La tentative du FN à Gauche contrecarrée par une UMP maintenant à l'extrême droite, et le retour de la Gauche de combat. Tel est le résumé à grand trait du nouveau paysage politique Français après le premier tour.
Le 6 mai, il nous faudra choisir notre adversaire.
En 2002 et après le second tour qui a vu l'élection de Jacques Chirac, le FN a fait le constat que sa thématique traditionnelle ne le porterai jamais au pouvoir. Il lui fallait donc trouver des thèmes de campagnes propres à élargir sa base électorale. Naturellement, le choix du FN s’est porté sur l’électorat populaire, une clientèle électorale qui avait été laissée en jachère par un parti socialiste fraichement converti au libéralisme.
Mais Jean-Marie Le Pen qui s'était affiché avec l'Ultralibéral Ronald Reagan ne pouvait être crédible aux yeux de cet électorat qui en était la victime. Il a dû s'effacer au profit de sa fille, qui n’avait pas été compromise et pouvait donc reprendre les thématiques économiques et sociales, chères à cet électorat. Plutôt Jaurès que Thorez, c'est Jean-Marie Le Pen qui l'a pensé, et c'est Marine Le Pen qui l'a dit dans les meetings. Et c’est ainsi que petit à petit, le FN est rentré dans le vote populaire, se réclamant même d’être devenu le 1er parti ouvrier de France.
Toutefois, même si l'on peut considérer que cette incursion du FN dans l’économie et le social était sincère - et je ne doute pas qu'elle le fut pour nombre de ses électeurs -, celle-ci fut paradoxalement contrecarrée par ... l'UMP.
La présidence de Nicolas Sarkozy se distinguera probablement par l’utilisation systématique des sujets de prédilection de l’extrême droite, à savoir le nationalisme identitaire, les thèmes de l’immigration et de la sécurité. Nous avons eu le fameux discours de Dakar qui a donné le ton, suivi par ce débat indigne sur l’identité nationale, la chasse aux Rroms, la burka, la loi sur le voile islamiste et bien d’autre encore jusqu’à l’apothéose qu’a constitué le débat sur la viande halal et l’affaire Mérah pendant cette campagne électorale.
Depuis le début de la campagne, nous avions une situation baroque. En même temps que le FN faisait au moins mine d’innover avec un discours économique et social, le président candidat et son parti ramenait sans cesse les thèmes identitaires, religieux et sécuritaires au-devant de la scène. Il était aidé en cela par une presse toujours très prompte à aborder le sujet. C’est ainsi que le FN, mais pas seulement eux, furent inaudibles sur les autres thèmes qu’ils tentaient d’aborder.
Dès lors, la question que l’on peut se poser concernant le 1er tour, c’est – dans le contexte de la crise que nous vivons et avec les boucs émissaires désignés parmi les traditionnels de l’extrême droite – pourquoi le FN n’a-t-’il pas fait un score encore meilleur ?
La réponse tient en deux éléments : la crédibilité du FN, et le retour de la Gauche de combat.
Le FN ne peut structurellement pas être crédible dans les thèmes économiques et sociaux. D’un côté, il désigne les immigrés, les étrangers, les musulmans comme étant une source importante de problèmes, ou pour le dire autrement, il désigne la strate la plus pauvre et opprimée de la société Française. Et simultanément, il désigne l’establishment, la finance, les banksters dans son nouveau discours économique. Pour le formuler autrement, le FN a comme ennemi à la fois les faiseurs de crise, et ceux qui la subissent le plus durement. Cette contradiction existe dans toutes les extrêmes droites, qui à un moment donné est amené à faire un choix entre les deux. L’histoire a montré que quand elle arrive au pouvoir, l’extrême droite fait systématiquement le choix des plus forts au détriment des plus faibles, et c’est d’ailleurs bien pour cela qu’il s’agit d’une droite.
Et le second élément justifiant ce score finalement pas si exceptionnel du FN, c’est le retour de la vraie Gauche, celle qui n’a pas fait de virage idéologique vers la droite. Celle-là n’a pas d’ambiguïté sur son adversaire, l’ordo libéralisme à la sauce Européenne et le petit 1% le plus riche de la société. Et malgré une presse bien décidé à les passer sous silence, cette Gauche de combat a su imposer un certain nombre d’idées, notamment grâces à ses mobilisations publiques exceptionnelles. Elle a aussi amorcé une réconciliation de la Gauche dans son ensemble avec l’électorat populaire. Ainsi cela a peut-être aidé M. Hollande à déclarer que « Mon seul ennemi, c’est la Finance », et évoquer une tranche d’imposition sur le revenu à 75%
Le paradoxe est que même si cette gauche a déçu par rapport aux espoirs qu'elle a suscité, elle s’est installée dans le paysage politique Français, avec de la crédibilité sur des thèmes qu’elle a toujours porté, et un adversaire à combattre unique et cohérent avec son modèle.
Mais le fait réellement marquant de ce premier tour, c’est l’inversion du spectre politique à droite. Il est évident depuis Lundi que l’UMP de Nicolas Sarkozy, représente maintenant la droite la plus extrême en France, reprenant tous les thèmes que le FN avait essayé de passer au second plan, derrière les questions économiques qui étaient-elles validées par la crise.
Il nous faut faire maintenant un choix, le choix de l'ennemi. Cette élection du 6 mai sera la désignation de cet adversaire que les Français auront à combattre.
Pour le Parti socialiste, – au moins dans le discours – c’est la finance, les puissances de l’argent à qui il faut s’en prendre. Certes, le Front de Gauche aurait été plus crédible dans cette tâche, mais les Français en ont décidé autrement.
Pour l’UMP, enfin plutôt pour un Nicolas Sarkozy en pleine fuite en avant extrémiste, l’ennemi c’est les assistés, les profiteurs d’aide sociale, les chômeurs « fainéants », les étrangers, et pris dans un sens très large la part la plus pauvre, la plus faible, la plus touchée par la crise de la population Française.
C'est pourquoi lors de cette élection le 6 mai, nous choisiront de nous en prendre aux plus faibles en votant UMP, ou aux plus forts en votant PS.
Quelles que soient les réserves que l’on puisse émettre sur la sincérité et la crédibilité du PS, et sur l’issue de cette élection, nous ne pourrons faire l’économie de combattre la finance et le libéralisme, qui aujourd’hui sont effectivement les plus fort, mais avec déjà un genou à terre.
C’est le bon moment, Le 6 mai, ne nous trompons pas de vote.