Cinq contrevérités concernant la polémique sur le Métronome de Lorànt Deutsch
Depuis que le groupe Parti communiste / Parti de gauche du Conseil de Paris a annoncé vouloir faire stopper la promotion du Métronome par la municipalité, la polémique autour de l’œuvre de Lorànt Deutsch ne cesse d’enfler. Sur les réseaux sociaux et notamment sur le blog d’Alexis Corbière, détracteurs et défenseurs de l’ouvrage s’affrontent. Le débat déchaîne visiblement les passions. Dans cette controverse, cinq arguments reviennent avec récurrence dans le raisonnement des « pro-Métronome ». Tentons de les déconstruire.

Lorànt Deutsch présentant son histoire de Paris face aux élèves de CM2 de l’école Faubourg Saint Denis (http://ec-34-st-denis.scola.ac-paris.fr/spip.php?article78)
1. Le Métronome ne serait pas présenté au lecteur comme un ouvrage historique
Dans l’unique but de voir le Métronome échapper à la critique des historiens, ses défenseurs avancent que Lorànt Deutsch ne présenterait pas son ouvrage comme une œuvre historique. Cet argument est certainement l’un des plus fallacieux. En effet, le titre même du livre nous prouve le contraire : Métronome, l’histoire de France au rythme du métro parisien. La présentation faite en quatrième de couverture explique quant à elle au lecteur qu’à travers cette « promenade captivante » il verra « se construire ainsi toute l’histoire de France ». On retrouve enfin à neuf reprises le terme histoire dans la courte introduction de Lorànt Deutsch : « passion pour l’ Histoire », « les stations de métro ont débouché sur l’Histoire », « l’histoire de France et l’histoire de Paris », « d’une certaine manière l’histoire est devenue mon métier », « je peux faire de l’histoire avec mon métier », « Enfant, je puisais mon inspiration dans l’histoire de France », « l’Histoire reste le moteur de ma vie », « mieux nommer et situer l’histoire ». Comment peut-on affirmer que le Métronome n’est pas présenté comme un ouvrage d’histoire ? Par ailleurs, qu’est-ce donc si ce n’est cela ? Si le travail de Lorànt Deutsch n’est pas un travail historique, alors qu’il fasse déplacer les exemplaires du Métronome des rayons histoires des librairies et bibliothèques de France.
2. Le Métronome ne serait pas une œuvre idéologique
Lorsque l’on étudie le traitement réservé à la Révolution française par Lorànt Deutsch, il est légitime de douter de son objectivité. Rappelons que l’auteur se dit lui-même royaliste et qu’il estime que l’histoire de France « s’est arrêtée en 1793 ». On retrouve cette vision biaisée de note histoire tout au long de l’ouvrage. La Révolution, qui rappelons-le verra en 1791 le peuple français faire le choix de la République au détriment de la monarchie, est constamment associée à des termes négatifs : « terribles violences » (p.329), « dégradations révolutionnaires » (P. 123). Le 14 Juillet 1789 est selon l’auteur « un jour de guerre civile, d’affrontements et de violences » (p. 335), l’entrée du peuple dans la Bastille un « délire de joie » (p.333), la décapitation du gouverneur de la forteresse un « rituel macabre » (p.333). Au peuple révolutionnaire sont associés les termes « haine » (p.324), « émeutiers » (p.332), « multitude » (p.331) ou encore « violent » et « sanglant » (quatrième de couverture). Comment donc ne pas douter de l’objectivité de l’auteur ? Que les nostalgiques de l’Ancien régime n’y voient rien à redire soit, mais que des républicains s’évertuent à défendre une œuvre anti-révolutionnaire…
« Quant à nous, si nous étions forcés à l’option entre les barbares de la civilisation et les civilisés de la barbarie, nous choisirions les barbares. » Victor Hugo, Les Misérables, 1862
3. Les critiques envers le Métronome seraient sans fondements
Tout le monde s’accorde sur le fait que l’ouvrage de Lorànt Deutsch est un succès commercial cependant ceci n’en fait pas une œuvre inattaquable. Depuis plusieurs mois nombre d’historiens demandent à l’auteur du Métronome de présenter son travail de recherche, de dévoiler ses sources, sa bibliographie. En retour celui-ci se mure dans le silence, fuyant ainsi le débat. Nombreuses sont pourtant les zones d’ombres concernant son travail et notamment son approche historique des faits. Le cadre chronologique par exemple. L’ouvrage est décomposé en 21 chapitres, chacun d’eux faisant référence à un siècle de notre histoire. On en conclu donc que pour Lorànt Deutsch l’histoire de Paris, et celle de France en parallèle, débuteraient donc au premier siècle. Un choix invraisemblable que l’auteur du Métronome ne justifie à aucun moment. Il déclare pourtant dans son introduction vouloir « mieux nommer et situer l’histoire ». C’est gagné !
Quoi qu’en pensent certains médias, les critiques à l’encontre du Métronome ne sont pas sans fondements. Prenons un exemple. On reproche à l’auteur l’omniprésence du religieux dans son histoire de Paris. Affabulation, calomnie, propagande anti-catholique répondent certains. Mais que nous apprennent les pages du Métronome à ce sujet ? Intéressons-nous donc à l’un des 21 chapitres.
Durant les 17 pages du chapitre intitulé Arts et Métiers consacré au XIème siècle, l’auteur plonge le lecteur dans un océan de termes religieux digne d’un dictionnaire de liturgie catholique. C’est le champ lexical de l’Eglise que Lorànt Deutsch décline ici. Pour preuve, voici la liste des différents termes relevés (certains sont bien évidemment répétés à de nombreuses reprises) : Dieu, Seigneur, bon Dieu, Christ, Jésus, Jésus-Christ, Eglise, Pape, Saint-Père, autorité papale, mainmise papale, sa Sainteté, le souverain pontife, siège pontifical, Saint-Siège, Rome, interdiction apostolique. Ecrits hagiographiques, Saint (une multitude de Saints sont nommés dans ce chapitre : Saint-Martin, Saint-Jacques…). Le Ciel, paradis, salut, damnation éternelle, péché, pénitence, Jugement dernier, Apocalypse, apocalyptique, menace suprême, excommunication, Antéchrist. Chrétienté, chrétien, bon chrétien, fidèles, croyants, ferveur religieuse, communion. Évangile, écritures, spirituel, foi, pieux, signe de croix, Pâques, Jeudi Saint. Ecclésiastiques, évêques, abbé, pieux abbés, clercs, clergé, chanoines, moines, diacre, religieux, prieur, théologien, clunisiens, bénédictins, congrégation, ordre, simonie, synode, conciles, loi canonique. Chapelle, cloître, monastère, église, abbaye, prieuré (il faut ajouter à cela la lister interminable de lieux cités : prieuré Saint-Martin-des-Champs, Cluny, église Saint-Germain-l’Auxerrois…).
Cette accumulation, sur 17 pages, de termes liés au champ lexical de l’Eglise catholique laisse perplexe. D’autant qu’ils ne permettent pas d’appréhender la société médiévale. Une société dans laquelle l’Eglise a bien évidemment un rôle central, il serait ridicule de le nier. Il aurait par exemple été pertinent que Lorànt Deutsch s’intéresse à la question du Salut. Il aurait ainsi pu expliquer au lecteur comment l’Eglise médiévale est devenue une puissance territoriale, économique et culturelle. Mais il semble qu’aborder cette société par le biais des mentalités ne faisait pas partie de l’ambition historique de l’auteur. Celui-ci préférant conter à ses lecteurs les péripéties des têtes couronnées ou auréolées.
Pour davantage d’informations concernant les contre-vérités et autres approximations contenues dans le Métronome se diriger vers les articles réalisés à ce sujet sur, ce blog, Goliards et Histoire pour tous.
4.Le Front de gauche menacerait la liberté d’expression
Ayatollah, obscurantistes, staliniens, censeurs, voilà comment les opposants au Métronome sont aujourd’hui caractérisés. Disqualifier ainsi ses contradicteurs c’est en réalité fuir le débat, rompre la discussion. Attaquer plutôt que de se défendre, une attitude qui est dit long sur la sérénité des défenseurs du Métronome. Le droit à la critique et à l’opposition ne ferait-il pas partie de la liberté d’expression ?
Ces attaques sont d’autant plus ridicules qu’à aucun moment le Front de gauche n’a demandé que l’on fasse retirer l’ouvrage des librairies. Lorànt Deutsch a parfaitement le droit de penser et d’écrire ce qu’il veut, personne ne remet cela en cause. Les autodafés et la censure n’ont jamais été, et ne seront jamais, les armes des défenseurs de la République. Les élus parisiens et notamment Alexis Corbière, qui a récemment publié un article à ce sujet sur son blog, demandent en revanche à la ville de Paris de cesser de faire la promotion du Métronome. Ce qui passe notamment par la suspension des interventions de son auteur dans les écoles de la capitale.
5. Cette affaire serait sans importance et ne devrait pas mobiliser nos élus
Avec plus de deux millions d’ouvrages vendus le Métronome est certes un succès commercial mais il n’en reste pas moins un ouvrage hostile à la République. La manipulation de l’histoire est une arme dangereuse. « Celui qui contrôle le passé a le contrôle du futur » dit Georges Orwell dans 1984, ne laissons donc pas les anti-républicains se l’approprier. Le discours historique est un discours de vérité. Après cinq années de Sarkozysme, durant lesquelles le pouvoir n’a eu de cesse que de vouloir réécrire l’histoire, voir des institutions républicaines promouvoir cet ouvrage est déroutant.
« Le courage c’est de chercher la vérité et de la dire » (Jean Jaurès, 1903), voilà pourquoi le Front de gauche s’oppose à la promotion du Métronome. Une opposition légitime et indispensable.
Retrouvez cet article sur : http://matthieulepine.wordpress.com/
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