Coke en stock (LXXXII) : le Venezuela, porte-avions de la drogue
Le fait est désormais indéniable : les rodomontades des gouvernants vénézuéliens sur leurs capacités à "abattre" des avions deviennent ridicules. Dans la plupart des cas, ce qu'ils montrent à la presse n'est que mise en scène. Des avions d'affaires, par dizaines, capables d'emporter plusieurs tonnes de cocaïne, savent se poser sur de longues pistes de terre dans l'Etat d'Apure, pour y charger et repartir vers le Mexique ou ses voisins, ou même vers l'Europe et l'Afrique, en traversant l'Atlantique. De la cocaïne venue de Colombie ou du Pérou, ou celle manipulée par les Farcs, à propos desquels les vénézuéliens ferment les yeux, on le sait. Les généraux du pays le savent, et y participent même activement, touchant au passage leur obole. Dans le genre, un ministre particulier s'est illustré : Vladimir López Padrino, cemui de la Défense, chargé d'imaginer une pseudo-explication qui se tienne à chaque nouvelle découverte d'avion incendié au sol. Dans le genre, un véritable artiste de la désinformation, avec ses approximations et ses explications ridicules. Le ministre de l'intérieur, d'origine syrienne, n'étant pas en reste, question mensonges d'Etat.
Encore un avion "abattu" ?
On en été resté là, pendant quelques mois, jusqu'en ce jour où où le ministre des armées, l'ineffable Vladimir (Padrino Lopez) annonçait encore une fois la même chose encore : la chute présumée d'un avion de narcotrafiquant qui aurait été "abattu" par l'intraitable aviation bolivarienne ; à qui aucun avion porteur de drogues ne faisait plus peur, visiblement, comme le clamaient en cœur avec Lopez les officiels, sûrs de leur "terrifiante" aviation dotée de K-8 chinois. Effectivement, l'image montrée est éloquente : l'appareil est effectivement réduit à des cendres, à peine si on le reconnaît (la queue relevée en T semblant bien être celle d'un Beechcraft Super King 300, comme on peut le constater... un appareil connu (très connu, même, des vénézuéliens, comme on va le voir).
Un avion absolument pas "abattu" !
Un premier blogueur curieux et attentif s'étonne là encore de la version donnée : l'appareil est resté bien en ligne, et n'a pas impacté le sol (il n'y a pas de cratère de visible) : son train est encore sorti (il s'est effondré dessus en brûlant) et surtout... ses hélices sont en drapeau (leurs pales grises ont deux traits blancs à leur sommet) signe qu'il s'était posé d'abord plutôt tranquillement et qu'il a été incendié après. Un terrible incendie, qui a ravagé tout le fuselage et laissé seulement visibles les fuseaux moteurs, bien noircis... et la queue, restée relativement intacte. D'après les vestiges, on a bien affaire à un Super King Air 300.
Mieux encore, avec la découverte d'un second blogueur, qui laisse plutôt sans voix. Les vestiges visibles des dessins figurant sur la queue pointent en effet selon lui... vers le fameux YV2351 qui a servi à faire le show à Tareck El Aissami, (voir l'épisode précédent) !!! Indubitablement, on a affaire au même appareil, et donc à une sérieuse mise en scène, car l'avion a à nouveau été sorti de la base militaire de la Carlota pour être disposé en plein Apure !!! Quelle mascarade ! Le gouvernement vénézuélien n'hésite donc pas à sacrifier des appareils valant encore quelques centaines de milliers de dollars pour faire croire à l'efficacité de sa lutte contre le trafic de drogue, mettant de ce fait sérieusement en doute cette dernière !!! En conclusion, le Beechcraft aura assuré aussi deux fois le show !!!
Le Venezuela, porte-avions des appareils bourrés de coke
Le fait est, et c'est indéniable, que le Venezuela est devenu un véritable porte avion pour porteurs de drogues, avec des appareils parfois dissimulés dans la jungle, en attendant qu'on vienne tout simplement les utiliser. C'est ce qu'on avait déjà découvert le 20 septembre 2012 lorsque le "Service d'Intelligence bolivarienne" (ou Sebin), tombe (par hasard ?) sur un avion abandonné, un Cessna 421 blanc et bleu, immatriculé B-KDP, dissimulé sous des filets de camouflage sous les arbres, en plein parc national Aguaro Guariquito, près de la municipalité Sebastian Francisco de Miranda, dans l'État de Guarico.
Autour de l'avion, il y a 22 fûts de kérozéne dont 7 encore pleins et 15 trouvés vides. L'appareil n'était qu'à quelques mètres d'une piste de décollage et d'atterrissages clandestins ! L'avion avait tout du candidat à la traversée de l'Atlantique, comme ses confrères décrits ici. Ce n'était pas le premier ainsi découvert "prêt à l'emploi" sous un filet de camouflage. Le 27 octobre 2011, c'est un Beechcraft King Air 200 qui avait été trouvé de la même façon au lieu dit de “Las Matas” a 54 miles à l'est d'Elorza.. L'avion immatriculé N-871C, d'une valeur de 2,5 millions de dollars attendait sagement son tour... l'avion avait été volé quelques jours auparavant vers 3 heures du matin, alors que l'aéroport d'El Higüero (Joaquín Balaguer), en République Dominicaine, était encore fermé (ici en photo, à Punta Cana, autre fief du transit de la drogue).
Une épidémie de bimoteurs en Apure
Et les bimoteurs ou même les biréacteurs tombent comme à Gravelotte, dans l'état d'Apure. Venant directement de Colombie. Ou plutôt se posent, et sont incendiés par l'armée, mais sont présentés comme ayant été abattus par l'armée. Des blogueurs suspicieux le relèvent vite en effet, en remarquant sur la plupart des photos des bimoteurs présentés comme "abattus", le train de l'avion, encore visible malgré la quasi-incinération est sorti et les hélices restées en drapeau, signe que l'appareil s'est posé tranquillement avant d'être incendié. L'armée bolivarienne maquille manifestement les faits, en prétendant avoir "abattu" ces avions, qui se sont soit posés sous la contrainte, soit plutôt ont été découverts après coup, ce que l'on suppose davantage avec la volonté montrée de vouloir en faire à tout prix des victoires aériennes. Et comme aucune boîte noire n'est jamais montrée ni étudiée sur les biréacteurs incendiés (les petits bimoteurs à hélice n'en ayant pas), on se convainc vite que là encore, c'est bien l'armée qui efface les traces d'un trafic compromettant pour elle, davantage que des appareils poursuivis par des hypothétiques avions vénézuéliens. Les vénérables F-16, achetés par le prédécesseur de Chavez en 1983 paraissent fort mal lotis pour en effectuer la chasse, et quand aux fameux K-8 chinois montrés en exemple par ce même Chavez, la flotte s'en est réduite, avec le crash d'un appareil lors... d'une démonstration aérienne destinée à fêter l'anniversaire des forces aériennes bolivariennes.
La grande esbrouffe du pouvoir
Non, résolument, tout est du flanc, et fort peu de crashs montrés dénotent d'une chute de l'appareil (ici à gauche un avion retrouvé - incendié au sol- à Pedro Camejo danss l'Apure) un ou deux exemples seulement montrent un avion lourdement tombé à plat, moteurs enfoncés dans la boue (comme celui ci-dessus avec un avion piloté par un jeune pilote colombien : celui-là est vraiment tombé de haut, tel quel , et pourrait avoir été abattu : mais c'est pratiquement le seul dans ce cas Cet avion, un Beechcraft Super King Air avait ainsi annoncé comme volé le 25 mai dernier à Atlixco au Mexique dans l'état de Puebla. Son propriétaire, qui venait juste de l'acheter sur une adjudication du gouvernement mexicain (le Secrétariat des Finances et du Crédit public ou SHCP, l'avion aurait donc pu faire l'objet déjà d'une saisie précédent pour trafic de drogue !) avait été menacé chez lui (ou plutôt on l'avait appelé pour dire que son enfant avait été enlevé, ce qui était faux !) s'il ne donnait pas par téléphone à l'aéroport les codes permettant de faire voler l'avion. L'homme déposera le 27 mai une plainte au commissariat portant le numéro 1127/2014 pour dénoncer les faits. Le 28 mai, on retrouve l'appareil crashé, profondément enfoncé dans la boue d'un terrain de l'Apure au Venezuela, l'occasion pour l'impayable général Vladimir Padrino López, de faire le fanfaron et Twitter une photo avec la légende : "Une fois de plus notre FANB (la force aérienne bolivarienne) a fait respecter notre souveraineté. Un King-Air 300 abattu au sud-est de Bruzual, Apure". Celui-là, en effet, pourrait l'avoir été...
L'affaire n'est pas pour autant terminée, une famille mexicaine cherchant depuis le 26 son fils, le pilote professionel Mario Nocove Fernando Muñoz découvrant l'information s'inquiétant du silence de leur enfant. C'est le 13 juin où le journal El Universal a publié un (excellent) article intitulé : "Apure, zone à risque pour les avions". Le fils aurait été contacté en mai pour faire un voyage en Colombie, puis pour se rendre ensuite à Mexico où il a été hébergé à dans l'hôtel Century Zona Rosa, d'où il avait affirmé être fatigué par les trajets aériens. Le 26, son ex épouse l'avait eu une dernière fois au téléphone... il appelait, selon, elle de Bogota même, où elle-même réside .
Le 6 juin, le père de Fernando se rendait auprès de son ex belle fille, qui reçevait toujours des coups de fils de personne ayant croisé son fils, dont un dénommé "Kiko" qui lui a appris la mort de son fils... à Bruzual. Lors d'un rendez-vous avec le dénommé "Koko", le père apprenant par la même occasion qu'il y a quatre endroits concernés par le trafic et où se trouverait sans doute le corps de son fils : le premier est bien sûr le Mexique, le second la zone de Bruzual les, troisième et quatrième étant Guasdualito au Venezuela et Arauca, en Colombie, décrivant ainsi les points-clés du trafic. Le trajet effectué par le bimoteur était sans aucun doute celui d'Arauca-Bruzua, le trajet "parallèle" étant de Bogota-Guasdalito.
Une découverte de plus
Avec toujours la façon de montrer les choses allant dans le sens d'avions "interceptés en vol", ce qui est rarement le cas. Le 9 février, un hélicoptère (Puma) de l'armée venezuélienne survolant l'Apure se fait accueillir par une volée de mitraille. L'engin est alors au dessus de Cararabo, à 25 km seulement de la frontière, à proximité de Cinaruco, dans la petite municipalité de Pedro Camejo de Apure.
Aucun blessé chez les militaires, qui posent leur Puma à côté d'un nouveau venu : un Embraer 820, avec de "fausses immatriculations" selon les venezuéliens. Effectivement : sur les côtés du fuslage (où l'on peut voir des impacts de balles en réponse des militaires), on découvre des... autocollants découpés à la va-vite et mal collés, annonçant le YV-2155 (c'est le numéro d'un Cessna 402B en fait). Sa silhouette est reconnaissable de loin : c'est le Piper PA-31 Navajo construit sous licence au Brésil (le reportage photo est ici) !
Dedans, l'armée découvre, encore sagement ficelés, des paquets faisant plus d'une tonne au total de cocaïne. Et aux côtés de l'avion intact, des bidons d'essence pour le remplir : visiblement, celui là avait envie de redécoller !
Le communiqué des vénézuéliens évite soigneusement, comme on peut le voir d'indiquer l'origine exacte de l'appareil. Faut dire que c'est une... nouveauté (les Embraer de ce type sont plus rare que les Piper d'origine). Mais une recherche approfondie nous fait découvrir l'oiseau qui a gardé sa livrée d'origine : c'est bien le PT-LHO, photographié ici au São José do Rio Preto Prof. Eribelto M. Reino... au Brésil !!! Un Embraer N°820122 qui se trouve facilement, car, surptise, il figure sur Wikipedia ! Les trafiquants ont-il eu recours à l'Encyclopédie du net pour le choisir, voilà qui est quelque peu surprenant !
Les erreurs à répétition de Padrino
Quant au ministre de la défense vénézuélienne, Vladimir López Padrino, devrait surtout réviser ses gammes, car ça cafouille toujours autant au sommet de l'Etat, dès qu'il s'agit d'expliquer les "interceptions" d'avions de la drogue.. Le 13 juin 2014, il annonce ainsi que ses avions ont "abattu" un "Beechcraft C90 king Air" dans l’Etat d’Apure. Pour fêter ça, il poste sur son compte twitter une photo où il spécifie lui-même le type de l’appareil "abattu". L'homme est un habitué : il avait déjà fait de même en décembre 2013 avec un autre appareil, visiblement posé au sol et non abattu. Manque de chance pour lui, cette-fois ci ça n’est absolument pas un C-90 à turbopropulseurs, et certainement pas non plus un avion "abattu", mais une fois encore un appareil incendié une fois au sol, visiblement. Les moteurs encore reconnaissables sont des moteurs classiques de type Lycoming en cylindres à plat. Les caractéristiques, plutôt, d’un Piper Navajo. La roulette avant encore munie de son compas d’amortisseur et les entrées d’air des moteurs confirment en effet le type de l’appareil. Même boulette en septembre, mais pas sur le même registre, avec un avion qui s’est écrasé à Casigua el Cubo près de Jesús María Semprún, à 60 km environ du lac Maracaibo.
Des cadavres pris en otage !
Cette fois-ci, c’est bien un Beechcraft, immatriculé YV1537, et on ne parle plus cette fois d'avion "abattu". Il venait de décoller d’Anaco, près de Santa Bárbara, dans l’Etat de Zulia. Mais on indique tout d’abord que « pour des raisons de sécurité les sauveteurs ne peuvent pas atteindre le site, car seule la Sebin est autorisée à le faire, car c’est dans une région près de la frontière colombienne, et apparemment des information indiquent que l'avion est lié au trafic de drogue »’. Les indications suivantes précisant que les trois occupants de l’appareil ont été retrouvés morts. "Ils ont trouvé les corps sous les décombres de l'avion. Efrain Alberto Blanco Castro était le pilote le navire. Il était accompagné par Gerardo José González Villarroel en tant que copilote et José Luis Turnes Muria en tant que passager. Une source policière a déclaré que l'Armée et la Sebin ont bouclé environ 10 km autour de la zone de l'incident".
Un cliché montre en effet l'appareil, dont le corps central a été incendié, à la suite du crash, pense-t-on. Un site internet, étrangement, montre une autre photo du crash ; mais avec les mêmes commentaires : or c'est un tout autre crash, celui survenu en novembre 2013 en Bolivie à un avion d'Aerocon Airlines, un Swearingen 227 fort reconnaissable par ses grandes jambes de train. On en reste là, quand le 25 septembre qui suit, coup de théâtre : Efrain Castro et Alberto González Blanco José Gerardo Villarroel, âgés respectivement de 54 et 26 ans, signalent à leurs proches qu'ils sont tous deux vivants, et communiquent à la presse une bien étrange histoire : ils afffirment que "leur passager, José Luis Turnes, a tenté de s'emparer de l'aéronef Beechcraft King 90, numéro YV1537, appartenant à l'entreprise Restinca, (il est répertorié comme appartenant effectivement à "Repuestos y servicios tecnicos industriales c.a.") alors qu' ils étaient à environ 20 minutes de vil après le décollage, entre Anaco et Santa Bárbara del Zulia, vendredi à 17h30. L'histoire contée par White et Villarroel dit que Turnes les a menacés avec une arme et forcés à atterrir sur un chemin de terre, à 6 km de Casigua Le Cube. Il a également obtenu d'éteindre le dispositif qui permet la localisation de l'avion. Ils ont dit qu'ils ont ensuite été aveuglés par un bandeau et placés dans un véhicule, avant d'être libérés à San Fernando. Ils n'indiquent pas pourquoi. L'aéronef a subi un dysfonctionnement après l'atterrissage. Les sources du service de sauvetage que l'appareil a été remorqué avec un tracteur vers une zone boisée et incendié". L'avion, encore une fois a été incendié alors qu'il était au sol. Pourquoi donc Padrino a-t-il menti, en laissant les familles des "disparus" dans l'incertitude, on ne le saura jamais. Début mars de la même année, il avait déjà posté sur son compte twitter une photo d'appareil incendié à Guasdualito, en Apure, dont on ne distinguait plus que la queue noircie, en affirmant qu'il avait aussi été abattu (notez le "copyright Vladimir Padrino"... ). Sans préciser autre chose sur l'avion, un Beechraft C-90 dont on ignore encore tout à ce jour... un de plus ! Pas davantage en effet de renseignements dans la bible "AviationSafetyNetwork" !!! Même pas le numéro de série !!!
Le tremplin vers l'Europe et l'Afrique
Au bilan final, le 3 novembre dernier, José Ignacio Mayorca, du magazine vénézuélien El Nacional, parlait désormais du Venezuela comme le "trampoline" des vols de drogue vers le monde entier, le tremplin plus exactement. Les avions y rebondissent en venant de Colombie ou du Pérou, où viennent charger leur cargaisons de coke en venant du Mexique, pour y repartir aussitôt (ou dans les pays voisins). "Le rapport et les comptes du ministère de l'Intérieur, Justice et Paix de 2013 indiquent qu'au cours de cette année (...) l'impunité pour les vols illicites dans cette période a été de 63% (...). Nous sommes devenus comme un tremplin pour la drogue (...). La FANB a trouvé des preuves que les pilotes des vols illicites, font ces voyages la nuit et se posent sur les pistes dans des États comme ceux de Bolívar et Falcon, guidées par des systèmes de positionnement par satellite. Sur des pistes improvisées balisées avec des ampoules ou des torches ". Le même journaliste, en parlant du dernier Gulfstream II atterri en pleine piste de terre, décrit dans ces récents épisodes, évoquait "une opération illégale majeure ". On ne saurait moins dire. Demain nous plongerons un peu plus encore dans les compromissions gouvernementales vénézuéliennes, si vous le voulez bien, qui mettent en danger sa démocratie, en laissant les militaires véreux faire ce qu'ils souhaitent (à savoir s'enrichir !). Nous sommes loin encore, pourtant, d'en avoir fini avec les avions de la drogue au Venezuela...
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