Cinq ans ferme

... Si ce n’est dix ans ferme !
Car la nette victoire de Nicolas Sarkozy tue dans l’oeuf le bel espoir que caressait François Bayrou : construire une nouvelle force politique du centre afin d’apparaître comme une alternative crédible en 2012.
Avec une victoire aussi nette, combien de députés UDF vont rejoindre le Mouvement Démocrate que l’homme du Béarn a décidé de lancer jeudi ?
Pas bézef.
Pour Bayrou, les cinq ans qui viennent risquent fort d’être longs et particulièrement pénibles.
Même s’il ne faut jurer de rien.
On a vu par le passé des retournements de situation autrement plus spectaculaires.
Tenez, ben Sarkozy, justement !
Rappelons que cet homme était politiquement mort après les Européennes de 1999 ...
... Si ce n’est dix ans ferme, car au vu des premières déclarations (grotesques) des éléphants hier soir et ce matin, la rénovation du Parti Socialiste engagée par Ségolène Royal a déjà du plomb dans l’aile.
Le temps que tous ces tristes pachydermes se mettent d’accord sur la nouvelle identité de leur Parti, tout en s’entretuant - leur jeu favori depuis 2002, voire depuis 1995 - comme des hyènes, Nicolas Sarkozy aura déjà fini son deuxième quinquennat et préparé sa succession.
J’en viens même à espérer qu’ils se prennent une énorme rouste aux législatives du mois prochain, ainsi ils n’auraient pas d’autres choix que de se remettre vraiment en question, quitte à faire exploser pour de bon un PS exsangue, triste, et disons-le clairement, inadapté au monde d’aujourd’hui.
Oh bien sûr, Ségolène Royal n’est pas exempte de reproches.
Ainsi, le 26 novembre dernier, lors de son investiture officielle à la Mutualité, elle aura à peine salué ses deux adversaires vaincus lors de la Primaire socialiste, Dominique Strauss-Khan et Laurent Fabius, ratant là l’occasion de rassembler sa famille politique autour de sa candidature.
Ce jour-là, elle a commencé à perdre l’élection présidentielle.
Car on ne peut pas gagner une telle épreuve sans rassembler sa famille.
Sarkozy, lui, a rassemblé la sienne, de Juppé à Alliot-Marie en passant par Dominique De Villepin et Jean-Pierre Raffarin.
Et quand bien même saurait-on ce que vaut ce rassemblement, peu importe, il aura eu un impact énorme sur l’opinion.
D’un côté nous avions donc une candidate mollement soutenue par son parti, quand elle n’était pas ouvertement contredite ou désavouée, de l’autre côté, pas une tête ne dépassait, l’union semblait réelle, donnant l’impression d’une formidable machine à gagner.
Ca, ça ne pardonne pas.
Ségolène Royal a commis une faute lourde en n’envoyant pas, dès son investiture, un signal clair à ses deux adversaires des primaires.
Elle ne l’a pas fait car pleine d’orgueil ; trop pour leur pardonner les vidéos balancées sur le Net, entre autres, trop pour leur tendre la main, et quand, contrainte et forcée, elle le fit, il était trop tard.
Et d’ailleurs les déclarations de DSK hier soir, et de Laurent Fabius ce matin, démontrent qu’ils lui en tiennent rigueur, à un point, que nous ne sommes plus très loin d’un réglement de compte qui ne grandira personne.
Ca sent la rancoeur, le truc qui pue, le machin dégueulasse, ça sent la haine et le mauvais vin.
Pouah !
Quant à Nicolas Sarkozy, je n’oublie pas les mots, je n’oublie rien.
Je lui reconnais bien volontiers un sens inné (acquis ?) du combat politique.
Il a réussi son pari : "décomplexer" la droite ; et quand la droite est à nouveau la droite, elle est quasiment imbattable dans notre pays.
Oui, je lui reconnais des qualités indéniables, mais je n’oublierai pas les mots, les arguments, qu’il employa lors de cette campagne.
Et à toutes celles et tous ceux qui, hier soir, me disaient que franchement, ce n’était pas l’homme "brutal" que d’aucuns avaient décrit, parce que son discours était celui d’un homme apaisé, serein, rassembleur, je répondrai que c’est bien la moindre des choses que d’apparaître apaisé, serein et rassembleur, quand on vient d’être désigné pour présider aux destinées d’un pays.
Surtout quand s’annoncent des élections législatives.
On ne se montre pas arrogant, suffisant, bonapartiste quand on souhaite une large majorité au Parlement.
On se montre rassurant.
Là encore, c’est gagné.
Mais, tout de même, je note dans ce discours cette phrase incroyable :
"Je veux rendre aux Français la fierté d’être français. Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi."
Etonnant pour un homme qui la semaine dernière exhalait les valeurs chrétiennes de la France, de l’Europe.
Je ne savais pas, Monsieur Sarkozy, que la repentance était "une forme de haine de soi".
Et ce que je comprends dans votre phrase, c’est que si nous n’étions plus fiers d’être français (ce qui n’était pas mon cas) c’était pour nous être trop repentis.
Pour avoir reconnu par la voix de Jacques Chirac que, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Etat français était aussi responsable de la déportation des Juifs, par exemple ?
Eh bien, ça promet.
D’autant plus quand, quelques lignes plus loin, vous nous apprenez que la France sera désormais aux côtés des Etats-Unis quand nos "amis américains" auront besoin de nous.
Elle était donc là (aussi) la fameuse rupture !
Quant au reste, je veux dire votre programme économique, je ne suis pas sûr que les classes populaires, qui ont massivement voté pour vous, se rendent bien compte de ce qui va leur tomber sur la tête et le groin ...
Ils vont l’avoir dans le fi(ll)on.
Ca va être du genre sportif.
Au fait, David Douillet, c’est bien votre futur ministre de la Jeunesse et des Sports ?
Et, pendant que nous y sommes, Brice Hortefeux votre ministre de l’Intérieur et ... Rachida Dati, la ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale ?
Rachida Dati, car je présume que Simone Veil n’aura pas le coeur à poursuivre plus loin votre belle "aventure" ...
Histoire de tempérer quelques ardeurs, je terminerai par des chiffres ... "apaisants" !
L’on entend partout que c’est formidable, vous avez été élu largement.
53,06 des suffrages exprimés !
C’est vrai.
Mais en pourcentage des inscrits, c’est moins formidable.
Vous pointez à 42,68 %.
Soit moins que De Gaulle en 1965 (45,27) que Valéry Giscard D’Estaing en 1974 (43,78) que Mitterrand en 1988 (43,76) que re-Mitterrand en 1981 (43,16) et bien sûr - mais il est hors concours vu la singularité de l’élection - que Jacques Chirac en 2002 (62,01%).
En réalité, en pourcentage des inscrits, vous faites mieux que Pompidou en 1969 (37,51) et Chirac en 1995 (39,43).
Bref, vous vous classez 6e sur 8.
Ca relativise votre performance.
Alors oui, je sais, on applaudit au taux de participation : 83,97%.
Il est vrai qu’il est supérieur à ceux de 1995 et 2002.
Mais il est inférieur à ceux de 1974, 1981, 1965 et 1988.
Ce n’est que le cinquième meilleur taux de participation en huit élections présidentielles.
Là aussi, ça calme.
C’est juste un retour à la "normale" ...
Le reste, c’est à vous de l’écrire.
Mais pas sans nous.
Soyez-en assuré.
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