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Accueil du site > Tribune Libre > Chute du mur : un bien pour le mal

Chute du mur : un bien pour le mal

Après la chute du mur de Berlin la révolution néolibérale allait se déchaîner comme au bon vieux temps de Charles Dickens.

 

"Le libéralisme est aussi dangereux et conduira aux mêmes excès que le communisme". Jacques Chirac, entretien avec Pierre Péan, "L’Inconnu de l’Élysée" (Fayard).

 

De l’avis de tous la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, restera comme le symbole d’une des plus grandes victoires de la liberté sur l’oppression et la tyrannie. Selon un raccourci souvent employé, "à cette date les peuples de l’est européen, maintenus en esclavage sous le joug soviétique depuis la fin de la seconde guerre mondiale, basculèrent gaiement dans le monde libre"*. A eux les joies du pluripartisme, de la liberté de la presse et d’expression. Comment ne pas s’émouvoir face à une telle conquête ?

 

UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME


MurdeBerlin002.jpgMais ce qui fut, à l’époque, une réelle avancée pour la moitié de l’Europe s’est ensuite avéré être une catastrophe globale pour le reste du monde. Le modèle soviétique, proprement assassin, notoirement imparfait et parfaitement liberticide, n’en constituait pas moins une alternative au capitalisme. En conséquence, et tout au long de la guerre froide, l’hypothèse d’une révolution communiste mondiale n’aura jamais cessé de hanter les esprits des gouvernants occidentaux et de leurs amis banquiers et industriels. Souvenons-nous des chars Russes qui devaient défiler sur les Champs-Elysées après l’élection de François Mitterrand... On en tremblait jusqu’à Neuilly-sur-Seine.

Pour étouffer les pulsions les plus primales des peuples de l’ouest (solidarité, fraternité, progrès social) le capitalisme, placé de fait en concurrence, dut donc réfréner ses ardeurs et accepter - horreur ! - de partager une partie du gâteau avec ses serfs. Le communisme d’obédience stalinienne, bien que douteux, avait en effet une fâcheuse tendance à conquérir des parts de marché en séduisant des clients devenus trop mécontents. Telles sont les lois de l’offre et de la demande.
C’est la mort dans l’âme que nos amis les riches durent accepter le principe de l’Etat providence et son cortège de couleuvres à avaler. Sécurité sociale, congés payés, droit du travail, furent pendant cinquante longues années des plats bien indigestes. Salaud de Keynes !


RETOUR AU XIXe SIECLE

MurdeBerlin_Reagan.jpgEt puis, un soir de novembre 1989, le mur est tombé. Soudainement, et presque sans crier gare, l’entreprise soviétique déposait le bilan et offrait de fait une position de monopole à la Pognon & Brothers Cie. A l’ouest les tenants de la bourse pouvaient enfin s’éclater. La révolution néolibérale, qui procède du pire capitalisme du XIXe siècle, celui de Zola, allait se déchaîner comme au bon vieux temps de Charles Dickens.

La fin de l’état social était actée, les services publics condamnés, le droit du travail substitué à celui du droit privé ordinaire (droit inégalitaire), les logiques marchandes dans tous les secteurs généralisées, les acquis sociaux liquidés et surtout, les milliards générés par le travail et l’économie réelle engloutis sur les places financières au profit d’un nombre infinitésimal de nantis ultra-riches. Jusqu’à l’absurde d’un Madoff ou d’un Kerviel, jusqu’à l’obscène d’un Bush ou d’un Sarkozy, jusqu’à la crise de 2008, jusqu’à l’effondrement récent et lamentable du capitalisme et de ses crapules.



ABATTRE L’AUTRE BÊTE

Les vingt ans de la chute du mur de Berlin, aussi réjouissantes soient-elles, célèbreront également nos deux décennies de recul social, d’explosions des inégalités, de crise écologique, de montée des extrémismes. Et puisque le communisme soviétique est mort reste maintenant à abattre définitivement l’autre mur, celui qui empuantit l’humanité, les peuples, leurs cultures, l’Afrique, l’écosystème, l’autre bête immonde : ce capitalisme débridé et dévastateur. "Le libéralisme est aussi dangereux et conduira aux mêmes excès que le communisme".

Rendez-vous dans 20 ans.

 

* La Pologne et les autres pays satellites de l’URSS avaient entamé leur "révolution" depuis des mois, voire des années.

 

 

Peachy Carnehanwww.nordenstar.com


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19 réactions à cet article    


  • Deneb Deneb 9 novembre 2009 10:17

    Article juste, didactique, n’apportant toutefois pas d’elément nouveau sur cette episode de l’histoire recente. Une dictature qui tombe, de façon relativement calme, vu sa puissance, ce fut effectivement une très bonne nouvelle. On notera que la chute de lempire sovietique coincide avec l’avenement d’Internet, que la dictature libérale se revèle naturellement incapable de controler, c’est donc une double victoire pour les humains épris de liberté. Je ne sais pas si l’armée americaine, qui a relaché le protocole TCP-IP dans la nature se rendait à l’epoque vraiment compte du monstre qu’elle a livré au peuple. Il serait cependant interessant de savoir si la chute de l’URSS y est pour quelque chose dans l’apparition du Réseau.


    • Bardamu 9 novembre 2009 10:50

      Certains en RDA étaient malgré tout plus heureux qu’ils ne le sont actuellement en une Allemagne réunifiée.
      Il faut avoir le courage de le dire.
      Les faux rebelles ont toujours tendance à dénigrer ce que tous déjà rejettent... à enterrer ce qui figure déjà à six pieds sous terre.
      D’autant, qu’à ce rythme, le 21ème siècle pourrait bien voir dans le marxisme un horizon indépassable, donnant raison à Sartre qui, pour une fois, pourrait s’affirmer perspicace ! 

      Ne jetons pas le communisme avec l’eau du bain fangeux stalinien, mais versons sans hésitation, dans les égoûts de l’Histoire, le brouet libéral qui n’offre d’avenir qu’à ses seules élites corrompues !


    • Deneb Deneb 9 novembre 2009 12:15

      Bardamou :« Certains en RDA étaient malgré tout plus heureux qu’ils ne le sont actuellement en une Allemagne réunifiée. »

      J’ai vecu les 20 premieres années de ma vie sous le « communisme ». Encore, en Yougoslavie on a connu l’espèce la moins méchante de cette emprise idéologique et propagandiste sur la vie publique. Pour avoir vecu ça, je peux vous dire que le film « La vie des autres » est extrèmement réaliste et illustre bien de quelle manière pouvait-on être heureux dans ce regime : en gobant et en repercutant la propagande, pas par conviction, mais par opportunisme. Nombreux se sont pris à ce jeu. A la fin de 1984 d’Orwell, W. Smith aime le Big Brother. Voyez le film « Good bye Lenin » et vous comprendrez peut être un peu plus pourquoi tant de gens se sont fait avoir par leurs mensonges propagandistes. Ceux qui étaient plus heureux en DDR, ce sont les apparathikes, ils étaient très nombreux. Mais il fallait hurler avec les loups, et tout le monde n’avait pas le coeur à ça.


    • Loan 9 novembre 2009 13:13

      Deneb, j’approuve ce commentaire mais « en Yougoslavie on a connu l’espèce la moins méchante de cette emprise idéologique » c’était déjà pas mal. Les opposants exécutés même à l’étranger par l’UDBA, l’espionnage des voisins encouragés, tous les bons postes raflés par les membres du Parti, etc...


    • Bardamu 9 novembre 2009 13:52


      @Deneb :

      Croyez-vous que tout le monde soit heureux en régime libéral ?
      Là aussi, des gagnants... extatiques bobos, et sinistres collabos.
      Là aussi, des perdants : Sdf et précaires, moches sans fric qui voient les femmes les délaisser pour des crétins nantis.
      Pas mieux, non ?

      Quant à 1984, lisez Michéa qui en parle fort bien.
      Et explique qu’Orwell n’a affublé Big Brother d’attributs staliniens -dont la fameuse moustache- que pour mieux faire accepter un livre, auparavant refusé, qui, de fait, dénonce encore plus le libéralisme en gestation qu’un communisme terrifiant.

      Pour exemple, ces enfants rois, petits voisins de Winston qui préfigurent les enfants tyrans et parfois délateurs -Outreau !- qui font florès désormais en nos terres libéralisées.
      Oui ! et la novlangue est avant tout le langage technocratique de nos communicants actuels !
      L’information brûlée juste après sa parution, il me semble que nous l’avons déjà, non ?
      Oui, que restera-t-il de l’affaire Polanski demain, pour ne citer que celle-ci ?
      On peut se croire intelligent et avisé, tout-puissant car ayant accès au monde, à ses supposées vérités divulguées, et n’en être pas moins... très conditionné !


    • Bardamu 9 novembre 2009 13:55

      Sinon, Deneb, le personnage célinien, c’est Bardamu, non Bardamou et son voyage au bout de la nouit !
      Tu m’as l’air bien espiègle pour un polytraumatisé !


    • Bardamu 9 novembre 2009 10:37

      Merci pour l’article -perspicace !

      Les seuls à se réjouir de la chute de pareil mur, à la fêter, sont bien les élites mondialisées qui y voient le symbole d’un laisser-faire, d’un laisser-aller,d’un laisser-détruire !
      Les peuples, quant à eux, y sont bien indifférents !

      A force d’être Gros-Jean comme devant, à défaut de se rendre intelligent et avisé, le quidam reste coi, indifférent -mais certes, passif.
      C’est tout de même mieux que de croire aux sornettes journellement serinées par des médias aux ordres, car au mieux, autocensurées.

      L’Histoire est un vaste mouvement d’ensemble, qu’on ne regarde pas par le petit bout de la lorgnette.
      Ce communisme, si critiquable fut-il, n’en demeure pas moins une tentative de s’éloigner d’un destin historiquement sans cesse rappelé à l’ordre : celui de la domination du puissant sur le faible.
      L’expérience s’est révélée désastreuse souvent -pas toujours !-, mais elle eut le « mérite » -et là je mets ce mot entre parenthèses !- d’avoir été tentée.

      Car désormais orphelin de l’Histoire, notre monde n’est plus que traversé d’événementiels -douloureux : Irak, Afghanistan, Palestine...-, qui ne sont plus que les faits anecdotiques et criminels de financiers le dirigeant et agissant par l’intermédiaire de politiques les représentant -leur VRP.

      Et si nous en revenions dès lors à l’Histoire, la vraie, celle de conflits pouvant mener à un mieux -plutôt qu’un Nihil lénifiant et destructeur-, serait-ce, de facto, une si mauvaise idée ?
      Pour exemple, un « crépuscule des élites » dévoyées, inspiré par un peuple excédé ?
      La fin d’un empire décadent qui n’est pas sans rappeler celui d’un Rome antique !


      • titi titi 9 novembre 2009 13:08

        « L’expérience s’est révélée désastreuse souvent -pas toujours !-, »

        Pouvez vous m’indiquer à quoi vous pensez concernant le « pas toujours » ?


      • Massaliote 9 novembre 2009 13:16

        Comme titi, le « pas toujours » m’intéresse.


      • Bardamu 9 novembre 2009 14:01

        @Titi :

        Comme le dit si justement l’auteur, l’Etat Providence est un concept d’inspiration communiste, un entre-deux, un consensus alors, qui a fait beaucoup d’heureux chez nous.
        Alors, que d’un autre côté, le pire du libéralisme est à venir... vous verrez ! 
        A vous faire regretter un communisme pas forcément sympathique, j’en conviens, ce futur-là !
        Mais, pareille idéologie collectiviste ne pouvait être que pervertie, non ? car initialement trop équitable !


      • titi titi 9 novembre 2009 16:32

        « l’Etat Providence est un concept d’inspiration communiste »
        Celà est faux. L’Etat Providence est un concept d’inspiration Humaniste. Comme le Communisme il partage le même ancêtre, ils sont cousins mais l’Etat providence n’est pas une manifestation du communisme.
        D’ailleurs en France, l’apparition de l’Etat providence, ou du moins les premières tentatives, on les doit à Napoléon III qui est également l’instigateur des premiers traités de libre-échange.

        « le pire du libéralisme est à venir... vous verrez  »
        Pour ce qui est du communisme j’ai vu justement.
        Pour ce qui est du libéralisme j’attends de voir justement... Comme Saint Thomas... Mais dans l’attente celà reste le moins mauvais des systèmes.


      • Bardamu 9 novembre 2009 14:01

        Chère Vilistia ! Hum !


      • tmd 9 novembre 2009 13:09

        Tous les individus qui n’aimeraient pas se retrouver prisonniers dans une ville, dans une région, dans un pays, menacés de mort s’il essaient d’en sortir, ne peuvent que se réjouir de la chute du mur.


        • Le péripate Le péripate 9 novembre 2009 14:27

          Résumé de la théorie.

          Le capitalisme laissé à lui-même est le mal absolu.

          Soumis à la concurrence d’une alternative même mauvaise (mais pas absolument le Mal), il s’amende, redistribue, se socialise.

          Moi j’avais compris que quand le capitalisme était menacé par le communisme, il le copiait et devenait fasciste. Une aporie ?

          Sinon, j’ai bien aimé «  l’entreprise soviétique déposait le bilan et offrait de fait une position de monopole à la Pognon & Brothers Cie ».
          Ce n’est probablement pas un fait exprès, mais c’est pi poil la critique nationale-socialiste du communisme, considéré comme le stade ultime du capitalisme, l’aboutissement de l’homme consumériste uniquement préoccupé du matériel.

          Bref, il faudrait penser à sérieusement dépoussiérer votre logiciel idéologique, il y a un bug... smiley


          • Big Mac 9 novembre 2009 15:46

            « il sembleraient que maintenant beaucoup d’allemands de l’est demandent qu’on reconstruise le mur ! »

            Ah bon pourquoi reconstruire le mur puisqu’ils n’ont plus envie de passer à l’ouest ? Parce que je ne me souviens pas que ce mur ait empêché de gens de passer à l’Est.

            Mais bon si le communisme s’entend si bien avec l’islam, il y a une bonne raison à cela, c’est que tous les deux proposent des modèles théoriques idéaux, mais nous expliquent que la pratique désastreuse est due au fait que le modèle n’a pas été appliqué.

            Ainsi pour un communiste le vrai communisme n’a jamais été appliqué, comme pour un musulman le vrai islam n’a jamais été appliqué.

            Pourtant ces deux modèles sont aussi vieux sinon plus vieux que le modèle capitaliste, ainsi l’islam en 14 siècle n’a jamais vu son vrai modèle appliqué, ce qui défie toutes les lois statistiques.

            Mais comment reconnaitre le vrai du faux ? Le vrai c’est celui qui n’a jamais eu lieu en pratique ?

            Et le capitalisme, pouvons-nous invoquer les mêmes excuses pour lui ou devons nous le considérer comme le seul modèle inexcusable ?



            • Gazi BORAT 9 novembre 2009 16:31

              @MCM

              Pour un expert autoproclamé sur ce sujet, vous êtes plutôt faiblard..

              Lorsque vous dites :

              « ainsi l’islam en 14 siècle n’a jamais vu son vrai modèle appliqué, ce qui défie toutes les lois statistiques. »

              Je vous renverrai aux règnes des 4 Califes « Biens Dirigés » que les intégristes évoquent comme des périodes de gouvernement exemplaire..

              Quant au Communisme, le bloc soviétique et sa dérive bureaucratique ne sont qu’une étape vers l’émancipation du peuple.

              L’échec de la Commune de


            • Gazi BORAT 9 novembre 2009 16:32

              ...Paris n’a pas empêché la Révolution d’Octobre.. Ni que cette expérience dure soixante dix ans..

              gAZi bORAt


            • ELCHETORIX 9 novembre 2009 19:27

              @ l’auteur Mr Peachy Carnehan
              bonsoir et merci pour votre « billet » concernant le sujet de la chute du mur de BERLIN .
              J’adhère complètement à votre analyse qui définie en quelques phrases la situation économique et politique du monde actuel.
              Si vous étes anglo-saxon , je m’aperçois qu’il n’y a pas que les populations du sud de l’Europe pour constater que le « monde » va mal , très « mal »
              Cordialement .
              RA


              • (---.---..) 9 novembre 2009 22:42

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