Classe politique tordue, citoyens déchus, confiance perdue, France foutue, entrez dans la lumière !

Le soleil printanier devrait logiquement embellir mon âme et susciter en moi une ivresse indescriptible me poussant à entamer une valse de cent temps en écoutant un ballet de Ravel. La vie est belle ! Oui, enfin, pas vraiment. Le soleil ne fait pas taire les inquiétudes et le souci citoyen impose d’allumer les appareils diffusant les nouvelles. La campagne est emmerdante comme le dit Dany Cohn-Bendit, comparant Mélenchon à cloclo et suggérant qu’on en finisse, qu’on vote dimanche, comme ça on sera enfin libéré de ces interminables déclarations programmatiques et autres petites phrases de snipers sémanticiens, espèce silencieuse par temps ordinaire mais qui semble réapparaître dès lors qu’il y a une élection, telle une hirondelle qui ne fait pas le printemps, pas plus qu’une méchante phrase ne fait l’élection. Eh oui, finissons-en dimanche, ce serait une bonne idée. Si la campagne traîne de trop, nous risquons une mauvaise surprise le 6 mai. Je tiens les Français pour suffisamment stupides au point de réélire le président d’apparence qui n’a pas réussi à placer le pays sur l’orbite de l’avenir. Mais sans doute les deux sont liés. Sarkozy a été élu par des vieux et il risque de l’être à nouveau. Le vieux n’incarne plus la sagesse comme autant mais le repli égoïste sur sa pension et ses rentes. Le jeune n’incarne pas pour autant l’avenir fait d’invention, d’audace et de fraîcheur créative. Je ne suis ni jeune ni vieux, mon esprit n’étant pas de ce temps mais hors du temps.
Je vis ces élections à l’opposé de celles de 2007, sans aucune passion, avec le sentiment du devoir de surdité, pour ne pas entendre cette somme de banalités, insanités et billevesées et ne pas troubler un intellect qui faute du carburant des passions, peine à planer au dessus des événements afin de les cibler, analyser, interpréter. La France est un pays singulier. Celui qui consomme le plus de neuroleptiques et qui est le plus sceptique face à l’avenir. C’est normal. Au pays de Descartes, celui qui a scindé l’homme en une pensée et un corps, la scission est profondément ancrée et si le Français déprime, c’est parce que le monde tel qu’il est ne satisfait pas son désir intellectuel d’un monde idéalisé. Ce qui n’est pas forcément un mal, traduisant une sorte de conscience, non pas de classe mais d’autre chose, conscience d’un marasme, d’un enlisement, d’un merdier généralisé, allez savoir ce qui se passe dans l’âme d’un individu submergé par des tonnes de nouvelles, dans un monde complexe, avec des experts qui ne sont jamais d’accord et puis, il faut le dire, le contexte culturel est très mauvais. Le citoyen moyen n’a pas les savoirs techniques et économiques pour apprécier la situation, notamment le contexte européen et ses dettes souveraines sans fin. Sans compter les enjeux liés à l’énergie, la démographie, les technologies, la maladie. Bref, la société est complètement aveuglée et quelques uns cherchent la lumière et l’ivresse dans les grandes messes de Mélenchon.
Le site des intellectuels de gauche Nonfiction vient de publier un article intitulé drôle de campagne. C’est certain qu’avec un titre aussi facétieux on pressent le risque de la scoumoune. Allusion en effet à la drôle de guerre perdue par les Français en 1939 après l’intervention éclair de l’armée nazie. Qui risque de perdre au jeu de la drôle de campagne ? Pas sympas ces intellos de gauche qui vont porter la mouise à François Hollande non sans avoir épinglé d’un des leurs, le sociologue Alain Touraine, qu’on a lu plus inspiré et qui dans son dernier livre a trouvé jolie la campagne des primaires, ce qui n’est pas drôle, révélant une analyse menée par un vieux gâteux obnubilé par sa fille engagée dans le camp hollandiste. La situation est pourtant claire pour un esprit dégagé de la passion politique. La France est un peu dans un état de cancérisation. La campagne laisse croire qu’en changeant le médecin la France sera guérie de son cancer social. Ce qui est complètement illusoire. On change juste de traitement. Des soins socialistes se substituent aux traitements de l’UMP, mais le cancer subsiste car le mal est plus profond et résiste aux traitements conventionnels que sont les réformes. Le temps du réformisme est révolu, place aux métamorphoses.
Le monde occidental est plongé dans la crise de l’insatisfaction généralisée, qu’elle soit réelle ou bien jouée comme une comédie politique servant à obtenir quelques avantages, prébendes et autres profits. L’heure est à la déception. Peut-être avons-nous trop crus dans le progrès. Les vestiges du temps sont parsemés de vertiges du temps. De Pétrarque à Erasme, le rêve de la Renaissance a occupé quelques savants esprits. Le bonheur est devenue une idée européenne au temps de Saint-Just. A la fin du 19ème siècle, les savants et lettrés de la Troisième République ont imaginé un âge radieux. L’idée d’un avenir meilleur est récente, inventée en Occident. Dans les années 1960 et 70, pour la première fois dans l’Histoire, des peuples entiers ont cru en un avenir meilleur. Pour ensuite trois décennies de désenchantement. Le progrès est devenu alors une affaire presque privée. Le matérialisme contemporain livre le progrès aux profiteurs.
Classe politique tordue, citoyens déchus, confiance perdue, France foutue. C’est en une formule l’appréciation que je porte à la situation actuelle. N’attendant rien de spécialement passionnant ni rassurant du futur gouvernement quel qu’il soit. Avec de plus un surcroît de lucidité sur les causes de cette situation, n’étant pas assez naïf ni malhonnête pour tout mettre sur le compte des politiques. Les fameux corps intermédiaires, les intellectuels, les journalistes ont failli, et les citoyens plongent dans l’ignorance qui s’étend. C’est l’Occident qui s’est fourvoyé, une minorité a bien profité, une majorité a vécu correctement et le reste de la société a décroché. L’ambiance politique est assez malsaine pour ne pas dire détestable. Les attentats récents ont assombri le schéma. Ressentiments aigreurs, envies et insatisfaction propulsent les mauvais sentiments et les méchantes invectives. Et par expérience, je constate aussi une désaffection des citoyens pour les choses instructives, savantes, éclairantes. Les individus prisent les scandales, les nouvelles qui parlent plus bas que la ceinture, les ragots. Ils s’indignent, se précipitent vers les os à ronger que livrent les médias pour conspuer et tancer les politiciens du camp à abattre.
Le laisse plus de détails à ceux qui aiment les analyses roborative et je ne vais pas me laisser abattre. Après tout, la campagne se livre aussi à un jeu d’interprétation. Je m’en vais faire un peu d’herméneutique mais vu la médiocrité sémantique et sémiotique, je prend les cliques et mes claques et m’allonge sur le clic clac, une effluve de Debussy, un livre de philo et me voilà en position herméneutique. La vie est intéressante, pleine de pensée, formes et musiques à découvrir. L’Occident finira bien par se transformer. La clé, c’est le choix entre la puissance et la sagesse. Notre époque manque de sagesse et de vertu, elle massacre son héritage culturel et ses valeurs.
Cette étrange appréciation de la campagne de 2012 tient peut-être à deux choses. La crise financière a fait s’enliser la France d’un étage alors que mes pensées se sont élevées d’une marche. Je vois d’une hauteur d’aigle ce qui sombre. Un peu présomptueux mais quelle importance. L’espoir, il a résonné avec une petite phrase d’un grand livre de Leo Strauss. Amusons-nous d’une mise en abîme en accolant deux paroles, l’une de campagne, l’autre de philosophie, et une mise en bière de la politique
« François Hollande, il a déclaré la guerre au dictionnaire ». Ainsi parla Nicolas Sarkozy pendant le printemps des poètes.
Leo Strauss : « Thucydide révèle le véritable caractère de la vie humaine à ceux qui peuvent devenir sages, c’est-à-dire ceux qui ont la possibilité de comprendre le caractère véritable de la vie humaine »
Le véritable caractère de la vie humaine, exactly, c’est un enjeu autant qu’un dessein pour les hommes du 21ème siècle. L’œuvre de Strauss a bien des enseignements à livrer. Il faut juste recadrer et peut-être transfigurer cette pensée. La vie véritable, elle mérite d’être élucidée car elle n’est sans doute pas la même qu’à l’époque de Périclès. Il y a une vie véritable à chaque époque. Réfléchir à la vie véritable est certainement plus utile que d’analyser ces insipides discours politiques qui ne parlent pas aux Français mais parlent des candidats. Le narcissisme est la négation de la vie politique véritable ! La vie véritable est dans la lumière. Entrer dans la lumière suppose ouvrir une porte et en fermer une autre en deux mouvements coordonnés. Fermer les ténèbres ? Oui, l’Occident et les ténèbres de la puissance. Concilier la vérité et la puissance ? A plus.
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON