Chirac est de retour !
Chirac est revenu, c’est l’impression que j’ai ressentie en écoutant le discours de Sarkozy. C’était bien un discours puisque les journalistes étaient seulement invités à faire de la figuration, le chef de l’Etat faisant les questions et les réponses avec son art habituel fait de "pourquoi : parce que" et de "je vais vous dire" Mais c’était aussi du Chirac avec une "rupture" désormais reniée. Par rupture, il fallait entendre "valeur travail" et rien d’autre, nous dit-il. Merci Monsieur le Président pour cet effort de pédagogie dans notre direction car, nous, nous avions compris que cela signifiait "rupture". Ce que nous pouvons être ignorants quand même !

L’UMP, actionnaire majoritaire de l’entreprise France, entend bien le rester. Il s’agit de protéger cette situation lucrative pour permettre aux affaires de continuer de prospérer, y compris celles de Kouchner, le très vertueux ministre démasqué par Pierre Péan, l’écrivain qu’il ne faut pas nommer même pas avec des pincettes... Bien sûr que Kouchner n’a rien commis de répréhensible aux yeux de la loi et n’a pas porté d’atteinte grave à l’ordre public. Mais, son imposture a été révélée au grand jour ! Du reste pour ce qui est de passer au travers des lois, avec la dépénalisation des affaires et les commissions arbitrales, cela ne sera plus bientôt une preuve d’honnêteté.
Sarko patron de l’entreprise France :
Il y a tout de même un net progès : Sarkozy ne se posait plus en chef de l’UMP mais en patron de l’entreprise France (qui va mal). En repreneur ? Encore un effort quand même pour qu’il se pose en président des Français !
Sarko patron est bien présent avec ses "je veux" et ses "moi je". Sarko patron retournera bien revisiter ses ouvriers de l’usine Mittal de Grandange. Mais surtout, Sarko patron veille à ce que le business prospère - yop la boum ! - malgré la grande misère du peuple qui souffre et auquel il serait indécent et inutile de porter de la "compassion". Pourtant, ce n’est pas la compassion qu’attendait le peuple mais de la considération tout simplement et des réponses rapides à ses difficultés quotidiennes grandissantes. De ce côté-là, peu de choses : des annonces de dialogue à venir qui pourraient déboucher sur ceci ou cela mais cela reste très ouvert ? Un peu trop ouvert. C’est ce qui s’appelle temporiser, comme faisait Chirac ou, pour un avocat comme Sarkozy, employer des procédés dilatoires pour remettre les décisions à plus tard. La procrastination, dit-on encore en des termes savants. Pas de revalorisation du pouvoir d’achat, pas de mesure à la Obama, alors rien ? Eh bien non, rien ou presque.
Il faut sauver l’entreprise France car le danger la guette. Non pas la crise mais les mouvements sociaux. Il est vrai que la grande manif du 29 janvier a pu redonner de l’espoir aux syndicats qui rêvent de remettre le couvert. Il est vrai que cela chauffe dans les amphis en ce moment et les députés de l’oppostion avaient donné l’exemple dans l’hémicycle. Alors, sauvons ce qui peut être sauvé en évitant les gros remous et la coalition des mécontents.
Le fait du (petit) prince :
"S’il-te-plaît, dessine-moi des moutons !" Et la demande (donc l’ordre) qui s’adresse à la presse, opère comme une formule magique : faites-moi des Français dociles, des gogos ! Merci la presse.
On a parlé de "fait du prince " dans l’art de sélectionner les intervieweurs ou, peu avant dans sa décision unilatérale et précipitée de limoger un préfet, et un chef de la police qui produisait des résultats remarquables.
Donc il y avait du Chirac dans l’art de temporiser et de noyer le poisson parce que cela sent un peu le brûlé et qu’il faut se montrer prudent désormais. Il n’est plus temps de jouer les matadors et de railler les grèves en disant qu’elles passent inaperçues ni de dire qu’exercer la présidence c’est trop "fastoche" dans le langage des marmots. Non ! la rue gronde, l’Assemblée gronde, les amphis grondent. Donc, dos rond ! comme Chirac.
Mais il reste du Sarkochef en Sarkozy, beaucoup de Sarkochef, la rupture en moins dorénavant, dans le caractère volontaire. Il y eut cette phrase à propos de la place de la France dans le monde "Si on renonce sous prétexte qu’on est plus petit..." ça c’est du pur Sarko : volontaire et sans complexe, charismatique. Sympathique même : on imagine le petit se frayant un chemin à travers les grands, armé de son seul courage, de sa foi inébranlable et de sa détermination : respect ! Un brin de machisme à travers un lapsus en direction de Laurence Frerrari : "les étalons...les étages intermédiaires" à propos de l’empilement des niveaux de collectivités. Sarko l’étalon qui hèle "Ferrari" juste après avoir évoqué le secteur automobile : Sarko la Ferrari, la Formule 1 qui impressionne les électeurs et nombre de ses adversaires avec son "pas de charge" comme a dit Pujadas (oui, il a parlé. Un peu. Pour la forme. Il est bien payé).
Il reste du Sarkozy dans la manière de rappeler chacun à ses responsabilités et de fustiger le "responsable mais pas coupable" de triste mémoire ou l’attitude bornée d’un maire de Paris refusant par idéologie d’appliquer la loi sur le service minimum. Ou bien encore dans cette manière de marteler que trop de postes de fonctionnaires (lorgnez du côté des socialistes), cela pèse lourd sur les finances publiques et que c’est un poids dans la compétitivité internationale.
Le Sarko capitaine est au gouvernail et négocie les virages au-dessus des rapides. Il parle de lui et encore de lui, de son métier qui n’est pas facile. Mais toujours rien de concret pour les gens. "Moi, moi, moi..." Et il ne fallait pas attendre des journalistes une quelconque vélléité de bousculer ce monologue édifiant.
La prochaine fois, c’est sûr, on aura vraiment droit à du Jacques Chirac...
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