Je ne veux pas voir mes parents, malades, un jour dans une chambre d'hôpital, froide, glaçante.
J'y ai déja vu ma grand-mère et ça m'avait détruite...
Il avait fallu quelques verres, beaucoup trop en fait, pour oser me rendre jusqu'à sa dernière chambre.
Mon esprit paniqué ne voulait sans doute pas garder l'image de ma mamie en fin de vie,
Mais c'était peine perdue...
La porte s'est ouverte, dans un grincement sinistre.
Ils m'ont tous regardée,
Moi, la petite poupée, passablement éméchée.
Puis j'ai vu mamie, dans son lit argenté, endormie.
Et les larmes sont arrivées,
Fallait pas me laisser entrer...
Je pense que de très jolies paroles ont été prononcées pour me consoler,
Mais elles se sont toutes envolées, tellement j'étais occupée à pleurer.
Si seulement on m'avait dit que c'était la dernière fois que je voyais ma mamie, je serais restée avec elle toute la nuit...
Elle n'était qu'amour, ma mamie, mais je ne le vois que maintenant et c'est trop tard.
Je ne suis même pas sûre de lui avoir rendu un peu de cet amour qu'elle donnait, et maintenant c'est trop tard.
Pourquoi mon amour est resté enfoui toutes ces années ?
Où était la clé qui aurait dû ouvrir cette porte si bien fermée ?
Mon esprit complètement vidé ne savait plus quoi penser,
D'ailleurs j'étais presque soulagée quand il fallut laisser mamie se reposer.
Peut-être que j'en étais encore à me demander si la petite poupée avait bien tenu son rôle...
Oh oui, c'est même certain, il fallait bien que l'ego vienne s'en mêler !
Cet ego qui nous bouffe la vie, alors que c'était la vie de ma mamie qui se jouait ici.
Ne devrait-on pas oublier notre petit moi dans ces moments-là ?
La honte me submerge quand je repense à cela.
Quoique... il n'est même pas sûr que cette honte soit bien sincère.
Nous sommes des êtres tellement conditionnés,
Des bêtes sauvages qu'il a fallu dresser.
Au final, ne perdons-nous pas toute spontanéité ?
Comment des êtres aussi fragmentés pourraient faire bloc pour ne plus être sans cesse blessés ?
Il doit bien exister un moyen de faire face à la vie...
Aurais-je oublié ce savoir-vivre qui ne sied qu'aux vivants ?
N'était-ce pas la petite poupée que je voyais dans le lit argenté, en lieu et place de ma mamie adorée ?
C'était sûrement ma propre mort que je voyais...
La peur,
La peur de vieillir, la peur de mourir, la peur de l'inconnu, du vide, du néant...
La peur,
Nous ne sommes que peur, arrêtons de mentir, arrêtons de jouer la comédie.
Maintenant je le sais,
J'ai compris tout cela,
Ma mamie m'avait reconstruite.
Je l'aime comme jamais,
d'un amour qui défie la peur et le temps.
La petite poupée peut enfin grandir, parmi les vivants, ceux qui restent...
* * * * * *
Image : Coucher de soleil sur la rivière Chobe, par ecololo