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Chirac : méthode Coué

Bilan des tumultes banlieusards : deux décès d’adolescents et un d’un adulte, 8 626 véhicules brûlés, 2 767 personnes interpellées, 590 écrouées dont 107 mineurs, 375 majeurs condamnés à de la prison ferme jusqu’à un an et 200 millions d’euros de dégâts, dont 20 pour les voitures. 1 200 policiers ont été mobilisés, et des journalistes (pas encore des représentants de guerre) venus du monde entier.


Quelle que soit l’interprétation de ce désastre, nous sommes obligés de constater que, sans lui, le président de la République et le gouvernement n’auraient pas :


· rétabli le niveau des subventions aux associations, drastiquement diminuées par le gouvernement précédent.
· annulé la baisse des crédits octroyés à la Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE).
· accéléré la mise en place du plan de cohésion sociale.

· proposé des solutions pour pallier l’échec scolaire par une mesure (contestée) facilitant l’apprentissage à partir de 14 ans.
· reconsidéré la suppression de la police de proximité.
· annoncé la création d’un service civil volontaire, afin d’assurer une formation à 50 000 jeunes dès cette année (en fait déjà en place).
· incité les entreprises et les organisations syndicales à se mobiliser contre la discrimination à l’embauche, et les médias à mieux rendre compte de la diversité de la société française.
· enjoint les communes à respecter la loi les obligeant à construire au moins 20 % de logements sociaux sur leur territoire (Eric Raoult appréciera !)

· invité les partis politiques à assurer une réelle représentation des populations issues de l’immigration.


A voir la longue liste des propositions ainsi faites au plus haut sommet de l’État, force est de reconnaître que les émeutes n’étaient nullement gratuites, et qu’elles avaient quelques fondements, même s’il faut absolument condamner la violence, d’où qu’elle vienne.


Urgence


Jacques Chirac a eu raison de souligner, dans son allocution télévisée, que nous sommes en présence d’une « crise de sens, d’une crise de repères, d’une crise d’identité. » Mais celle-ci n’est pas nouvelle puisque, lui-même, alors qu’il était candidat à la présidentielle de 1995, en avait fait un très exact diagnostic. Aussi ne pouvons-nous qu’être sceptiques lorsqu’il s’engage à mettre « les actes en concordance avec les paroles ». « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent », a dit un certain... Jacques Chirac, dans un entretien au journal Le Monde du 22 février 1988.


Quant aux mesures à prendre pour rétablir l’ordre public, thème cher à la droite, le président de la République décide de proroger l’état d’urgence

pour une durée de trois mois. Serions-nous donc en guerre, la République vacillerait-elle, et le gouvernement serait-il menacé d’être déposé par un quarteron d’insurrectionnels, pour que le chef de l’État soit contraint d’envisager une mesure d’exception ? Laquelle permet notamment :

  • Les perquisitions jour et nuit par la police sans autorisation judiciaire.
  • Les assignations à résidence et les interdictions de séjour.
  • Le couvre-feu décidé par l’autorité préfectorale sur tout ou partie du territoire.
  • La fermeture des lieux publics, salles de réunion et de spectacles
  • Le contrôle de la presse.
  • La saisine des juridictions militaires aux lieu et place des tribunaux judiciaires.

Exception


La décision paraît d’autant plus incongrue que d’une part, l’actuel couvre-feu n’est pas appliqué dans les départements où les émeutes ont été le plus virulentes, et d’autre part, les préfets relèvent une nette décrue des violences urbaines. Et il n’est pas établi que le code pénal s’avère insuffisant pour rechercher et arrêter des délinquants.


Le gouvernement ne peut plus faire l’économie des réformes structurelles trop longtemps différées. La question est de savoir s’il en a encore les moyens politiques, tant sa majorité est engluée dans une idéologie de la peur et de la surenchère sécuritaire, qui fit recette en 2002.


Dans un pouvoir qui s’effrite, et dérape dans l’incompréhension de la réalité sociale, la tentation est grande de faire des lois liberticides un ordinaire. En pareille circonstance, il n’est pas un État moderne qui n’y succombe. L’exception devient la règle. Bush en a fait l’expérience après l’effondrement des Twin’s, il en est de même pour Tony Blair. « Pour créer le droit, nul n’est besoin d’être dans son bon droit », nous avait prévenu Carl Schmitt, théoricien de l’État d’exception, aujourd’hui très en cours, et grand idéologue du IIIe Reich.


Insensé !

Photo : AFP


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6 réactions à cet article    


  • Alexandre Santos Alexandre Santos 15 novembre 2005 15:34

    Il est parfois etonnant de voir avec quelle facilité on accepte de voir les libertés partir en fumée lorsqu’on a peur.

    Que ce soit pour la prétendue guerre contre le terrorisme, ou à cause des émeutes, l’effroi semble paralyser la pensée et remettre en cause les discours convenus sur les droits de l’homme.

    La prolongation de trois mois de l’état d’urgence est vraiment scandaleuse. N’oublions pas que déclarer l’état d’urgence est souvent le premier pas pour transformer une démocratie en dictature. L’Égypte vit depuis 40 ans en état d’urgence, et Indira Gandhi a voulu controler l’Inde avec une poigne de fer en déclarant l’état d’urgence, ce qui a fini par lui coûter cher.

    À quoi servent les libertés si à la première tempête elles s’évaporent ?

    Je ne dis pas qu’il faut laisser les émeutiers brûler les voitures, mais il est inacceptable de laisser les institutions fonctionner en régime de guerre avec des réductions aussi drastiques des libertés alors que la survie de la république n’est pas en jeu.

    Les anglais eux-mêmes n’ont accepté aucune atteinte à leur démocratie, même pendant les heures les plus noires de la bataille de Londres, au cours de la deuxième guerre mondiale.

    NB : je ne critique pas forcément le couvre feu pour mineurs, mais les abus de pouvoir que permet l’état d’urgence


    • Sylvio (---.---.13.250) 15 novembre 2005 18:41

      Il n’y a pas que le couvre-feu pour mineur dans le couvre-feu que certains vivent et c’est là que ça me gène le plus.

      Je suis à peu pret d’accord avec le couvre feu pour les mineurs vu la situation actuelle où des mineurs prennent ces émeutes pour un jeu et des mineurs devraient être au lit à ces heures là. Bien que c’est aussi discutable et ne résoud pas tous les problèmes (il fait nuit à 18h en ce moment).

      Le problème est que tout les adultes sont aussi concernés par cette mesure, dans certains quartiers, ils n’ont pas le droit de circuler après 22h, celà viole les droits de l’homme (liberté de circulation) voir même la constitution française.


      • Senatus populusque (Courouve) Courouve 15 novembre 2005 19:54

        Ce bilan est incomplet. D’abord il y a eu deux meurtres d’adultes, et non un seul.

        Ensuite, ont brûlé non seulement des véhicules, mais aussi des commerces, des entrepôts, des écoles, des bibliothèques.

        Les émeutiers s’en prennent à la culture, à l’éducation. En Algérie, le premier tué de la guerre d’indépendance, en novembre 1954, fut un jeune instituteur.

        Pour être honnête, il faut dire que les révolutionnaires français ont eu des comportements semblables ; suppression des Universités par la Convention, incendie de la bibliothèque municipale de Paris par la Commune, et, en mai 1968, projet (non abouti) d’incendie de l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm.


        • Didier Vincent Didier Vincent 15 novembre 2005 22:41

          Mettre du baume sur une plaie ouverte ou prendre de l’aspirine quand on a la grippe ne soigne pas la maladie. Le corps social est « malade » dans sa tête et tous les milliards d’€ du monde n’y changeront rien.

          Les pouvoirs politique et économique utilisent aujourd’hui la peur pour se maintenir voire se développer. Parler d’état d’urgence est dans cette logique.

          Qui nous appelle et nous incite à une vraie reflexion sur ce que nous sommes, ce que nous voulons être tenant compte de nos réalités d’aujourd’hui ? Le vide, le néant. On va me dire propos d’intello. Non, simple bon sens. Est ce qu’une part du « succès » de l’Islam ne vient pas de son discours structurant ? Je m’interroge ?


          • Sylvio (---.---.13.250) 15 novembre 2005 22:59

            Didier Vincent, je suis tout à fait d’accord avec toi, la religion a pour avantage de rassembler les individus (et surtout les plus ignorants) autour de valeurs communes qui sont en générale sociale et humaine (solidarité, générosité...). Et c’est un athée qui vous dit ça.

            Par contre la religion peut aussi provoquer des luttes inter-religieuses (lutte d’influence qui ont provoqués tant de guerre) et du communautarisme (évangélisme, islamisme radicale, sionnisme). Toutes les religions sont concernés par celà .

            Aujourd’hui la société laïque dans laquelle nous vivons doit rassembler ses citoyens autour de valeurs avec force d’une autre façon mais avec conviction. C’est peut-être pour cela que la France est si attaché et si reconnu pour ses principes de liberté-égalité-fraternité, de laïcité, de patrie des droits de l’homme. Il ne faut donc pas perdre ces valeurs et encore mieux les appliqués en agissant.

            J’en attend beaucoup du gouvernement après cette « découverte des problèmes des cités » causé par les émeutes. La fermeté, ok pour rétablir l’ordre pendant un temps mais cela ne doit pas être permanent et créer des zones à part en France.


            • Senatus populusque (Courouve) Courouve 15 novembre 2005 23:00

              Discours structurant, c’est beaucoup dire. Mais le succès vient de sa volonté de puissance, qui semble donner un sens exaltant à des vies ordinaires, de son caractère socialisant qui convient aux moins exigeants intellectuellement, et ce sont les plus nombreux.

              Par rapport au christianisme, comme Frédéric Nietzsche l’avait remarqué, l’islam présente l’avantage de ne pas brider la virilité.

              Enfin, la démographie mondiale lui est favorable.

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