Chine : les Guerres de l’opium
Au XVII° siècle la dynastie Ming qui a succédé aux Mongols au XIV° siècle est impopulaire. Des révoltes éclatent un peu partout, la population accablée d'impôts connaît la famine. La tribu Mandchoue venue du nord s'empare de Pékin en 1644, fonde la dynastie Ching (purs) et impose le port de la natte aux Hans. L’opium arrivé en Chine au XVe siècle en provenance du Sud-Est asiatique est resté longtemps réservé à la médecine traditionnelle chinoise. Sa consommation a commencé à se répandre mélangée avec du tabac, une pratique importée de Java.
En 1729 l’empereur Yongzheng interdit la consommation d'opium. Toutes les transactions commerciales se doivent de passer par un groupement de marchands chinois (Cohong) contrôlé par les autorités. Le commerce entre la Chine et l'Europe reste limité à Canton. Les étrangers ne pouvant y résider à l'année passent l'hiver à Macao, possession portugaise. Thé, soieries, porcelaine sont boudés par les Européens et la Compagnie britannique des Indes orientales se doit d'emprunter auprès de la Couronne. Lord George Macartney arrive à Pékin en 1793 avec l'espoir de négocier l’ouverture du marché chinois aux Britanniques. L'empereur Qianlong refuse les présents (montres, longue-vues, armes) et toute proposition de traités commerciaux avec installation de comptoirs étrangers.
La situation de monopole de la Compagnie des Indes lui laisse espérer de gros profits avec le commerce de l'opium, mais la taille du marché chinois suscite bien des convoitises. Le trafic d'opium avec la complicité des gouverneurs locaux contribue à la fuite des piastres ce qui finit par déstabiliser la monnaie chinoise. L’opium et les impôts doivent être payés en argent, alors que la monnaie en circulation en Chine est en cuivre. La raréfaction de l'argent entraine une augmentation des impôts. En 1830 les livraisons d'opium atteignent 2.000 tonnes par an. L'empereur Daoguang dépêche le commissaire impérial Lin Zexu à Canton. Celui-ci découvrant la corruption de tout le système douanier impose un blocus aux comptoirs étrangers et des sanctions aux consommateurs (10 millions de Chinois s'adonnent à la drogue). Lin Zexu envoie une missive à la reine Victoria pour lui demander d’interdire le commerce d’opium avec la Chine, en vain. Au mois de juin 1839 Il fait procéder à la saisie et la destruction de 20.300 caisses d'opium à Canton.
Un paysan chinois est tué à Hong-Kong au cours d'une rixe contre des Britanniques. Le consul britannique refuse de livrer le meurtrier au gouverneur local. Lin Zexu interdit le ravitaillement de tous les navires britanniques dans le delta de la rivière des Perles (à proximité de Canton), action contraire aux décisions impériales d'accueillir tous les navires britanniques ne transportant pas d’opium. Deux navires britanniques coulent quatre jonques impériales dans la baie de Chuanbi (proche de Canton) avant de se retirer sans perte. L'empereur rend Lin Zexu responsable des tensions avec les Britanniques et le limoge. Son successeur entreprend de détruire les défenses érigées autour de Canton par son prédécesseur et accepte toutes les conditions britanniques : cession de Hong Kong, une indemnité de 600 millions de dollars chinois pour l'opium détruit sans en référer à l'Empereur.
Le ministre britannique des Affaires étrangères, Lord Palmerston, exige la fin des hostilités et l’ouverture des ports de : Canton, Xiamen, Shanghai et Ningbo au commerce international, et que les citoyens britanniques soient jugés selon les lois de la Couronne. Juin 1840 trente-sept navires anglais transportant dix-neuf mille hommes font leur entrée dans le port de Macao. La Grande-Bretagne a dépêché La Nemsis, le premier vapeur armé de canons ; son faible tirant d’eau lui permet de naviguer dans des zones fluviales peu profondes. Les Chinois alignent 200.000 hommes, mais leur armée est mal encadrée et les hommes ne disposent d'équipements d'armes obsolètes.
Les Britanniques s'emparent au mois de juillet de l’île de Zhoustan, près de l’embouchure du Yang-Tsé, à 1 500 km de Canton. Le 7 janvier 1841 la Royale Navy détruit les défenses situées sur la rive. Les ports côtiers tombent les uns après les autres. Les Anglais débarquent à Canton, s'emparent des canons chinois, occupent Shanghaï, remontent le fleuve Bleu et assiègent Nankin. La chute de Zhenjiang au mois de juillet empêche les navires chinois d'emprunter le Grand Canal pour ravitailler leurs villes. L'Empereur se résout à signer le traité de Nankin (29 août 1842). Les pertes chinoises s'élèvent à 20.000 hommes et à 800 du côté britannique. La Chine doit payer 21 millions de piastres à l'Angleterre, 6 millions pour l'opium détruit, et 3 millions en dédommagement des avances versées au Cohong et des droits de mouillage dans les ports : Canton, Xiamen (Amoy), Fuzhou (Fou-tchéou), Ningbo, Shangaï. L'île de Hong Kong revient à la couronne d'Angleterre et les sujets de sa gracieuse majesté ne sont pas soumis aux lois chinoises. Avril 1843 les Américains signent à, Wanhia, un traité qui leur assure les mêmes droits. Le 21 octobre 1844 la France signe et obtient la protection des missionnaires et le droit de bâtir des églises.
La Cour est exsangue et Les Qing doivent affronter de nombreuses révoltes à l'intérieur du pays. Les sociétés secrètes Lotus blanc, la Raison céleste, les triades, et des Taiping Paysans. Des intellectuels et lettrés vont s'immiscer dans les révoltes (1851-1864) contre la dynastie Mandchoue. Les insurgés s'emparent de Hankéou, atteignent Nankin (19 mars 1853) et remontent vers Tien-Tsin avant d'être stoppés devant Pékin par les troupes mongoles au service des Mandchous. Les étrangers sont victimes d'exactions, de pillages et des missionnaires chrétiens sont assassinés.
Au mois de février 1854 le gouvernement britannique dépêche son ministre plénipotentiaire, John Bowring, afin d'obtenir la légalisation du commerce de l'opium, que nenni. Le 8 octobre 1856 l'arraisonnement d'un bateau de contrebandiers chinois battant pavillon britannique est prétexte au bombardement de Canton. Les Britanniques sollicitent les États-Unis et la France. Cette dernière prend prétexte de l'exécution du missionnaire Auguste Chapdelaine dans la province de Guangxi au mois de février 1856 pour se ranger au côté de l'Angleterre. Au mois de décembre les alliés occupent Canton et conquièrent au printemps 1858 les forts de Dagu défendant Tianjin et l'accès à Pékin. Le 26 juin la Chine signe le traité de Tianjin. Dix ports tombent dans l'escarcelle occidentale, des représentations diplomatiques sont ouvertes à Pékin, les missions chrétiennes peuvent circuler dans le pays (évangélisation), y acquérir des terrains, et l'importation d'opium est légalisée !
Le 13 octobre 1860 les troupes Britanniques et Françaises (Napoléon III) occupent le Tien-tsin et font leur entrée dans Pékin. Le palais d'été est mis à sac et incendié. La convention de Pékin du 25 ratifie le traité de Tianjin, l'indemnité de guerre est portée à 16 millions de Taels. Les étrangers peuvent naviguer sur le Yangzi et 11 ports leur sont ouverts. Londres annexe la péninsule de Kowloon et les forces étrangères établissent leur légation à Pékin. Les Russes vont obtenir près d'un million de kilomètres carrés au nord du fleuve Amour (l'Oussouri, Vladivostok et l'île de Sakaline). Les Russes jouent double jeu. Tandis qu'ils laissent à penser aux Chinois à une aide militaire, ils informent les forces franco-britanniques. Si la Kachgarie forme un royaume indépendant. en 1865 les Russes s'emparent de Kouldja, et les Musulmans du Yunnan annexent la région de Tali. En 1866 l'armée japonaise occupe la Corée, s’empare de la forteresse de Port Arthur et de la grande Formose.
À la fin des années 1870, la production chinoise d'opium (environ 3450 tonnes) atteint le double des importations venues d'Indes ! L'opium va se répandre dans les ports militaires français (Toulon, Cherbourg, Brest, La Rochelle) et gagner les grandes villes françaises. Environ vingt millions de Chinois fument l'opium ce qui représente une concurrence intolérable pour les Britanniques et l'opium venu d'Indes. Le gouvernement chinois est décidé à éradiquer les fumeries. Mille-cinq-cents revendeurs sont arrêtés et les fonctionnaires corrompus destitués.
En 1884 les défaites chinoises pour le contrôle du fleuve Rouge ont pour conséquences la reconnaissance des protectorats français de l'Annam, du Tonkin et conduit à la création de l'Indochine française. Le 27 mars 1889, la Russie soutenue par la France et l'Allemagne se fait remettre Port-Arthur et la presqu'île de Léaotong. Le 1 juillet l'Angleterre occupe le port de Wei-hai-wei et se voit octroyer le droit d'accès au bassin du Yang-tsé. La France reçoit en location la baie de Kouang-tchéouwan et construit le chemin de fer du Yunnan qui reliera sa capitale (Yunnnanfou) au port du Tonkin de Lao-kay. En 1897, l'Allemagne, en représailles de l'assassinat de deux missionnaires prend possession de la baie de Kiao-Tchéou et du port de Tsing-Tao.
L'impératrice Tseu-hi qui s'appuie sur les sociétés secrètes et les Boxers (pratiquants de la boxe chinoise) frères du poing et xénophobes fait décapiter les réformistes en réponse à une révolution de palais. Le mois de juin 1900 marque l'attaque du « quartier des légations » de Pékin. Le ministre allemand, les prêtres, religieuses et Chrétiens chinois sont massacrés. Le 14 juillet un corps expéditionnaire international débarque à Tien-tsin. Un mois plus tard il fait son entrée dans Pékin. L'impératrice et les dignitaires s'enfuient, certains se suicident, d'autres sont exécutés. Le frère de l'empereur présente ses excuses pour l'assassinat du ministre von Ketteler. La Chine doit payer 450 millions de taels (un tael pour 3,75 Franc-or). Les Russes occupent la Mandchourie et protéger la ligne du chemin de fer transmandchourien. Le 8 février 1904 le Japon envahit la Mandchourie, repousse l'armée russe vers le nord, et s'empare de Port Arthur. Le 28 mai la flotte nipponne anéantit l'escadre russe à Tsushima (archipel entre la Corée et le Japon). Le 5 septembre les troupes russes abandonnent le terrain (traité de Portsmouth).
A la mort de l'impératrice douairière en 1908, la révolte chinoise préparée par Sun Yat-Sen commence à se répandre à Wuchang au mois d'octobre 1911 puis gagne Nankin au mois de novembre. L'abdication du dernier empereur marque la proclamation de la République chinoise (janvier 1912). En 1916 la Chine est plongée dans le chaos et la culture du pavot réintroduite par les seigneurs locaux. Un conflit éclate entre le nord et le sud en 1917. Sun Yat-Sen crée le Guominddang (parti nationaliste) et s'allie en 1923 avec le parti communiste et d'obtenir l'aide militaire soviétique. En 1925 Tchang Kaï-chek rompt l'alliance conclue par son prédécesseur. Une guerre civile entre les deux camps se prépare. Ces épisodes allaient marquer la mémoire chinoise durablement, et le siècle de l'humiliation devenir le terreau du sentiment national chinois. La révolte des Boxers et les guerres de l'opium ont fait 25.000 morts du côté chinois. En 1997, assister à la projection du film la Guerre de l’opium (50 000 figurants) du réalisateur Xie Jin est un acte patriotique. Une correction, une erreur de translitération, une précision, une remarque ?
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