Clearstream : vivement le Mondial
« Vivement le 9 juin », doit se dire Jacques Chirac, en souvenir de l’année 1998 et de l’exploit de l’équipe de France.

Un bon comportement de l’équipe nationale célèbrerait la réconciliation nationale, permettrait d’oublier les propos du général Rondot, et laisserait au président assez de temps pour « finir » son mandat sans trop de difficulté. « Vivement que le cœur de l’actualité devienne footballistique », doit penser Dominique de Villepin, dans l’espoir que les unes oublient son comportement au minimum équivoque envers son ministre de l’intérieur.
Si la course à l’Elysée semble oubliée, il espère au moins, lui aussi, « résister » et laisser son fauteuil autrement que par une démission sous la pression et le scandale. Mais ce n’est certainement pas grâce à leur plan de communication que le président et son Premier ministre résisteront. Les mots « manipulation, machination, lynchage médiatique, calomnie » ont du mal à passer dans l’opinion devant les faits. Le Mondial, voilà un sujet que Philippe Rondot doit espérer, lui l’homme de l’ombre, l’homme dévoué à l’Etat... et à Villepin. Il se retrouve sous le feu des projecteurs, avec en apothéose le procès-verbal d’audition diffusé sur le Net par Le Monde et repris dans son intégralité sur 9 pages par L’Express. « Que Zidane fasse parler la poudre », doivent espérer en choeur Jean-Louis Gergorin et son protégé chez EADS, Imad Lahoud, très probablement les instigateurs de toute cette affaire rocambolesque.
Comment le numéro 2 en charge de la stratégie du groupe (sic !), du deuxième groupe mondial de l’industrie aéronautique, a-t-il pu perdre la tête de la sorte, si les propos du général Rondot se confirmaient ? Comment produire des listings aussi mal bidouillés sans être conscients que la manip sera facile à démonter pour des juges et des services de sécurité de l’Etat ?
Comment EADS, via Jean-Louis Gergorin, encore lui, a-t-elle pu laisser embaucher et, plus fort encore, laisser demander une habilitation « confidentiel défense » à Imad Lahoud, neveu selon certaines sources (Le Point, Libération), du président du Liban pro-syrien Emile Lahoud, et frère de Marwan lahoud, PDG de la société de missiles MBDA, sachant que 16% du CA de EADS se situe au niveau des systèmes de défense et de sécurité ? Un Imad Lahoud qui venait d’être condamné pour escroquerie bancaire... Un tel laxisme laisse froid dans le dos !
Enfin, dernier protagoniste de la comédie, mis en avant dans la case victime, Nicolas Sarkozy. Victime, ou marionnettiste habile qui tire les ficelles ? Etait-il au courant depuis le début en janvier 2004 ? A-t-il attendu le bon moment pour faire éclater l’affaire ? Est-ce lui qui a remis au Monde le procès-verbal qui déclencha toute l’affaire ? Le double discours « victime du complot venu de Matignon et soutien officiel au gouvernement » laisse perplexe. Jusqu’où doit-il aller ? Une évidence pour lui, une droite trop affaiblie et divisée ne servirait pas ses intérêts.
Alors, pourquoi pas une période d’accalmie autour du Mondial, avec, ironie du calendrier, une équipe de France issue en grande partie de l’émigration non choisie ? Restent les médias, Le Monde en tête, qui ne lâchera pas, Mondial ou pas, son affaire Watergate bien à lui, comme le titrait Le Point, jusqu’à obtenir la démission du Premier ministre. Les fins de règne, quelle belle affaire pour les médias, un vrai thème de livre allant de Chaban-Delmas, en passant par Giscard, Hernu , Bérégovoy et Mitterrand, pour finir par Villepin et Chirac. La morale se situe aux tréfonds de l’histoire, où rivalité de personnes, jeux politiques et économiques, haines personnelles et choc de médiocres ambitions ont pris le pas sur le bien commun. Oui, vivement le Mondial, que l’on se vide la tête !
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