Coke en Stock (LXXXIV) : pris la main dans le sac
Les généraux qui entouraient Chavez, ses frères d'armes et de coup d'Etat, et ceux qui entourent aujourd'hui Maduro sont les personnes les plus influentes du pays, car ce sont elles qui contrôlent le trafic de cocaïne au Venezuela. C'est à dire aussi, obligatoirement, que ces gens-là s'enrichissent ouvertement alors que le pays est exsangue et que ses revenus du pétrole baisse et que le réservoir sur lequel il est assis demeure inexploitable rapidement. On en aura un exemple flagrant avec l'un d'entre eux, pris la main dans le sac, en train de balader près d'une demi-tonne de cocaïne dans sa propre voiture. La corruption au sein de l'armée est généralisée, et les grandes idées sociales chères à Chavez en public bien loin de leurs préoccupations, personnelles bien plus terre à terre, comme on va le voir. Pour ceux qui en doutaient encore, la saisie record de Roissy de septembre 2013, a été le coup de massue sur la tête. Car à la tête de l'envoi, il y avait bien des généraux vénézuéliens (*)... dont un, en particulier...
Maduro, enfin décidé à sévir ?
En mai 2013, le président Maduro semblait enfin enclin à s'occuper du trafic de cocaïne dans son pays, en acceptant d'en parler en public pour la première fois. Hélas, sans surprise, son propos était loin d'un début d'action pour résoudre le mal qui rongeait le pays depuis des années. Le 20 mai en effet, écrit James Bargent : "le Président du Venezuela, Nicolas Maduro, a admis que le pays avait un problème de trafic de drogue, mais il a porté le blâme sur les organisations paramilitaires colombiennes ayant des "liens avec la droite fasciste," ignorant commodément le rôle des groupes de la guérilla de gauche vénézuélienne et des militaires. S'exprimant lors d'une visite à l'Etat frontalier de Tachira, Maduro a dit que "ce crime [le trafic de drogue] qui vient de Colombie, est en train de changer et de se muer en un monstre. Les trafiquants de drogue et des paramilitaires commencent à contrôler notre voisin et de plus en plus, ils sont étroitement liés à la droite fasciste, [et] Ils font partie des partis [politiques] fascistes ," a-t-il ajouté. Le président a également annoncé un audit de tous les notaires dans les villes limitrophes de la Colombie dans le cadre d'une enquête sur l'achat de propriétés avec les profits du commerce de la drogue" (des notaires fascistes, on suppose !).
Pas vraiment
Si le président vénézuélien reconnaissait pour la première fois l'ampleur du problème, sa façon d'éluder le rôle des Farcs et le soutien de son pays au groupe d'extrême gauche responsable d'une grande partie du trafic de cocaïne était à la fois sans surprise et plutôt désolant. En digne successeur d'Hugo Chavez, Maduro ne voulait rien savoir, et rien voir en effet : "cependant, comme avec son prédécesseur, le nouveau président en fait une question hautement politisée. La liaison faite par Maduro des groupes de narco-paramilitaires liés à un mouvement politique fasciste poursuit sa rhétorique de plus en plus paranoïaque, avec ses allégations qui ont inclus l'ancien président colombien Alvaro Uribe, complotait selon lui pour l'assassiner." Visiblement, le successeur de Chavez gardait les mêmes œillères et le même cap : "absente de sa vue politisée des problèmes de trafic de drogue du Venezuela, est la présence des groupes de guérilla de gauche de la Colombie, qui opèrent sans être inquiétés sur le territoire vénézuélien et sont fortement également impliqués dans le commerce de la drogue. Un autre absent est le rôle de l'armée vénézuélienne, en particulier le réseau lâche de militaires de haut rang connus comme le Cartel de los Soles (Cartel des Soleils), qui est de plus en plus soupçonné de jouer un rôle important dans le commerce de la drogue".
Le fameux Cartel des Soleils : des généraux vénézuéliens enrichis
Le Cartel des Soleils ainsi appelé en raison des décoration des haut-gradés vénézuéliens, qui au lieu d'étoiles sur leurs épaulettes, arborent en effet des soleils, est un fait reconnu désormais par un bon nombre d'observateurs. En adroit politique, Maduro avait récemment donné en pâture à ses électeurs mécontents trois d'entre eux, limogés par lui en mars dernier. Pour notre observateur, ça n'avait rien de surprenant en effet : "lorsque le président vénézuélien Nicolas Maduro a annoncé l'arrestation la semaine dernière de trois généraux de la Force Aérienne pour avoir fomenté un coup d'Etat, ce ne était pas une grande surprise. L'armée, après tout, a joué un rôle dans la politique du pays lors de conflits déjà, bien avant - en 2002, le mentor et prédécesseur de Maduro, Hugo Chavez, avait été démis de ses fonctions pour la bagatelle de 47 heures par un coup d'Etat qui a été renversé par des officiers loyalistes.
Mais bien que les trois généraux de la Force Aérienne démis pouvaient très bien avoir des liens avec les secteurs "de l'opposition" selon les allégations de Maduro, ils ne représenteraient pas pour autant la plus grande menace face à ses commandants militaires. Parce que les généraux dont il devrait- et presque certainement doit - avoir le plus peur sont ceux qui sont devenus immensément riches grâce à l'idéologie politique chaviste "la liberté pour tous" défendue par Chavez et poursuivi par Maduro. Ils peuvent ostensiblement rester de son côté, mais ils ne seront pas à rester là à regarder Maduro permettre au système de s'effondrer" (...)
Avec le soutien implicite de Chavez : les "Boligarchs"
" Chavez avait recours à l'achat de la loyauté de l'armée. En conséquence, les principaux responsables ont reçu l'immunité efficacement juridique pour se lancer en affaires dans le trafic de drogue. Quels que soient les effets sur les citoyens ordinaires des tentatives de Maduro pour réprimer l'agitation publique, c'est le risque potentiel pour les flux de richesse des personnalités militaires clés - et les gens aux affaires proches du régime, ou "Boligarchs" - qui devront probablement choisir s'il reste ou s'il s'en va". En résumé, Maduro est en mauvaise posture, et le pays peut craindre à tout moment un coup d'Etat militaire, d'autant plus que Maduro ne l'est pas lui-même, militaire, au contraire de Chavez !
Des enrichissements personnels
Des généraux qui se sont enrichis de deux façons. La première étant le pillage des subsides gouvernementaux. "L'armée vénézuélienne n'était guère faite chair innocente lorsque Chavez au pouvoir en 1999" explique Alaa al-Ameri, " et il a réussi à appliquer une politique qui a élargi la corruption militaire à des niveaux sans précédent. Comme officier de carrière dans l'armée, le militaire Chavez avait estimé qu'il devrait jouer un rôle civique fort. C'est pourquoi une fois élu président, il a commencé le travail en affectant à l'armée la mise en œuvre de divers programmes sociaux pour les pauvres. Ces programmes ont reçu des centaines de millions de dollars, placés dans les mains des officiers de haut rang. De grosses portions de ces millions distribués ont mystérieusement disparu" ajoute l'auteur. L'autre problème étant comme pour Chavez l'entourage présidentiel, et sa fiabilité, en effet : "malgré les promesses de Chavez, et maintenant celles de Maduro, pour éradiquer la corruption, les chances d'être poursuivi semblent dépendre largement de la proximité et de l'utilité de l'individu auprès du président. Raul Baduel, par exemple, était l'un des officiers chargés de la restauration de Chavez au pouvoir après la tentative de coup d'Etat 2002.
Baduel a été récompensé par une promotion au Ministre de la Défense, et est resté un proche allié de Chavez jusqu'en 2007. C'est alors que Baduel a accusé le président de tentative d'usurper la constitution en le modifiant pour lui permettre de briguer un troisième mandat en tant que président qu'il a été démissionné. Peu de temps après, il a été arrêté sur des accusations de corruption et a été condamné à huit ans de prison".
La gangrène de la corruption s'est étendue
Car une bonne partie de hauts responsables est gangrénée par le trafic de drogue sa seconde pat de revenus, devenue la première désormais. Selon le site Ijustsaidit.com, "les membres des Forces armées regardés comme les plus profondément impliqués dans le trafic de drogue au Venezuela sont, comme prévu, concentrés le long de la frontière occidentale avec la Colombie ; en particulier dans les États de l'Apure, de Zulia et de Tachira. La puissance de ces cellules vient de son accès aux principaux aéroports, les postes de contrôle et des ports, y compris Puerto Cabello dans l'État de Carabobo. On pense que ces organisations militaires ont en tant que fournisseur de cocaïne la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), et aussi le Moyen-Orient et Magdalena ". Selon Insightcrime.org se rend compte que "l'une des indications les plus claires que de hauts responsables des forces de sécurité ont été impliqués dans le crime organisé a été en 2008, lorsque l'Office of Foreign Assets Control (OFAC, pour son sigle en anglais) a annoncé des sanctions contre plusieurs hauts fonctionnaires vénézuéliens ".
La liste visait précisément le major-général à la retraite Hugo Carvajal, alors directeur du renseignement militaire du Venezuela, et Henry Rangel Silva, chef du commandement stratégique opérationnel des Forces armées du Venezuela et désignait quelques mois plus tard pour compléter le ministre Défense, également à la retraite, Ramon Rodriguez Chacin (ici à droite) ancien ministre de l'Intérieur et l'actuel gouverneur de l'Etat central de Guarico. Le site avertissait que "tous étaient prétendus contacter les FARC dans un schéma d'échanger de la drogue contre des armes." Il a également signalé "qu'en septembre 2011, l'OFAC a sanctionné quatre fonctionnaires vénézuéliens, des accusations fondées à partir des preuves récupérées sur les ordinateurs portables trouvés dans le camp des FARC où avait été tué le commandant Raul Reyes. Il s'agissait de Cliver Antonio Alcala Cordones, plus tard nommé à la tête de l'Armée de Défense de la Guyana, une région stratégique, Freddy Bernal député, ancien maire de Caracas ; l'officier du renseignement Ramon Isidro Madriz Moreno et Amilcar Figueroa Salazar, membre du Parlatino, à qui avait été décerné le « sale boulot » du trafic d'armes au profit des FARC. Tant Chavez que ses collègues ont nié les allégations et ont affirmé que la liste de l'OFAC de faisait partie d'un plan de déstabilisation contre le gouvernement révolutionnaire". Ne manquait plus qu'un exemple flagrant pour démontrer ces liens entre armée et trafiquants. L'occasion apparaîtra début 2014, en fait...
Pris en flagrant délit
Le 13 février 2014, à cinq heures du matin, en effet, cinq pandores, affectés au troisième peloton de la première compagnie de frontière du détachement n° 32, dépendant de la 3eme région du commandement régional de la Garde Nationale ; placent un point de contrôle mobile au km 28 route de la route menant à Santa Inés, près de la ville de Catatumbo, dans région de Zulia. Une demi-heure plus tard, il observent en approche un véhicule récent de marque Ford Explorer type Sport Wagon de couleur blanche, de l'année 2013, portant les plaques AF293RG, avec à bord deux personnes :
le conducteur de ce véhicule porte un uniforme vert olive militaire. Le véhicule une fois arrêté, lors de ce contrôle de routine, les personnes à bord sont identifiées, et le chauffeur n'est autre qu'un gradé de la garde nationale avec le grade de colonel, du nom de Googlis Martin Caballero Casanova (ici à gauche), avec à ses côtés sa femme, Diana Mireya Alvarez Quintero. Les fonctionnaires remarquent que l'homme est nerveux, trés nerveux, et encore plus quand on lui demande d'ouvrir le coffre de sa voiture. Dedans, de grand sacs noirs contenant "quatre cent quatre vingt dix sept (497) emballages rectangulaires couverts à l'extérieur avec du ruban en plastique (en plastique) de couleur transparente (ruban adhésif) sur un matériau synthétique (latex - caoutchouc) rouge, et enfin une matière synthétique (sac en plastique) de couleur noire et transparente, qui sont identifiés avec l'inscription "FENDI", imprimée sur des feuilles de papier blanc ; contenant à l'intérieur une substance blanche dense et compact à l'odeur caractéristiques de cocaïne forte, piquante"
comme le décrit avec précision le procès l'accusation du 26 Juin 2014 : chaque paquet faisant un kilo, le véhicule contenait près d'une demi tonne de cocaïne (499,319,33 kg exactement !) ! Le colonel de la Garde Nationale est pris sur le fait : la presse trouvera vite après son mode de vie, plutôt luxueux : on le verra en outre en train de poser avec sa femme à bord de son yacht à moteur, en caleçon de bain, et elle en bikini. Le narcotrafic, rend riche, chez les haut gradés, à l'évidence !
Des liens évidents avec les Farcs
Dans ce contexte, de surveillance et de méfiance réciproque, l'épisode récent de l'arrestation puis de la libération d'un proche de Chavez est caractéristique de la situation en effet. Le problème étant ce qu'il sait du trafic de drogue, tout simplement. Un trafic ainsi décrit : "avec sa côte vers les Caraïbes et sa frontière poreuse avec la Colombie, le Venezuela a longtemps été une voie essentielle pour les grosses expéditions de cocaïne. Beaucoup de ces expéditions appartiennent aux rebelles des FARC marxistes. Avec en fond les décennies de guerre contre le narcotrafic du gouvernement colombien, lors d'opérations massives. Le territoire vénézuélien est devenu une voie encore plus attrayante après que Chavez ait expulsé de la DEA américaine en 2005. La Colombie, en attendant, avait doublé son partenariat avec la DEA, ce qui rendait toujours plus difficile pour la cocaïne de se déplacer vers les ports colombiens (...).
Le gouvernement de Chavez a été accusé à plusieurs reprises par les autorités colombiennes d'entretenir des liens opérationnels aux FARC - Chavez a farouchement nié ces accusations. Cependant, avec plusieurs ordinateurs portables récupérés après l'assassinat de Raul Reyes (à droite ici ses disques portables LaCie), le porte-parole des FARC en 2008 ont laissé entendre le contraire. Des correspondances sur les ordinateurs portables ont confirmé le transfert de centaines de millions de dollars de l'armement russe et chinois aux FARC par le gouvernement Chavez. Des personnalités du ministère de la Défense du Venezuela ont été accusés par le gouvernement américain de travailler avec les FARC pour transporter des cargaisons de drogue pour l'exportation, par le Venezuela aux États-Unis et ailleurs - y compris lors d'un record de 1,3 tonnes de cocaïne saisis à Paris en septembre dernier, la plus grande saisie de cocaïne jamais faite en France métropolitaine. Un trafic suspecté d'être lié à un groupe au sein de la Garde Nationale vénézuélienne Connu comme Cartel de los Soles, ou " ou Cartel des Soleils,« soi-disant à cause des insignes en forme de soleils sur leurs uniformes. Parmi les officiers de plus haut rang d'être accusés de trafic de cocaïne pour les FARC
a été cité le général Henry Rangel Silva, un ancien ministre de la Défense et membre du cercle intime de Chavez qui a initialement été pressenti pour prendre le relais après le décès Chavez l'année dernière".
Le danger d'un coup d'Etat se rapproche
Le choix de Maduro comme président étant en ce cas un choix par défaut : on a donc sélectionné le moins compétent, ou le plus fade de tous, afin qu'il ne vienne pas trop fouiner dans les turpitudes des militaires : le pouvoir civil, avec Maduro, n'est qu'un gouvernement fantoche, un paravent pour les militaires qui dirigent donc véritablement le pays. Et qui continuent à faire croire qu'ils abattent avec leurs avions ceux des trafiquants de drogue. En vidéo ici, un poursuite de Cessna C210T Centurion par un F-16 vénézuélien, pas vraiment fait pour ça... au dessus de Punto Fijo, à très basse altitude. Une vidéo vue comme suspecte par les bloggeurs... car non suivie de celle de l'arrestation au sol de l'avion, "venu du Honduras", quise serait posé ensuite à Tiguadare. L'armée montrera à cette occasion une image...largement retouchée de l'intervention... toute "capture" ou tout "avion abattu par l'aviation vénézuélienne n'est que mise en scène !
Des généraux, on l'a vu, le plus inquiétant est un petit bonhomme surnommé "le poulet". Il convient d'étudier son cas en détail, ce que je vous propose de faire très bientôt... mais avant, j'ai encore un exemple pendable à vous raconter, qui nous vient.. d'Allemagne cette fois.
(*) un en particulier, sur lequel je vais revenir bientôt : « Il a énormément de pouvoir, c’est un homme dangereux. Il espionnait même Chavez », commente l’ancienne juge Mildred Camero. Extirpé de la tête des services d’intelligence militaire en 2011, le général Hugo Carvajal tente de négocier son extradition avec la DEA (Drug Enforcement Administration), sans succès. En octobre 2012, il revient aux affaires en prenant la direction du Bureau national contre le crime organisé puis, en avril 2013, celle de la Contre Intelligence militaire. A l’époque, le « pollo » voyage peu, de nuit, en cachant sa calvitie sous une moumoute et en utilisant trois passeports différents. C’est alors que son nom est associé au scandale Air France. Le cousin du général, chef de la sécurité de l’aéroport de Caracas, est rapidement mis en cause dans l’affaire, ainsi que le bras droit du « pollo », Alexander de Nogal, soupçonné d'être un narcotrafiquant. Mildred Camero raconte : « Les services d’intelligence canadiens ont prévenu Nicolas Maduro pour Carvajal et Air France quelques jours avant le coup. Le président a ensuite donné au général un poste de consul à Aruba pour l’écarter gentiment, mais il y a eu des embrouilles autour de l’immunité diplomatique. »
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