2029, mais en 2017", a mis en garde M. Valls. L’oracle un peu à la Cassandre du Chef du gouvernement qui pour avoir été ministre l’Intérieur connaît la vraie réalité du Front national sur le terrain est d’autant plus justifié qu’une certaine homothétie des comportements des votes des électeurs du FN lors élections des locales et nationales semble se dessiner en clair. Comme le montre assez clairement les graphes joints à cet article cette homothétie se dégagent plus nettement pour les scrutins présidentiels et européens. En 1974, juste avant la fin des « Trente Glorieuses » (1946-1975), période de prospérité économique et d’insouciance et « de tout il est bien tout le monde il est gentil », le candidat FN à la magistrature suprême a fait un score insignifiant pour cette époque : 0.75 %. Un septennat plus tard, en 1981 pas de candidat FN à la présidence ; non pas à cause d’une quelconque absence d’électorat mais bien parce que le candidat n’a pas pu réunir les 500 signatures nécessaires à la candidature ; la preuve en est que le FN fera près de 11% lors des Européennes de 1984. Dès 1988, les scores des différents candidats à l’Elysée du FN monteront crescendo, de 14.4 % en 1988 à 17.9 % en 2012 avec un seul léger affaissement en 2007 à 10.4 %, baisse de aux voix grignotées entre autres par les candidats Villiers et Bové, respectivement 2.23 % et 1.32 % au second tour.
Conclusion : En cas de dysfonctionnement des mécanismes « républicains » visant à barrer la route au FN, celui-ci est en mesure d’arriver aux affaires aussi bien à Matignon qu’à l’Elysée. Ceci d’autant plus que le FN, sous la direction Marine Lepen, a adopté un ton plus « conciliateur » qui passe mieux dans les médias.
(*) Le nouveau redécoupage des cantons, affaiblira certes, des partis comme le FN et le PG de Mélenchon, mais pas gravement.
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