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Accueil du site > Tribune Libre > Chroniques Kabyles : Akli

Chroniques Kabyles : Akli

S'il a été un bel enfant plutôt sage et peu remuant, faisant les délices de sa mère autant que de ses grands-parents, il faut bien avouer cependant qu'il n'a jamais été un élève brillant.
A cela bien des excuses pouvaient être mises en avant.

Son père, marchand primeur ayant hérité de l'affaire florissante des parents de sa femme l'enrôlait systématiquement, tant à l'étal qu'au transbordement des cageots de fruits et légumes chaque jour de marché qu'Allah faisait.
Et ils étaient au nombre de quatre chaque semaine.

Celui-ci avait beau très régulièrement être rappellé à l'ordre par l'instituteur du village qui lui rappelait l'obligation d'envoyer son fils sur les bancs de la communale, rien n'y faisait.
Aussi après maints signalements sans réponse forte de l'administration, l'instituteur avait fini par se lasser et renoncer.
Il accueillait donc Akli au gré du bon vouloir paternel.

Ce qui expliquait qu'en saison basse, Akli a près de 16 ans usait encore ses fonds de culotte en classe de 6ème.
Ses congénères, des galopins plutôt précoces et délurés n'étaient ainsi pas avares de quolibets.
Son âge, sa taille, ses parents... tout y passait.
Car il faut aussi préciser qu'Akli cumulait une autre tare rédhibitoire que ces chenapans utilisait très facilement : Akli était... "arabe" !

A cet instant, je devine votre sourcil froncé, l'oeil éberlué et l'oreille aux aguets.
Aussi une explication aussi brève que lapidaire s'impose.

Si la mère d'Akli était bien une digne fille de Kahina, princesse guerrière, rebelle et insoumise à l'envahisseur et occupant musulman, son père quant à lui avait dans les veines le sang de cet infâme oppresseur félon.
Et comme la politique de l'arabisation forcée faisait rage en cette contrée de résistance, du coup seul le berbère ou le français était toléré.
Akli qui parlait autant la langue de sa mère que celle de son père était ainsi un parfait suspect, bouc-émissaire d'une politique gouvernementale à laquelle il n'entendait rien, mais qui en subissait les contre-coups, à son corps défendant.

Cependant, comme il était d'une grande placidité et pour tout dire un jeune homme de tempérament charmant, la bande de chenapans un peu brigands avait fini par l'adopter.
Il faut aussi avouer qu' Akli possédait un joker personnel, à nul autre pareil.
Un atout de taille qui à leurs yeux de gamins prépubères, valait tous les laissez-passer.
Dame Nature qui l'avait généreusement doté, venait de lui fournir l'occasion d'avoir la paix, de devenir même une sorte de meneur.
Et c'était bien logé derrière la braguette de son pantalon que se trouvait sa divine revanche.

Il n'avait pas fallu attendre longtemps pour que la gente masculine, c'est à dire tous les mâles du collège s'aperçoivent qu'il avait logé là entre les cuisses, le sexe le plus gros et grand qu'ils n'avaient jamais vu.
Et la nouvelle s'était répandue comme une trainée de poudre.
La taille de son "zob" ou "tazaka" était inversement proportionnelle à la hauteur de ses résultats scolaires.
Ce qui était tout dire !

Un tel atout ne pouvait être ignoré.
L'adoption fut donc générale du côté des sacripants et Akli était devenu le symbôle porte-bonheur de tous ces galapiats quelque peu dessalés.
C'est ainsi que nul n'avait pu comparer ses "talents" à ceux d'Akli sans repartir honteux sous les lazzi virulents de notre mâle équipée.

Il faut avouer qu'ils s'étaient inventés des jeux à couvrir d'écarlate le front de leurs nobles mères.
Les pères un peu moins...
Galvaudant par monts et par vaux, les après-midi libres ou fériés, ils se livraient ainsi dans les montagnes de leurs ancêtres à des comparaisons anatomiques dûment mesurées, millimètrèes, centimètre de couturière dérobée dans le panier d'une de leur génitrice, en main.

Avec le temps et l'usage, ils s'étaient aperçus que l'objet de toute leur attention roidissait entre leurs doigts.
Le concours consistait dorénavant à ce que les attributs de tous ces jeunes insolents deviennent les plus proéminents et turgescents possibles, sous l'action combinée de la pression et du va et vient rapide de leur main sur leur sexe dressé, rendant ainsi clairement hommage au Dieu Priape !
Ah les mécréants !
La quantité de stupre était aussi finement mesurée que la distance à laquelle elle était projetée.

Et comme rien ne se perd en ses monts Djurdjura, où la solitude n'est qu'apparente, des paires d'yeux n'avaient rien manqué du spectacle, et rapporté comme il se doit aux auteurs des jours de ces malappris, les tribulations et turpitudes de leurs rejetons.

Les pères étaient ravis et fiers, mais n'en disaient rien feignant la colère, en riant sous cape.
Les mères impassibles, yeux réprobateurs et furibards n'en éprouvaient pas moins quelques réconforts : elles en avaient faits des "hommes ".

Les filles quant à elles, supposées ne rien savoir des frasques de leurs homologues masculins étaient à la fois déconcertées, et curieuses de découvrir les objets du délit.

Pour l'heure, il n'en était pas question.

Bien entendu, le temps de l'adolescence passa aussi fugitive que le souffle d'un enfant sur l'aigrette d'un pissenlit.
C'est ainsi que la jeunesse s'écoule comme les "plumes" translucides de cette fleur, virevoltant au gré du vent dans la transparence des rayons de l'astre du jour.

La vie s'écoula donc, et chacun s'éparpilla au gré des mésaventures de la vie.
Certains échouèrent après leurs études à la capitale : Alger.
D'autres essaimèrent jusqu'au Canada, en Afrique du Sud et même pour l'un d'entre eux en France.
D'autres ne réchappèrent malheureusement pas aux années noires-sang des égorgeurs.

Akli, lui, resta comme il se doit au village.
Il hérita bien entendu de la petite entreprise familiale et continua le labeur de ses père, grand-père et arrière grand-père.

Il exerce d'ailleurs toujours ce métier.

L'un de ses compagnons de jeunesse le retrouva donc à sa place sur le marché l'été dernier.
Il y vantait aux chalands amusés quoiqu'écrasés de chaleur la qualité et la fraîcheur de ses fruits et légumes.

Tout heureux, il se jeta dans les bras de son ami Le Parisien ( c'est ainsi qu'il le surnommait désormais) lui demandant maintes nouvelles des uns ou des autres.
Après les palabres d'usage, il regarda son ami d'un air pénétré et lui demanda quelle était cette si délicate et ensorcelante odeur qui émanait de lui et lui chatouillait si délicieusement les narines ?
A n'en pas douter nombre de jouvencelles de sa connaissance. en tomberaient en pâmoison. 

Ce à quoi le Parisien lui répondit que c'était le cadeau d'anniversaire que sa compagne lui avait fait, un parfum de marque dont on ne trouvait en ce pays que des ersatz de copies et qui valait bien cher pour le revenu moyen d'un algérien.
Akli ne s'en laissa cependant pas conter.


- " Allez, dis-moi, combien il coûte ? Je peux me l'offrir tu sais..."

- " Combien ? Ah tant que çà ? Mais dis-moi, je vois que tu reviens de la mosquée, tu y as pris ta douche(*) à ce que je vois, donc tu as ton parfum dans ta trousse de toilette, allez, là, sois gentil, laisse-moi en mettre un peu juste là dans mon cou, elles adorent toutes çà..."

- " Mais...Ta femme va te faire une scène de jalousie terrible !"

- " Ben justement, comme cela elle ne me laissera pas tranquille de la nuit, toi tu t'en fous tu te tapes l'un des plus beaux culs de Roumia qui soit, alors..."

A ce moment particulier il me faut bien vous divulguer une autre "qualité" essentielle d'Akli : Il ne peut s'empêcher de commenter, admirer, siffler, vanter, louanger ce qui lui plaît.
Et les derrières des femmes, dodus et fessus à souhaits faisaient l'objet de toute son attention.

- " Bon tu l'auras voulu..." lui répliqua le Parisien en lui tendant le flacon du précieux liquide.

Akli s'aspergea copieusement du parfum, un élixir d'amour, disait-il.
Et recommença à vendre ses fruits, des bananes en particulier.


- " Elles sont belles et bonnes mes bananes, bien douces et sucrées au palais des belles, bien vertes et de belles tenues pour les messieurs, achetez mes bananes, arrosées au Givenchy..." clâmait-il en les tenant en main tout en leur faisant faire des mouvements de va et vient d'avant en arrière, décochant un clin d'oeil complice au Parisien qui poursuivait sa route et s'éloignait.

Les femmes se retournaient en souriant, tandis que le visage des hommes se crispait.
Le secret était depuis bien longtemps éventé.
Et nombre d'entre elles avaient vérifié...

* La mosquée en Kabylie est le plus sûr endroit, pour les hommes, d'y trouver de l'eau et de s'y doucher, même lors des périodes de pénurie endémique d'eau... 


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12 réactions à cet article    


  • Circé Circé 8 novembre 2014 19:49

    Bonsoir Constant Danslayreur3 :

    Je connais bien aussi la Kabylie. Et sans tout vous dire, cela fait maintenant plus de 10 années que j’y vais très régulièrement. La photo qui agrémente ce billet a été prise par moi-même. C’est le Mont Djurdjura.

    Il est vrai qu’en Kabylie, les femmes ne fréquentent pas ou très peu le marché. Ce sont les hommes qui le font majoritairement. Quant à l’anecdote, pour à peine exagérée qu’elle soit, elle est véridique. Bien évidemment, ni nom de ville et prénom changé.


  • Circé Circé 8 novembre 2014 20:35

    Constant Danslayreur3 :

    Si vous saviez ce qui s’y passe en réalité... Ne soyez pas naïf, et pour être très directe, comme pour toute l’Algérie sans exception, je vous assure, je n’y ai jamais vu autant de prostituées, de buveurs d’alcool, de fumeurs de ganja, malgré toutes les interdictions. Et bien évidemment, il y a ce qui se passe le jour, et ce qui se passe la nuit.

    Mais croyez-moi, les coureurs de jupon, les maris ou femmes infidèles, c’est comme partout. Les codes sont différents c’est tout. J’espère ne pas vous choquer. C’est aussi cela l’Algérie, et la Kabylie.


  • Circé Circé 8 novembre 2014 20:38

    Constant Danslayreur3 :

    Que je vous fasse sourire, ce billet que je publie sur d’autres sites, vient d’être censuré par le NouvelObs pour...« prosélytisme religieux » !


  • Circé Circé 8 novembre 2014 21:16

    Merci pour cette belle crise de rire, Constant Danslayreur3.

    Entre village et grande ville, évidemment. La mienne n’est pas spécialement un village et situé en petite Kabylie, là où il y a à son entrée un certain Massinissa...

    Bon Dimanche.


  • volpa volpa 8 novembre 2014 17:58

    Bizarre cet article.


    • Circé Circé 8 novembre 2014 19:45

      Bonsoir Volpa :

      « Bizarre, vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre ... »

      Plus simplement, ceci n’est qu’un exercice d’écriture et en rien un article informatif. C’est donc un billet à visée humoristique sans prétention aucune. Bonne soirée à vous.


    • volpa volpa 8 novembre 2014 21:24

      Bonsoir CIRCE,

      Je n’avais pas saisi le but.


    • Circé Circé 8 novembre 2014 21:33

      Il est vrai que sur Agoravox sont plus publiés des articles de fond sur des thèmes différents.

      J’en ai fait un il y a peu sur la condamnation d’une femme à 10 années de prison. En ce moment j’ai envie d’écriture, sans doute parce que cela me permet de retrouver un peu de sérénité.

      Bon dimanche à vous.


      • popov 9 novembre 2014 14:17

        @l’auteur

        Article bien écrit et agréable à lire.

        Et qui évoque mine de rien des thèmes plus sérieux comme celui de l’émigration et de l’arabisation (certains disent arabaisage) de la Kabylie.


        • Circé Circé 9 novembre 2014 17:03

          Bonjour Popov,

          Vous avez parfaitement raison. L’arabisation forcée a été une très grande erreur. Sous prétexte de vouloir unir différents peuples par une seule langue, cela a déclenché de nouveaux antagonismes, notamment chez les berbérophones et peuples Amazigh, dont les Kabyles qui ne se sont pas sentis respectés, alors qu’ils et elles avaient largement payé leur tribut à la libération et à l’indépendance de l’Algérie.

          Lorsque je suis arrivée en Algérie la première fois, le berbère n’avait pas été reconnu comme langue. Celles et ceux qui le parlaient devant les autorités risquaient des peines de prison. et les pancartes qui indiquaient les lieux des localités étaient en deux langues : français et arabe. Et très souvent effacé à coup de peinture pour la seconde langue.

          Depuis les choses ont un peu changé. Les panneaux indiquent les localités en trois langues au lieu de deux auparavant, mais il n’empêche, les enfants parlent le berbère jusqu’à leur entrée à l’école à l’âge de 6 ans où tous les cours sont dispensés en...arabe.


        • cedricx cedricx 10 novembre 2014 14:35

            « Sous prétexte de vouloir unir différents peuples par une seule langue, cela a déclenché de nouveaux antagonismes, notamment chez les berbérophones et peuples Amazigh »


          Vous voulez rire, si vous connaissez l’Algérie vous aurez donc constaté que les algériens sont un peuple extraordinairement soudé avec pourtant des populations aux cultures, dialectes et langues diverses mais qu’entre eux ils n’ont pas besoin de l’arabe littéraire pour communiquer, la Deridja, l’arabe algérien est partagé et compris par tous par contre il devient incompréhensible pour un moyen oriental, les algériens sont à l’origine majoritairement berbère, les berbérophones se retrouvent aujourd’hui principalement en Kabylie, dans les Aurès et plusieurs autres régions, le choix de l’arabe littéraire comme langue nationale est effectivement critiqué par de nombreux intellectuels qui auraient préféré voir consacrer la Deridja, langue du peuple.

          • Circé Circé 10 novembre 2014 14:48

            Bonjour Cedricx :

            Un Peuple soudé ? Sur un territoire, sans aucun doute, je vous l’accorde volontiers, encore que, les Amazighs ne seraient absolument pas d’accord avec cette assertion, car sur la politique menée sur ce territoire certainement pas. C’est comme si vous éludiez les luttes du MAK par exemple, de Mr Ferhat Mehenni et pour ne citer que celui-ci. Je vous passe les différents mouvements islamistes et autres. Et les 10 années noires des égorgeurs qui ont laissé des traces indélébiles sous couvert d’une politique nationale de réconciliation ubuesque.

            Mais je crois, que ce n’est pas le lieu : un commentaire au bas d’un billet qui n’avait pas d’autre objet que de faire sourire et pas de débattre ici, et maintenant et en ce lieu, de tout cela. Merci pour cet échange.

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