Civilisation perdue
Le pic pétrolier est désormais derrière nous. L’annonce en a été faite par plusieurs dirigeants, dont le premier ministre français au début avril. Cela signifie qu’après une phase en plateau de quelques années, la quantité de pétrole disponible sur le marché diminuera inexorablement alors que la croissance mondiale est actuellement de 4,5% par année.
Ce pic aurait été atteint en 2009. Dans un premier temps les pays les plus demandeurs tenteront probablement d’obtenir ce dont ils ont besoin en le payant plus cher. Les prix du chauffage et de la benzine vont forcément augmenter. Dans un deuxième temps la pression sur les ressources sera telle que l’on pourrait voir se déclencher des guerres. Lesquelles guerres n’auront pas que le pétrole pour cause, mais aussi l’accès à l’eau potable et aux terres cultivables.
Divers scénarii catastrophes sont proposés, prévoyant la fin de notre civilisation par des guerres épuisantes qui ruineront l’économie et la stabilité mondiale, ainsi que par la privation de ressources énergétiques indispensables.
Une civilisation avancée
La civilisation occidentale s’appuie sur quelques piliers fondamentaux :
1. Des ressources énergétiques abondantes favorisant la productivité, donc l’emploi, la richesse et une plus grande sécurité : sécurité alimentaire, sanitaire et des personnes.
2. Un très haut niveau de technologie et une industrie développée, donnant accès à des logements, des biens, des moyens de communication et de déplacement - donc de rencontres et d’échanges - comme jamais auparavant.
3. Un haut niveau de liberté : liberté de parole, de création, liberté politique, économique. Le temps où un dirigeant possédait tout : l’argent, les terres, la parole, le droit, est loin derrière nous. Nous jouissons d’une liberté individuelle exceptionnelle, associée normalement à un haut degré de responsabilité individuelle. Et si la démocratie est imparfaite elle est à ce jour le système offrant le plus de liberté.
4. Des Etats où le droit prime de plus en plus sur la force - même si là encore il y a du chemin à faire.
5. Un niveau culturel, tant dans l’art que la connaissance de l’humain, très avancé.
6. Un niveau scientifique exceptionnel, associé à une technologie permettant d’approcher matériellement l’origine de l’univers et du vivant.
7. Un niveau de soins et des moyens de soigner accessible à une majorité et d’une efficacité dans l’urgence et la réparation meilleure que tout ce que l’on a vu dans le passé.
8. L’ancrage progressif depuis quelques siècles d’un concept inouï dans l’histoire humaine : l’égalité. Associé à ce concept la liberté de choix et de décision sur sa propre vie ont augmenté.
La liste des imperfections de notre civilisation contiendrait autant de points faibles : la pauvreté, la violence, des inégalités, des injustices. Ces imperfections font partie de ce qui doit continuer à être amélioré dans notre civilisation.
Encore faut-il avoir les moyens de la faire progresser. Si l’un des piliers majeurs, soit les ressources énergétiques, vient à manquer, tous les autres sont fragilisés. L’augmentation du prix du pétrole augmentera le prix de l’essence. 2 francs ou deux euros le litre deviendra la norme, avant d’arriver un jour à 3 ou 4 euros le litre. Les déplacements devront être repensés ou diminués. Le prix à payer pour être au chaud en hiver deviendra exorbitant. Des priorités devront être établies dans la production. Des décision autoritaires seront prises par des gouvernements de moins en moins enclins à la liberté.
Dans le même temps il se peut qu’on abandonne la filière nucléaire. Sous sa forme actuelle au moins puisque là aussi les ressources vont se tarir.
Les Etats s’appauvriront, les moyens pour se protéger et faire régner la loi diminueront, la société se désorganisera progressivement, le chômage augmentera.
On pourrait se mettre au balcon et distiller une vision très dépressive de notre monde. Il y a de nombreuses raisons pour douter des bienfaits de la civilisation que nous connaissons. Mais étant d’un naturel optimiste j’ai quelques difficultés à adhérer au scénario sombre lu dans différents médias. Je refuse de voir notre civilisation comme perdue. D’ailleurs prévoir le pire ne sert à rien. La question est : voulons-nous la fin de notre civilisation ? Voulons-nous le pire ? Le scénario catastrophe est-il une fatalité ou voulons-nous prendre notre vie en main ?
Dans le deuxième cas il faudrait se mettre au travail. Il y a besoin d’une vision et d’une volonté politique que l’on n’a pas vues en Europe depuis la création des bases de l’Union Européenne. Les peurs sur l’avenir ne peuvent en aucun cas devenir une vision d’avenir. Que depuis 40 ans au moins les gouvernants n’aient pas anticipé et soutenu une industrialisation différente est regrettable. Avoir tout laissé dans les mains de l’industrie privée ne suffit visiblement pas. L’industrie rentabilise au maximum ce qu’elle sait faire avant d’innover. Du moins dans le domaine de l’énergie. Depuis longtemps il aurait fallu soutenir politiquement les recherches sur l’énergie solaire, sur les moteurs à hydrogène, entre autres, afin de les rendre peu coûteux, peu polluants à la fabrication, et d’une efficacité totalement concurrentielle avec les autres sources. Dans un récent article je citais le pétrole d’algue, en passe d’être utilisable industriellement.
On y vient, avec beaucoup de retard.
On a besoin de politiciens courageux, audacieux, décidés à préserver notre civilisation et à relancer une machine industrielle innovante et durable. Les politiciens qui ne gèrent que les 6 mois à venir avec un bandeau sur les yeux, ou ceux qui freinent des quatre roues sur le développement, ne nous servent à rien. Il faut une vision pour les 30 ans ou 50 ans à venir. Puis il faut une réelle impulsion donnée à la société, avec des soutiens directs, des incitations, bref tout un arsenal de mesures de nature à relancer la machine.
On ne peut, au nom du libéralisme, laisser le privé décider de tout et croire que le marché se suffit à lui-même. Le politique doit reprendre sa place et se poser en partenaire de l’économie privée.
Il faut aussi prendre en compte toutes les ressources. Mais avec l’impératif d’une dangerosité faible. Il n’est pas certain que nous puissions du jour au lendemain réaliser une société sans pollution. Les questions aujourd’hui ne sont pas simplement de polluer moins. Une question essentielle est : voulons-nous préserver notre civilisation et l’améliorer ? Et si oui, quels moyens sommes-nous prêts à nous donner pour éviter une fin dramatique ?
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON