Chili 1973 – France 2017
Les citoyens du Chili du temps du président Salvador Allende, dont le choix démocratique fut bafoué par un coup d’état militaire, s’étonneraient peut-être du désintérêt des électeurs français d’aujourd’hui, choisissant le régime politique de la dictature.

Le néolibéralisme s’est avéré être une idéologie totalitaire au même titre que le communisme et le fascisme.
Il est loin le temps où en 1947, une poignée d’économistes, intellectuels et journalistes, dont les économistes Friedrich Hayek et Milton Friedman, s’étaient réunis au village suisse de Mont-Pèlerin pour fonder la « Mont-Pèlerin Society » dont la mission principale était, et l’est encore à ce jour, la garantie de la liberté d’expression et des valeurs libérales d’une société ouverte, par le biais de l’économie de marché. A l’époque, la défense des valeurs occidentales paraissait en effet urgente face au communisme totalitaire montant de l’Union Soviétique et de la Chine.
Inspiré du siècle des lumières, le libéralisme économique entend toutefois étendre le concept de la liberté individuelle à l’économie, de sorte à ce que celle-ci s’affranchisse totalement de la sphère d’influence de tout ensemble organisationnel, sociologique et juridique qu’on définirait communément comme « l’état ».
L’économiste américain Milton Friedman, ancien directeur de la MPS, maître à penser de l’ancienne premier ministre britannique Margareth Thatcher, fut l’architecte de la première expérience néolibérale grandeur nature, suivant le coup d’état du général Pinochet, le 11 septembre 1973.
On les appelait les « Chicago Boys », ces économistes chiliens, formés ou endoctrinés, c’est selon, à l’Université de Chicago sous l’oeil bienveillant du professeur Friedman, avec pour objectif d’exporter la bonne parole dans leur patrie. Seul obstacle au projet ambitieux, l’élection au suffrage universel du président socialiste Salvador Allende le 3 novembre 1970.
Avec la complicité de da CIA, le gouvernement américain réfléchit à une solution au problème. La synthèse du brainstorming : un coup d’état. Conseiller à la sécurité nationale et Secrétaire d’Etat, tout en un, Henry Kissinger, lauréat du prix Nobel de la Paix, approcha le général des forces armées chiliennes de l’époque, René Schneider, lui demandant de l’aide. Seulement, le général Schneider, avant tout un militaire, respecta le choix démocratique du peuple chilien. Sa non-coopération lui coûta cher. Le 22 octobre 1970 il fut enlevé et assassiné. Il n’y a, à ce jour, plus guère de doute que ce crime portait la signature du Dr. Kissinger. Il fallait donc patienter encore trois ans pour réussir avec le général Augusto Pinochet.
Fièrement appelé le miracle chilien par le professeur Friedman, l’expérience néolibérale du Chili, sous le régime Pinochet, fut toutefois entachée par de multiples violations des droits de l’homme, plus de 38'000 cas de torture, des dizaines de milliers d’arrestations de dissidents ainsi que l’exile d’un million d’opposants (Wikipedia).
Conforme au modèle néolibéral des « Chicago Boys », l’état chilien procéda à une vague de privatisations d’entreprises publiques, notamment celles du cuivre, 36% du marché mondial, jusqu’à l’eau, l’énergie, la santé et l’éducation. Il introduit un système privé de retraite par capitalisation, le tout accompagné d’une baisse massive des impôts, « libérant » ainsi les individus des entraves de l’état, laissant l’offre et la demande comme seul arbitre. L’ancienne premier ministre britannique Margaret Thatcher, adepte du néolibéralisme, l’avait bien dit : « La société en tant que telle n’existe pas, il n’y a que des individus ».
Loin de son idéal de la liberté individuelle le néolibéralisme s’impose depuis plus de cinquante ans comme doctrine unique, laissant que peu de place à la contestation. Sa machine de propagande, perfectionnée dans le temps grâce à la mainmise successive sur les médias, n’a rien à envier de celles des régimes communistes d’antan.
Certes, les coups d’état sont passés de mode, du moins dans nos contrés, mais les élections présidentielles américaines, et, plus récemment les élections présidentielles et législatives françaises ne laissent plus aucun doute sur les méthodes de manipulation mises en place pour le maintien du statu quo. La prise du dernier bastion, la France, état providence par excellence, permettra l’intégration et la pérennisation du modèle au niveau européen pour les générations à venir.
Les citoyens du Chili de l’époque, dont le choix démocratique fut bafoué par un coup d’état, s’étonneraient peut-être du désintérêt des électeurs français d’aujourd’hui. Certes, la propagande battait le plein et le choix du candidat, issu du sérail de l’establishment, paraissait fait depuis le début de la campagne. Mais, tout de même. Il fallait encore mettre un bulletin dans l’urne. Avoir ensuite manqué une deuxième chance pour corriger le tir, en revanche, est tout simplement impardonnable.
Peut-être faut-il qu’une société soit à un stade avancé de désespoir, telle que la société anglaise qui vient de voir périr dans un incendie 80 citoyens dans un immeuble de logements sociaux, « décoré » il y a deux ans par la municipalité avec des panneaux inflammables, moins chers, pour cacher la misère aux riches propriétaires avoisinants, dans un quartier qui compte parmi les plus chers au monde, mais qui manque visiblement de moyens pour loger les trois cent personnes restées sans abri.
C’est comme au jeu de téléréalité de Donald Trump, « The Apprentice », des gagnants de ce système il n’y aura que très peu.
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