Ces propos n'engagent que leur auteur. Néanmoins, il aimerait beaucoup que vous aussi... vous vous engagiez.
La mort annoncée d’Oussama Ben Laden – ce dangereux barbu de triste mémoire collective – nous a laissé autant songeurs que perdus. Passons outre les questions d’agenda aussi troublantes qu’accommodantes sur l’hypothétique fin d’un personnage malade que l’on a envisagé « décédé » une bonne dizaine de fois au cours de la dernière décennie et sur les malheureuses contre-informations, contre-vérités rabâchées pieusement et en boucle par nos médias, plus communiquants qu’informants depuis trop longtemps, pour nous intéresser à la question qui nous hante « tous »…
…Quel est le nouvel ennemi désormais ? Oublions tout de suite qu’il s’agit encore une fois d’un contre-sens absolu que d’envisager l’épouvantail d’un terrorisme unifié et magnifié par un individu à sa tête. Le terrorisme est une nébuleuse que nos sociétés occidentales contemporaines ont bien du mal à envisager puisqu’elles veulent l’entreprendre à partir de codes culturels qui nous sont propres. C’est par là même une négation de la réalité propre de cet adversaire aussi dangereux que pratique pour convenir d’un contrôle de nos effrayantes masses encore endormies, aux dépens des libertés les plus fondamentales.
Car sans apologie aucune – rien ne me fait plus peur qu’un individu materné de paranoïa possédant le moyen d’ôter la vie, qu’il soit en mission divine ou gouvernementale – les terrorismes se sont développés comme réponse ultime à notre système capitaliste où le grand spectacle est roi et le pouvoir symbolique, sans rival. Comme l’a d’ailleurs expliqué Don DeLillo, ce fabuleux écrivain américain, il y a un curieux lien entre les romanciers et les terroristes. Pour lui qui pensait auparavant qu’il était possible pour un romancier de faire évoluer la société, les fabricants de bombes et d’armes ont pris possession de ce territoire. Ils font des raids sur les consciences humaines ; ce que les auteurs faisaient avant de devenir conventionnels. Ses idées s’avéraient d’ailleurs prophétiques puisqu’il les formulait bien avant la rupture du 11 septembre.
Si DeLillo considère néanmoins qu’il subsiste un pouvoir médiatique en l’art, le sociologue et philosophe Jean Baudrillard va plus loin en attribuant définitivement le pouvoir symboliques aux terroristes – devenus alors artistes transgressifs par excellence au cœur de nos sociétés-spectacles basées sur l’image. Dans celles-ci, la notion de réalité devient bien floue… En effet, les médias concourent à construire un conformisme qui n’a de réalité que parce qu’il est admis comme « allant de soit ».
En reflet à cette théorie, on peut prendre pour exemple la réflexion de Terry Gilliam – réalisateur expatrié d’Amérique oscillant perpétuellement entre les marges – sur le cinéma Hollywoodien et son influence sur la société américaine : « Hollywood est cette usine à rêves, pleine de gens qui sont totalement en dehors de la réalité du pays. Pourtant, ils distillent le rêve de ce que les américains penseraient être de l’Amérique ; et les gens vivent en cherchant à imiter ce qu’ils voient à l’écran, c’est étrange… ». Il est ici influencé par le concept de virtualité de Baudrillard. Pour ce dernier, la société contemporaine a remplacé l’original par le simulacre. Tout n’y est plus que la reproduction d’autres reproductions, laissant à planer le doute sur la notion de réalité en elle-même. Il a notamment développé cette théorie durant la deuxième Guerre du Golfe, où selon lui, les images télévisées avaient fini par prendre le pas sur la guerre véritable.
« Vous êtes une admirable créature. Vous savez plus que vous ne pensez savoir, tout ainsi que vous pensez connaître moins que vous ne connaissez. » Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray.
Reprendre le contrôle du pouvoir médiatique, sortir de la bulle individuelle alors qu’aujourd’hui l’odeur de révolte se répand comme une trainée de poudre – ou est-ce le contraire ?
Cessons d’entretenir la croyance selon laquelle les individus seraient égaux de facto, quand les inégalités de méfaits n’ont jamais étés plus dramatiques que dans les pernicieux voiles de fumées que l’on appelle « méritocratie », « démocratie du mensonge » ou cirque de la bêtise humaine pour d’autres. Dites ça au pauvre chaland bercé de fables nationalistes nauséabondes, vivant dans la hantise qu’un dangereux immigré assisté jusqu’au mécénat vienne lui voiler la face, ou à sa victime qui ne trouvera pas de travail aujourd’hui, puisque son adresse n’a pas la bonne odeur, et ils vous riront au nez – non pas de ce rire jaune grâce auquel nous noircissons les pages mais de celui qui sait que le privilège existe, même s’ils se trompent de colère.
Que certains vivent dans de meilleures conditions, aucun doute, mais est-ce là qu’il faut chercher le poids d’une vie faite de fatalité ? Seul le mensonge communément pratiqué et l’égoïsme pour étendard permettent de se distinguer avec prétention puisqu’il est de triste habitude d’envisager la vie sur l’échelle de la réussite. Mais de quelle réussite parle-t-on ? De celle financière ou de celle d‘accepter sa misère ? Il est tout simplement possible que l’existence patenté de cette fange d’animaux passablement plus évolués que la moyenne dans sa capacité à mener à bien son autodestruction génocidaire confinant au suicide troupier n’ait aucun sens.
Seule, dans ce One MAN Show, la conscience lacunaire de soi peut amener à cette forme d’acceptation malade que l’on appelle « le bonheur » – qui, soit dit en passant, n’a que la tiédasse valeur que l’on distingue dans le regard de l’autre. Et quand la sérénité du quotidien provient d’une foi inébranlable – d’un branlant fort modique –, de l’aspiration en une vie meilleure dans l’âpre après, n’est-ce pas un signe que tout est raté, puisque l’on n’attend que de tout pouvoir recommencer ?
Avoir trouvé la quiétude dans un paquet cadeau de bonnes paroles tombées du ciel ou avoir vogué, coulé, toussoté pour la trouver ?
La solution ? Disparaître de soi, disparaître ici, ou ailleurs ?
« Si nous voulons un monde meilleur, on ne devra pas seulement combattre dans les rues, on devra aussi combattre nos pulsions afin de mieux les utiliser. une comparaison pour t’éclairer : si une femme a les doigts de pieds sales, il y a fort à parier que sa chatte le sera tout autant. d’où il ressort qu’avant de mettre ta main au cul d’une nana, il vaut mieux lui demander de retirer ses pompes. » Charles Bukowski
Ghk
Sources : mémoire d'histoire politique et culturelle, L'Oeuvre de Terry Gilliam, de la culture underground des années 1960 à nos jours, itinéraire d'un rêveur compulsif. Gregoire Haska
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Bonjour, « Hollywood est cette usine à rêves, pleine de gens qui sont totalement en dehors de la réalité du pays. Pourtant, ils distillent le rêve de ce que les américains penseraient être de l’Amérique ; et les gens vivent en cherchant à imiter ce qu’ils voient à l’écran, c’est étrange… » en un mot cela ne se nomme pas aussi popagande ? Merci de votre article qui pose beaucoup de questions
J’appellerais plus ça un « raid sur les mentalités » mais la frontière est infime et dans un sens, le terme de « propagande » pourrait se justifier pour toute une production cinématographique de masse, standardisée et aux relents inquiétants. Il est particulièrement intéressant de se poser la question de la réinvention du rêve américain par ce biais.
En effet, les médias concourent à construire un conformisme qui n’a de
réalité que parce qu’il est admis comme « allant de soit ». et si l’on remplacer médias par société. ddacoudre.over-blog.com
. cordialement.
Le terrorisme est souvent une arme de l’état. De nombreux attentats « sous fausses bannières » ont eu lieux. L’OTAN a fut coutumière du fait dans nos pays durant les « années de plomb ». Voir à ce sujet les excellents articles de Daniele Ganser, historien spécialiste des relations internationales et professeur à l’université de Bâle : « Les guerres secrètes de l’OTAN ». Bien se rappeler en lisant cela qu’il n’y a pas de preuve que les cellules dormantes aient été démantelées....
Pour ceux qui ne voudraient pas lire les longs articles, il y a un documentaire tiré de son travail : « Guerre secrètes de l’OTAN, le doc »