Cinéma et révolutions arabes

Guerre médiatique, stratégie de la tension, choc des Cultures
« L’innocence des musulmans » est ce long métrage tourné en 2011 sous le titre de “Guerriers du désert“ dont la bande-annonce a fait le tour de la planète en semant moult cadavres sur son passage, surtout au quatre coin du monde islamique ? Et la bourrasque n’a pas encore fini de passer. Réalisé dans la ville de Duarte, à 45 km à l'Est de Los Angeles avec la collaboration d’un copte - originaire d'Égypte - Nakoula Basseley Nakoula, le film de deux heures n’aurait été diffusé qu’une seule fois et devant un auditoire restreint dans sa version corrigée, celle qui prétend décliner la vie du Prophète Mahomet sur les thèmes de l'homosexualité et de la pédophilie [AP et AFP]. Un Mahomet au demeurant assez “christique“ qui n’est pas sans rappeler « La Passion » de Mel Gibson retraçant les dernières heures de la vie de Jésus le Nazaréen… Mais aujourd’hui, avec “L’Innocence de l’Islam“ nous nous situons évidemment aux antipodes infernales de l’œuvre monumentale par son intensité présentée en 2004 au public par l’acteur-réalisateur australien.
Malheur à ceux par qui le scandale arrive
Mais qui se cache derrière le pseudonyme de “Sam Bacile“, le réalisateur supposé du porno “L’innocence des musulmans“ ? La question n’a au fond guère d’intérêt. L’information première voulait que “Bacile“ le bien nommé - ne diffuse-t-il pas des germes éminemment pathogènes ? - soit un israélo-américain, soit un amphibien binational, mi-souris mi-oiseau1. Puis la piste “copte“ a été suivie avec succès, Nakoula s’étant de lui-même rendu dans les services du shérif du comté de Cerritos, banlieue de Los Angeles d’où il est ressorti libre comme l’air - quoiqu’il soit déjà en liberté conditionnelle2 - protégé qu’il est par le Ier Amendement de la Constitution américaine… lequel garantit à tout un chacun la liberté de pensée, d’expression mais aussi de diffamation et d’insultes publiques !
Piste copte immédiatement requalifiée d’extrême droite. Resterait à savoir ce que ce vocable recouvre exactement : sans doute le tout et son contraire ! Car ici, plus que partout ailleurs, la redéfinition des mots s’imposerait d’urgence : n’est-il pas douteux qu’un souverainiste nationalitaire hexagonien se reconnaisse de près ou de loin dans les membres frapadingues des sectes d’Amérique du nord, messianiques, vétérotestamentaires et authentiquement judéo-chrétiennes3 ? Celles qui, le cas échéant, espèrent provoquer le retour du Messie grâce à une mise en œuvre volontariste d’Armageddon, l’Apocalypse, le crépuscule de l’humanité ! Au demeurant, pour être parfaitement honnête, cette inquiétante croyance a également cours dans les hautes sphère mystiques de la République islamique d’Iran ! La guerre : une affaire de fous !
Pour la micro histoire un autre prétendu militant extrémiste copte résidant en Virginie, Morris Sadek - en mal de publicité ? - avait affirmé dès le 11 septembre être intervenu dans la promotion du film par le biais d’un vidéo-clip de 13 minutes en anglais qui circule sur la Toile en fait depuis juillet. C’est Sadek qui aurait communiqué à l’Agence de presse Reuters le numéro du réalisateur “Sam Bacile“… Numéro correspondant au domicile de Nakoula… Lequel Basseley Nakoula, au cours d’un échange téléphonique avec son évêque, aurait a contrario démenti avoir pris une quelconque part à la réalisation du film. N’en demeure pas moins qu’il est maintenant quasiment certain que le film a été propulsé et promu sur la Toile par des “Coptes“ et des Chrétiens évangélistes, antimusulmans forcenés - Qui sème le vent récolte la tempête - tels l’Égypto-américain déjà mentionné Sadek associé au pasteur de Floride Terry Jones, bien connu pour avoir brûlé publiquement des exemplaires du Coran dans une très bonne intention… Une grosse manip apparemment couramment utilisée par des réalisateurs sans scrupules
Intéressant, même si anecdotique, car emblématique de certaines mentalités du landernau hollywoodien, le site new-yorkais de presse en ligne, Gawker Media4, qui a “interrogé des membres de l'équipe de tournage du film Innocence of Muslims“… révèle que “les acteurs auraient été trompés, croyant jouer dans un film de fiction épique pour découvrir ensuite qu'un doublage avait transformé leurs répliques en propagande anti-islamique“ !
Un procédé assez glauque apparemment habituel d’un certain cinéma américain et en tout cas familier au nauséeux pitre à succès Sacha Baron Cohen récemment poursuivi en justice par un épicier palestinien… parce que tout bonnement M. Baron Cohen aurait fait dans le film “Brüno“ [2009] passer le dit commerçant pour un fieffé terroriste… À l’occasion d'une scène tournée en Israël, le dit Baron Cohen, avait jugé expédient de se faire passer pour un journaliste autrichien homosexuel pour sa rencontre avec le naïf épicier Ayman Abu Aita qu'il présentera ensuite dans son film comme un « chef terroriste, membre des Brigades des Martyrs d'Al-Aqsa ». Puis, à l’occasion de la promotion du film, enfonçant le clou, sur le plateau du présentateur vedette David Letterman – ces gens-là sont toujours des “vedettes“, mazeltov ! -, l’acteur parle d'Abu Aita en le qualifiant de “terroriste“ actif. Dans sa plainte, le Palestinien – qui reçoit depuis des menaces de mort - explique qu’être un Chrétien pacifiste, gérant d'une épicerie, ne suffit pas pour trouver grâce aux yeux de gens comme Baron Cohen ! Déjà, après la sortie du film “Borat“, dans lequel Cohen incarne un journaliste Kazakh abruti, raciste et antisémite – l’on n’est jamais si bien servi que par soi-même - le sinistre clown avait eu maille à partir avec des gens abusés par sa phénoménale aptitude à manipuler et tromper les figurants involontaires de ses films. De la même façon et pour les mêmes raisons “Le dictateur5“ son dernier opus ridiculisant un personnage hybride, mixte de Kadhafi et de Saddam Hussein, a été censuré - par pure malveillance ! - en Ouzbékistan et au Tadjikistan. Même procédés déloyaux, même mépris, tout ces films sortent de la même auge à verrats… et font ce pour quoi ils sont faits, semer le zizanie, la confusion mentale et la discorde, la haine et la mort. Ma foi ils y parviennent excellemment !
Dresser les communautés les unes contre les autres… embraser l’Orient et associer l’Occident aux guerres d’expansion et conquêtes de Sion
Rappelons pour ceux à qui cela aurait échappé, les propos de Benoît XVI depuis le Saint-Siège [12 sept. AFP] peu avant son départ pour le Liban : « Le respect profond pour les croyances, les textes, les grands personnages et les symboles des diverses religions est une condition essentielle à la coexistence pacifique des peuples » déplorant « les conséquences gravissimes des offenses injustifiées et des provocations à la sensibilité des croyants musulmans ». Une leçon de vie que nous ne saurions ignorer, à rebours des messages “négationnistes“ de l’espérance qu’émet à jet continu de l’engeance évoquée plus haut !
Durant son trajet aérien s’adressant aux journalistes qui l’accompagnaient6 : « le message fondamental de la foi doit être contre la violence qui est une falsification, tout comme le fondamentalisme »… puis parvenu sur la terre libanaise, Levant, berceau du christianisme : « Le fondamentalisme est toujours une falsification de la religion. La tâche de l’Église et des religions est de se purifier. Cette tâche doit rendre clair que chaque homme est une image de Dieu que nous devons respecter dans l’autre ». Et à propos du drame syrien d’actualité brûlante : « « l’importation d’armes doit cesser une fois pour toutes. Car sans importation d’armes, la guerre ne pourrait continuer ». En effet, faute d’armes point de combattants ! Or qui alimente en armes et munitions la guerre intestine en Syrie ? Songeons en outre que les armes ne sont pas seulement matérielles comme vient d’en administrer la preuve cette “séquence“ vidéo de quelques minutes, tirées d’une “œuvre de l’esprit“ concoctée dans la marmite du diable… En réalité, un bouillon de culture, une arme biologique de dévastation, qui aura diffusé sur le monde un nuage de pestilence à l’instar des nuées morbides de Tchernobyl !
À suivre… où s’arrêtera la tempête ? Quel bilan provisoire ?
Le brûlot a donc atteint son but. Beaucoup attendait au cours de l’année passée une provocation majeure, un attentat spectaculaire, un nouveau Onze Septembre. Il est arrivé au jour dit, mais de façon et en un lieu totalement inattendus… À la veille de la parution d’une nouvelle œuvre “satanique“ de l’apostat Salam Rushdie… narrant ces dix années de clandestinité subventionnées par le contribuable britannique après la fatwa de l’Imam Khomeiny, en 1989, qui le condamnait à mort pour apostasie… et non pour blasphème !
Précisons pour ceux qui se cabreraient à cet énoncé que le crime d’apostasie, rédhibitoire en terre d’Islam, était hier puni avec la même rigueur dans une Europe qui n’avait pas encore renié ses racines chrétiennes. Ajoutons que le crime de blasphème si odieux lorsqu’il est invoqué par les musulmans, existe bel et bien dans notre belle France Républicaine… même s’il a disparu sous ce label précis de nos texte de lois depuis 1791. Les deux lois - Pleven [1er juil. 1972] et Gayssot-Fabius [13 juil. 1990], lois « scélérates » aux yeux du ministre RPR Jacques Toubon - sont-elles autres choses que des lois réprimant les blasphèmes proférés à l’encontre des vérités historiquement révélées ?
On attend que la courageuse équipe de “Charlie Hebdo“ qui publie ce 19 sept. 2012 de nouvelles caricatures de Mahomet – après un premier coup d’éclat en 2006 – s’attaque à ce tabou ! Le feront-ils ? Assurément non. Ces gens sont courageux mais pas téméraires. Habiles commerçants – cette livraison de leur torchon hebdomadaire est tirée, excusez du peu, à 400 000 exemplaires – ils savent pertinemment jusqu’où ne pas aller trop loin dans l’exercice de ce « droit au blasphème » que brandit aujourd’hui l’ancien Premier ministre François Fillon !
Un peu de cohérence Messieurs. Allez au bout de votre raisonnement et rendez aux Français le droit et la liberté de penser et de parler comme ils l’entendent ! Pour aller au bout, précisons que les trois lois – seulement une de plus qu’en Hexagonie - pakistanaises relatives au blasphème - dont la sanction peut être la prison à vie – trouvent leurs sources assez tardivement dans la législation coloniale de la Compagnie anglaise des Indes orientales tout comme le principe de non-violence – la désobéissance civile - mise en œuvre par le Mahatma Gandhi, lui avait été directement inspiré par le philosophe américain Gustav Thoreau dont il avait lu Walden au cours de ses études en Afrique du Sud…
Or, au moment où Washington pouvait se prévaloir d’une récupération réussie des Printemps arabes par le truchement de “mouvements islamistes populistes“ à sa botte, en Égypte, en Tunisie, en Libye et au Yémen, patatras, cette fâcheuse affaire filmique remet le bel édifice quelque peu en question. Cette nouvelle mouture des “Versets sataniques“– le pavé impie de Salam Rushdie paru en 1988 qui lui vaut d’avoir toujours sa tête mise à prix - aura révélé qu’une fois de plus, si les gouvernement mangent dans la main du Département d’État7, les populations arabes, elles, comme au bon vieux des Moubarak et des Ben Ali, continuent avec une virulence renouvelée à refuser la servitude culturelle, morale et politique du Moloch américain. Plus encore, les diverses communautés musulmanes - dans leurs dimensions confessionnelles - se montrent particulièrement réfractaire aux ingérences, pressions et injonctions - voir encadré, critique du film égyptien “Après la bataille“ – visant à transposer le modèle de société ultra permissif que nous connaissons et que nous avons nous-mêmes servilement calqué sur le modèle américain… au demeurant nous en avons pris uniquement les aspects les plus négatifs à l’exclusion du volontarisme et du sens de la responsabilité individuelle qui en font la force de l’autre côté de l’Atlantique !
Enfin…
Le navrant épisode de “L’Innocence de l’Islam“ – exploité en France de façon sordidement opportuniste par quelques mercantis de la fausse contestation sociétale – marque une évidente volonté de pousser à l’affrontement Chrétiens et Musulmans.. tout comme y transparaît les objectifs de violence propres aux zélotes de la thèse du “Choc des cultures“ ! Épisode qui n’a donc rien d’un “accident“ dû à des hurluberlus, pornocrates allumés au point de déclencher des catastrophes involontaires… et que finalement l’on devrait récompenser pour avoir décillé les yeux d’un occident anesthésié quand au démesuré pouvoir de nuisance de l’Islam militant.
Certes le danger existe bien aussi de ce côté-là, mais prenons le temps de voir qui et comment plante des banderilles dans les flancs du dragon. Gardons la tête froide. Observons que cette énième tentative de lancement de guerre confessionnelle intervient après l’échec - patent - de déclencher l’affrontement fratricide entre orthodoxes musulmans, les sunnites, et les chiites hétérodoxes. La récente recrudescence en Irak de terribles attentats revendiqués ou imputables à la nébuleuse al-qaïdistes en dit long à ce propos. Reste qu’en neuf ans d’atrocités continues en Mésopotamie, la guerre religieuse intercommunautaire, malgré les morts et les tensions intercommunautaires, n’a toujours pas éclatée. Les Irakiens on su éviter jusqu’ici ce piège mortel.
Le même schéma s’applique en Syrie, les prémices d’un conflit ethnoconfessionnel sont là : minorités alaouites, chrétiennes et druze contre majorité sunnite, mais les remparts institutionnels, politiques et moraux tiennent bon. Il est également clair que la diffusion tous azimuts de ce film entendait “faire échec à la visite du pape Benoit XVI au Liban“, où le Hezbollah à su tenir ses troupes de façon exemplaire… Terre chrétienne et musulmane où le Souverain pontife venait prêcher à tous et pour tous, la réconciliation, le refus de la violence, l’entente entre Chrétiens et Musulmans d’Orient… un programme qui fait grincer des dents dans les “théocraties“, parlementaires ou non, c’est-à-dire aux États-Unis, en Israël et dans les monarchies wahhabites d’Arabie saoudite et du Qatar !
Notes :
1 – L’auteur du film blasphématoire, “Sam Bacile“, dans un entretien téléphonique du mardi 11 septembre accordé au “Wall Street Journal“ et à l’Agence Associated Press, se présentait comme un promoteur immobilier israélo-américain de 54 ans natif de Californie. Entretien remarquable par son impact car immédiatement et universellement repris et dans lequel il qualifiait froidement l’Islam de « cancer ».
2 – Nakoula Basseley Nakoula, 55 ans, a été condamné en 2010 à 21 mois de prison et cinq années de mise à l’épreuve pour fraude bancaire, après avoir plaidé coupable d’avoir ouvert plusieurs comptes bancaires en utilisant des numéros de sécurité sociale ne correspondant pas aux noms mentionnés sur les formulaires de demande. Remis en liberté en juin 2011, Nakoula était interdit d’usage d’internet et d’utilisation de pseudonymes sans l’accord de son officier de probation. Reste à savoir si le présumé coupable a transgressé ou non violé les contraintes imposées par sa liberté conditionnelle.
3 - D’un côté 34% des Américains appartiennent peu ou prou à des sectes évangélistes : 80 millions dont 42 % se réclament du Parti Républicain. De 10 à 20 millions de ces chrétiens manifestant une sympathie marquée voire inconditionnelle à l’égard d’Israël. Un soutien explicite au sionisme dans toute sa violence fondé sur la conviction que le rassemblement des juifs en Terre sainte est un préalable à leur conversion au christianisme au retour du Christ sur Terre… retour annoncé à la fin du Ier siècle par St Jean de Patmos dans l’Apocalypse. De nombreux sionistes chrétiens sont en outre persuadés de l’opportunité de provoquer Armageddon – la fin du monde et des temps – afin de favoriser l’arrivée du Messie pour les uns, les judéens, et son come-back pour les autres, les judéo-chrétiens !
5 - “Le dictateur“ prétend s’inspirer du roman de Saddam Hussein « Zabiba et le roi » dans lequel le défunt Raïs évoquait sa vision politique du gouvernement à partit des conversations qu’il dut avoir avec sa maîtresse chrétienne. Rappelons que, selon ses gardes du corps catholiques assyro-chaldéens, la représentation de la Vierge figurait en bonne place dans les chambres à coucher du “dictateur“ de confession sunnite qui mettait en pratique avant la lettre la « saine laïcité » que prônait hier Benoît XVI au Liban !
6 – Lire « Le film d’insultes anti-islam vise à provoquer la discorde entre chrétiens et musulmans ». Ghaleb Kandil http://www.voltairenet.org/Le-film-d-insultes-anti-islam-vise . Ainsi que - ibidem - « Benoit XVI au Liban : rejet du fondamentalisme et appel à l’arrêt de l’envoi d’armes en Syrie » de Pierre Khalaf.
7 - La loi interdisant le blasphème au Pakistan a été promulguée en 1986 sous la dictature du général Zia ul-Haq. En fait, bien que son traçage soit difficile à établir, elle puise à la source du droit colonial appliqué par sa Gracieuse Majesté aux Indes. En juin 2006, le Pakistan interdit, en recourant aux lois contre le blasphème, la diffusion du film “Da Vinci Code“, ce pitoyable navet, tiré du roman vicieusement anticatholique de Dan Brown… également rejeté par les Chrétiens pakistanais. Le ministre Gulab Amal Gandoo précisa à cette occasion que « l'Islam enseigne le respect de tous les prophètes du Dieu tout puissant et une dégradation de n'importe quel prophète a autant de portée que la diffamation de tous les autres ». Évitons donc de jeter le bébé avec l’eau du bain !
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