Chômage, semaine de 4 jours avec une portion du capital productif…
Inexorablement les restructurations d'entreprises, les plans sociaux, se succèdent. Mois après mois, la cohorte des demandeurs d'emplois se fait de plus en plus importante et les perspectives dans ce domaine sont particulièrement sombres. "Trois millions d'emplois vont être supprimés en France d'ici à 2025 à cause des robots, telle est la prédiction de Roland Berger Strategy Consultants, une société internationale de conseil stratégique" (lien ). Le progrès technique fait que les machines et l'informatique chassent (libèrent ?) les travailleurs des ateliers.
http://fr.locita.com/societe/la-machine-est-elle-lavenir-de-lhomme-114594/#sthash.gJ6Tsgrx.dpbs
La productivité est au plus haut, mais devant un marché anémié, la production stagne. Ceux qui travaillent encore doivent toujours travailler plus vite, plus intensément et plus longtemps (pour tenter de sauver leur retraite). Dans les nouvelles embauches, les contrats à durée déterminée sont de plus en plus nombreux ( 84 % des embauches) et de plus en plus courts ( la moitié est de moins de dix jours). Face à cette intermittence entre un l'emploi et l'inactivité subie, le déficit de l'assurance chômage, dont les cotisations sont adossées sur les seuls salaires, augmente et, pour le combler, on ne trouve rien de mieux que de diminuer l'aide allouée aux chômeurs et aux intermittents, plongeant dans la précarité des milliers de travailleurs. Les chômeurs sont de moins en moins bien indemnisés ( plus du tiers ne perçoit aucune indemnité, plus de la moitié touche moins de 500 euros ). Dans le même temps la rémunération du capital s'envole ainsi que les émoluments des dirigeants. Les entreprises au lieu d'investir, distribuent le cash aux actionnaires. Pour couronner le tout, les politiques "accommodantes" des banques centrales de ces dernières années n'ont servi qu'à augmenter artificiellement le prix des " actifs" ( actions, immobilier, oeuvres d'art), ce qui n'a profité qu'à ceux qui détenaient déjà un patrimoine.
Le milliardaire Warren Buffett a résumé parfaitement la situation dans laquelle nous sommes : « Il y a une guerre des classes ,c’est vrai, mais c’est ma classe – celle des riches- qui mène cette guerre, et c’est nous qui la gagnons » .
Comme on voudrait nous le faire croire, n'y aurait-il pas d'alternative à cette constante dévalorisation du travail salarié ? Il est temps de se réveiller et de mobiliser toute notre énergie à contribuer à inverser ce rapport de force qui est, pour l'instant, très défavorable aux travailleurs.
Le partage du travail avec l'instauration de la semaine de 4 jours ( 28 heures hebdomadaires)( lien ) ( lien) permettrait de lutter efficacement contre le chômage et le sous-emploi.Toutes les études le montrent et les conséquences de la loi sur les 35 heures le révèlent aussi malgré ses limites, de nombreux préjugés et les dénégations de beaucoup d'experts.(lien)
Mais pour que ce partage se fasse à la fois sans diminution des revenus déjà anémiés des salariés et sans surcoût pour les entreprises qui emploient beaucoup de main d'oeuvre, il faut l'accompagner avec l' allocation d'un dividende social universel, financée par une cotisation sur les salaires et sur la rémunération du capital de l'entreprise qui prend de plus en plus d'importance.
Dans un article précédent nous avons aborder comment le prélèvement d'une taxe sur le patrimoine privé, accumulé au fil du temps et des générations, permettrait d'allouer un revenu d'existence à tous les enfants et d'accompagner les jeunes adultes dans leur éducation et leur formation professionnelle avec une allocation complémentaire d'insertion. Cette mesure ne permettra pas de changer le rapport de force dans le partage de la valeur ajoutée, mais cette mise initiale aidera les générations à venir à se construire et à acquérir les moyens de s'épanouir pour révéler l'ensemble de leur potentiel de création. Et, ce n'est pas la moindre des conséquences, elle contribuera aussi à éradiquer le chômage et le sous-emploi des jeunes adultes qui atteint des sommets dans beaucoup de pays.
Pour mieux partager le temps de travail Il reste à régler différemment le partage des richesses au coeur même du "réacteur" de la création de valeur au sein de l'entreprise.
UNE PARTIE DES REVENUS DU CAPITAL PRODUCTIF DOIT AUSSI ETRE PARTAGÉE
Si la semaine de quatre jours avec un salaire social complémentaire, déconnecté de l'emploi, est une mesure urgente à mettre en place pour lutter efficacement contre le chômage de masse, cette réforme, pour être pérenne, ne peut pas être financée seulement par une ponction de la masse salariale qui s'étiole inexorablement. Une contribution du capital productif, qui prend une part de plus en plus importante dans le partage de la valeur ajoutée ( 1) est impérative.
Depuis les années 80, l'évolution du partage de la valeur ajoutée entre capital et travail dans le processus de création de la valeur tend vers une diminution continue de la part des salaires. Dans une interview au Financial Times (Guha, 2007), Alan Greenspan, l’ancien président de la Federal Reserve Bank, exprimait sa perplexité devant cette « caractéristique très étrange » du capitalisme contemporain : « la part des salaires dans le revenu national aux Etats-Unis et dans d’autres pays développés atteint un niveau exceptionnellement bas selon les normes historiques » Pour la première fois dans l'histoire, les salaires décrochent par rapport à l'accroissement de la productivité.
L'OCDE avance une explication : "Ces trois dernières décennies, la part du revenu national constituée des salaires et avantages accessoires au salaire – la part du travail – a diminué dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE. Ce chapitre, consacré à l’explication de cette baisse, met en évidence le rôle de facteurs tels que la hausse de la productivité et l’accroissement de l’intensité capitalistique, l’intensification de la concurrence nationale et internationale, l’affaiblissement du pouvoir de négociation des travailleurs et l’évolution des institutions de la négociation collective. Le recul de la part du travail est allé de pair avec une augmentation des inégalités de revenu marchand, de nature à mettre en péril la cohésion sociale et à ralentir le rythme de la reprise en cours." (Document de l'OCDE )
Un article de Michel Husson " Le partage de la valeur ajoutée en Europe " développe largement cette tendance. Dans le partage de la valeur ajoutée en France comme dans tous les pays de l'OCDE la part salariale a baissé de plus de 9 % passant de 74,2% en 1982 à 65,1% en 2008. Si celle-ci stagne voire augmente légèrement ( 68 % en 2012 ) c'est à cause de l'augmentation importante, ces dernières années, des salaires les plus élevés.
Mais cette baisse de la part des salaires qui a permis une augmentation du taux de marge c'est à dire des profits, ne s'est pas traduite par une augmentation du taux d'investissement, faisant ainsi mentir l'adage "Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain", En revanche sur la même période la part de la rémunération des actionnaires a augmenté de plus de 5 % en passant de 3,2 % à 8,4 %.
Dans la conclusion Michel Husson indique : "La baisse de la part des salaires n’a pas engendrée un surcroît d’investissement mais une distribution accrue de profits non investis, qui contribue par ailleurs à creuser les inégalités de revenus.". Ainsi c'est bien à une prédation de plus en plus importante des fruits du travail par le capital à laquelle nous assistons. Comme la plupart des prélèvements, en particulier, les cotisations pour l'assurance chômage ont pour assiette la masse salariale, il n'est pas étonnant de voir les déficits de l'assurance chômage se creuser. Plus une entreprise licencie ou plus elle augmente sa productivité par une automatisation accrue de sa production, moins elle contribue à la solidarité et à l'assurance chômage, tout en versant de larges rémunérations aux actionnaires.
Que faire ? Cet article de J.L. suggère une piste : les cotisations chômage sur les salaires, qui pèsent sur le travail, devraient être supprimées et le financement du chômage réalisé par des prélèvements effectués sur les profits. Ainsi les 6,4 % ( 2,4+4 ) de cotisations prélevées sur le salaire brut, seraient remplacés par une cotisation sur le bien nommé Excédent Brut d'Exploitation (E.B.E.) (2 ) ( qui représente en moyenne 32 % de la valeur ajoutée ) dont le taux tiendrait compte du nombre de salariés, de l'équivalent poste en heures supplémentaires et du poids de la rémunération des dirigeants en fonction du salaire médian distribué dans l'entreprise (3).
Ainsi une entreprise avec peu de personnels et un important excédent d'exploitation contribuera davantage que celle qui emploie une main d'oeuvre importante et dont l'EBE est plus faible.
De la même manière le prélèvement sur les salaires bruts de 5,4 % pour les allocations familiales devient inutile avec l'allocation d'un revenu d'existence pour tous les enfants financé par une taxe sur les patrimoines.L'excédent brut d'exploitation s'en trouve augmenté d'autant. Une cotisation basée sur le même mécanisme que celle de l'allocation chômage contribuerait au financement de ce dividende social.
Avec ce dividende et un prélèvement à la source sur le salaire brut se substituant à la CSG et à l'IRPP, il serait possible d'allouer une allocation complémentaire de l'ordre d'un demi SMIC à tous et ainsi d'ouvrir la voie au partage du travail avec la semaine de 4 jours.
Toutes ces mesures, allocation d'insertion pour les jeunes adultes, partage du travail avec un salaire social universel, ferait baisser de façon significative le taux de chômage et permettraient très rapidement de rééquilibrer les différents comptes publics et de dégager des moyens d'accompagnement et de formation pour ceux qui resteraient encore sur le quai des demandeurs d'emploi.
Ces mécanismes de régulation feraient en sorte que la réduction des emplois par la robotisation de la production, en augmentant le taux de marge produiraient le remède au mal causé par l'augmentation le taux des cotisations.En outre la diminution mécanique de la masse salariale de l'ordre de 10 %, due à ce transfert de cotisations de la masse salariale sur l'E.B.E, pourrait, selon les cas, se traduire soit par une baisse des prix et une augmentation de la production ou par une augmentation des marges. Dans tous les cas cela apporterait un bénéfice à l'ensemble des acteurs.
Dans " Misère de la pensée économique" ( fayard ) , Paul Jorion rappelle la proposition de l’historien et économiste suisse Sismondi (1773-1842) : "que tout ouvrier remplacé par une machine bénéficie d’une rente, indexée sur la richesse créée désormais par celle-ci". Deux siècles plus tard, les fruits de l'innovation technologique profitent toujours aussi peu aux salariés.
Ce débat doit être porté sur la place publique afin que le plus grand nombre s'empare de ces idées pour clouer définitivement le bec à tous ces imposteurs au service d'une seule cause : l'accaparement des profits par une petite minorité.
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NOTES :
(1) Valeur ajoutée ( V.A.)
- = valeur de la production finale - coût des consommations intermédiaires
- = ensemble des rémunérations allouées aux facteurs de production
- = salaires et cotisations sociales +rémunération du capital ( E.B.E) +impôt sur la production
(2) Excédent Brut d'Exploitation ( E.B.E.)
- = Rémunération de es équipements ( amortissements)+ rémunération du capital emprunté ( intérêts )+ rémunération des actionnaires ( dividende) +rémunération de l'Etat ( impôt sur les société ) + réserves
(3) 20 est l'écart maximal entre le plus petit salaire et le plus important dans la fonction publique.Il pourrait servir de seuil.
Pour mémoire, pour les entreprises cotées, aux Etats-Unis ce ratio R atteint 354 , en France 104. Outre-Atlantique, l'opération" transparence" lancée par le gendarme boursier, la Securities and Exchange Commission (SEC), fait grincer des dents les patrons américains. L'autorité a en effet proposé en septembre de contraindre les entreprises à rendre public l'écart entre la rémunération du patron et le salaire médian des employés. Cette mesure fait partie des dispositions de la loi Dodd-Frank de 2010 sur la réforme financière. « La réglementation proposée rendra les investisseurs plus sensibles à l'impact de très hauts niveaux de rémunération des PDG sur la performance des entreprises », s'est félicité Brandon Rees, un représentant de la Fédération des syndicats américains AFL-CIO. ( lien )
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