Climat politique tendu
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I. Atmosphère politique du
10 février 2008
Deux moments dans la journée sont
accompagnés parfois d’une atmosphère presque mystique pendant laquelle la
conscience accède à des contenus chargés de sens et de saveur, sans que la
raison puisse éclaircir ce phénomène et que les mots puissent transcrire l’état
d’esprit occupant la conscience. Quelques verres de vins le soir ajoutent une
vérité de plus à ce ressenti dont la saveur justifie qu’on lutte pour exister,
travailler, endurer et se charger de subjectivité pour connaître ces moments
agrémentés de silence ou de musique, chacun ses goûts. Toujours est-il que ces
derniers jours, à 7 heures ou 19 heures, je me suis senti projeté vers le mois
de mars. Le calendrier indique pourtant le 10 février alors que mon esprit se
sent au début de mars. Etrange et pas facile à analyser ce phénomène de la
conscience, à moins de suggérer une sorte de captation d’un temps qui
s’accélère et ce, au niveau planétaire et donc, au niveau de cette localité du
monde qu’on appelle la France.
Les événements du 10 février, un SMS qui
fait jaser, David Martinon lâché par ses lieutenants, devenu bouc émissaire d’une presse avide de le
lyncher, mais qui n’a pas osé le faire, moquant l’escapade de cet homme jeune à
l’attitude faussement impubère nommé porte-parole de l’Elysée et maintenant,
souffre douleur de la presse. Martinon, jouant à son corps défendant le rôle
d’un fusible, mais de faible ampérage, pour Sarkozy qui calme son camp, alors
qu’à travers Martinon, les médias ont trouvé une cible pour attaquer le président, une cible plus tangible que le SMS et, en effet, on l’a vu, notre
ex-candidat à la mairie de Neuilly, détaler à bord d’un quatre roues motrices
de chez Mercedes, Neuilly oblige. La droite aussi se réjouit de ce pataquès
dans les beaux quartiers. D’ailleurs, si Martinon a été éjecté, c’est à la
faveur d’un sondage publié intempestivement et dont les milieux autorisés
connaissent le commanditaire. Quels sont les intérêts en jeu ? Martinon
balayé par les électeurs au profit d’une autre liste de droite eût été jugé
comme un désaveu du président, mais l’Elysée n’a pas commandé ce sondage selon
ces mêmes milieux autorisés cachés dans un recoin du sourire malicieux de
Devedjian, juge de paix pour régler ce règlement de compte assez pitoyable.
Bref, le 10 février, le scrutin anticipé a eu lieu et Martinon s’est retiré. Un
10 février valant pour un 9 mars !
Et puis notre président, en direct sur
les écrans un dimanche 10 février au soir, pour un discours sobre sur l’Europe,
une simple formalité à l’heure où les Français sont revenus de leur escapade
dominicale, excepté ceux qui sont restés coincés dans les embouteillages. Un
drôle de temps, estival, 15 degrés pétant sur le bassin d’Arcachon, une foule
immense et calme des grands jours, des bouchons pour rentrer, dès 17 heures,
sur deux voies où convergent les habitués du cap Ferret et les aficionados
d’Andernos, pas normal pour un mois de février. Et ce soleil, déclenchant
quelques sudations sur ma nuque, comme pour annoncer des chaleurs à venir. Le
mur du temps s’est fracturé, plongeant les gens dans une étrange fatigue ces
derniers temps et les événements de s’accélérer. Des tensions plus que
palpables dans les cercles du pouvoir et une victoire de la gauche aux
municipales déjà entérinée, comme si nous étions parvenus au 9 mars. Le président lui-même est apparu fatigué, phénomène rare en climatologie
politique.
Le temps s’accélère ; portant au
pinacle un Obama qui, de faux outsider, devient un faux favori et Hillary qui
tient la barre, parce qu’il le faut. La crise de la Société générale est
passée, les comptes sont réglés, en attente d’un dénouement judiciaire qui n’a
plus son importance dans le timing actuel. La bourse s’est calmée, stabilisée à
son étiage raisonnable. C’est donc le théâtre politique qui se met en crise
avec un mois d’avance, par un effet de la magie du temps imprégnant les
subjectivités et poussant les situations bancales vers un dénouement. Epuration
karmique disent les ésotéristes. Par anticipation, le sort des municipales se
règle en ce moment, Delanoë enfonce Panafieu, et, par la même occasion, celui du
gouvernement. Déjà les médias ont fait le remaniement, sachant qui a la côte et
qui est en disgrâce. Par on ne sait quel subterfuge des énergies spirituelles
du temps, quelques écumes parviennent aux consciences déployées en antennes du
temps à venir.
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II. Digression
philosophique sur le temps
Ces étranges phénomènes et ressentis, Jünger
les a exprimés dans Le Mur du temps, ouvrage paru en 1962, sur fond de
guerre froide et de montée technocratique subordonnée à une glaciale raison que
seules, les générations du flower power et de Mai-68 purent écorner l’espace
d’un instant magique, mais la taupe new age a repris le flambeau et, qui sait,
le mur du temps viendra avec son cortège de joies lorsque les temps actuels
seront épuisés. Pour l’instant, une citation : « Alors que le plan
humain est limite, le plan du monde est illimité, il est toujours et partout.
Cela signifie qu’il opère aussi à l’intérieur des plans humains et de leur
science. C’est là une part cachée des plans, qui échappe à l’esprit
organisateur. L’homme poursuit et découvre des choses dont la signification se
dérobe à lui (...) Il est inutile, cependant, de déranger la théologie pour
observer que tout plan recèle un régulatif, une participation à cette raison
universelle qui semble préférer l’inattendu justement, l’absurde, l’issue
qu’aucune imagination n’aurait rêvée... » (Jünger, page 200).
On aura noté au passage le tribut payé à
Hegel, mais aussi une ironique distance signée sous les auspices de la ruse de
la déraison. Jünger évoque également l’inquiétude météorologique, le souci de
la mesure des paramètres, en des temps, années 60, où les peurs climatiques
étaient absentes de l’opinion. Ainsi qu’un plan de l’Etat s’imbriquant dans un
plan universel. Certes, cette idée de plan peut agacer, mais elle n’est pas
indispensable. Il suffit de concevoir quelques cohérences, quelques
synordinations d’événements, alliant la Terre, l’Histoire, l’Esprit, et jouant
de concert avec la puissance synordinatrice de chaque conscience et, ici, celle
qui écrit ces lignes. Des étranges coïncidences, mais qui n’ont pas lieu de
valoir comme preuve. Juste l’occasion d’exprimer quelques ressentis, quelques
humeurs et saveurs sur le déroulement de « choses » qui ont autant
d’importance et d’impact dans le monde matériel et objectif que dans celui qui
relève de la subjectivité et du perçu. Car des résonances se créent, y compris
avec les énergies planétaires. Comme l’avait signifié Jünger, la terre se fait
esprit et l’esprit retentit sur la terre. L’homme est-il un intermédiaire et
Dieu la « table réactive et harmonisante » de ce jeu de ping-pong
dont les coups ratés incombent au joueurs, les hommes perfectibles, et la
nature imparfaite, mais qui donne admirablement le change et résiste encore
aux injures du progrès ? Mais les virus sont en embuscade, les tornades et les
tsunamis...
Les rationalistes rejetteront ces
hypothèses, les jugeant gratuites avec la critique du soupçon, les religieux
seront sévères, ne retrouvant pas ce qu’on leur a ancré dans leur cerveau,
seuls les philosophes seront satisfaits, car s’il est une devise pour notre
temps, c’est d’affirmer que si le philosophe veut devenir roi, il doit
considérer le monde comme son royaume et, dans un élan « poléthique »,
faire en sorte que chaque citoyen soit lui aussi le roi ; nous deviendrons
rois et sujets à la fois. C’est une idée limite, qui n’a de valeur que dans la
conduite d’une existence de libre citoyen. Dans la pratique, il faut des
pilotes et des gouvernants pour ce monde complexe. Pour être raisonnable,
plaidons pour un sujet qui soit le roi de sa subjectivité, c’est l’objectif le
plus réalisable. Prendre un envol et s’élever face au temps, voilà ce qu’on
peut souhaiter à chacun, avec ses modestes moyens, comme les miens du reste.
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