Coke en Stock (LXXXVII) : un procureur et un poulet bien cuit au menu
Voici que l'on arrive au plat de résistance de cette longue enquête de plusieurs mois. Et au menu, c'est un poulet, en effet. Autrement dit "el pollo" (*), vers qui converge toutes les accusations. Le surnom de l'homme le plus infuent du pays, pas beaucoup plus grand qu'un (petit) Napoléon, dont il a retenu les leçons sur la police secrète. Un peu fluet, mais un personnage pesant son poids politique, au point de faire ce qu'il veut du président Maduro, comme on va le voir, obligé d'aller le chercher en grandes pompes dans son exil doré... après l'échec de négociations secrètes avec... les américains, dans un épisode rocambolesque récent qu'il convient de relater en détail. Récit des aventures du poulet... qui serait "plus dangereux que Pablo Escobar" pour certains.
Un épisode supplémentaire à la saga
C'est dans ce contexte de révélations sulfureuses que le18 Juillet 2014 est survenu un épisode à la fois retentissant et tragi-comique. On commence par le tragi-comique avec le cas d'un important procureur vénézuélien, qui souhaitait passer tranquillement ses vacances en famille en allant visiter le célèbre Fantasy Land de Disney en Floride. A peine débarqué à Miami, en venant de Caracas, le voilà directement arrêté par des agents fédéraux américains. Son avocat dira qu'un "piège à ours s'était refermé sur lui" ; tant le dossier qui l'attendait, instruit pendant des années, était épais. Benny Palmeri-Bacchi, c'est son nom, se retrouvait aussitôt accusé de corruption passive pour faciliter les expéditions de cocaïne par le Venezuela au Mexique et dans les Caraïbes et la distribution ensuite aux États-Unis, pas moins. Parmi les plaintes contre lui, un assassinat et des tortures ou même un viol menées en prison, en plus des accusations de trafic de cocaïne : du lourd, donc, du très lourd ! Très vite, l'homme comprend qu'il a intérêt à plaider coupable ou plutôt à tenter de bénéficier du système judiciaire américain octroyant une protection en cas d'aveux (et donc à mouiller pas mal de gens haut placés au Venezuela). Ce qu'il fait très vite, en coopérant abondamment, après avoir tenté de plaider non coupable pourtant, en un premier temps, notamment sur un autre aspect des charges celui du "blanchiment d'argent", de "complot" et "d'extorsion de charges". Mais en mouillant aussi clairement pour la première fois clairement le système Chavez (et celui de Maduro, bien entendu).
Des manœuvres tortueuses
"Selon des documents judiciaires, Palmeri a reçu 850 000 dollars pour aider à créer une fausse accusation concernant Jaime Alberto "Beto" Marin Zamora, un membre du cartel colombien du Norte del Valle. L'idée était d'utiliser cette fausse accusation pour éviter à Marín d'être extradé aux États-Unis". C'est la première fois qu'un allié proche du défunt président vénézuélien Hugo Chavez avouait avoir fait partie du commerce de la drogue. L'homme n'avait pu que se rendre à l'évidence, car en face de lui il y avait le tenace procureur vétéran du ministère de la Justice Richard Gregorie, celui qui avait pris en charge le cas du dictateur panaméen Manuel Noriega en 1992. Un nouvel incorruptible, pour beaucoup d'observateurs extérieurs. Un an auparavant, en décembre 2013 ce même procureur enquêtant sur le fameux Cartel des Soleils, avait fait de Palmeri un des trois hommes a inculper au plus vite. Le second s'appelant Henry Rangel Silva (ici aux côtés de Chavez)... et le troisième Hugo Carvajal Barrios, le plus gros poisson de la nasse, selon le volumineux dossier. Tous deux chargés comme des mules par Palmeri ! Carvajal Barrios, accusé d'être lié au Cartel del Norte, responsable du trafic de 60% de la cocaïne importée aux États-Unis depuis les années 1980, et à l'ancien chef du groupe, Wilber Varela, mort assassiné en 2008 !
Les comptes bancaires cachés des dignitaires vénézuéliens
Un autre homme était apparu dans l'enquête sur Palmieri : Rodolfo McTurk, qui a été un temps d'Interpol directeur au Venezuela (?), accusé par le trafiquant devenu informateur Jaime Alberto Marin Zamora, surnommé Beto, d'être mouillé lui aussi : "Palmeri et McTurk ont tous deux créé des comptes bancaires secrets dans diverses banques à Miami et en Europe où se trouvaient leurs substantiels pots de vin déposés" avait ainsi révélé Richard Gregorie. Parmi les hommes clés de l'accusation, un dénommé Beto Marin, lieutenant de Varela, selon l'accusation. "Entre 2006 et Septembre 2010, Beto Marín (ici à droite lors de son arrestation sur l'île de Margarita le 16 septembre 2010) était le directeur du Cartel del Norte qui a envoyé au moins 30 tonnes de cocaïne aux États-Unis en provenance du Venezuela via diverses îles des Caraïbes et le Mexique".
Trente tonnes de coke !!! En 2012, Marin avait déjà accepté de témoigner au tribunal fédéral de Miami contre Benny Palmeri-Bacchi, en contrepartie de 16 ans de prison seulement (il en risquait au minimum le quadruple). Le 5 novembre dernier, Palmeri plaidait coupable de "blanchiment d'argent, d'extorsion et d'obstruction de la justice" à Miami devant un tribunal fédéral (il a échappé à la plus grave, celle d'organisation de trafic de cocaïne !). Sa peine devant être prononcée courant 2015.
Le poulet qui protègeait toute une basse-cour
Un autre homme est revenu dans toutes les dépositions : Hugo Carjaval Barrios. En 2012, il est au centre de toutes les arrestations récentes de narco-trafiquants, malgré le fait qu'il venait de prendre sa retraite l'année précédente : "après son départ en retraite en 2011, les trafiquants de drogue ont commencé à tomber comme des dominos", comme le rappelle El Espectador. "Valenciano a été capturé en Aragua en novembre 2011, Hector Buitrago, alias Martin Llanos, a été arrêté en Anzoategui en février 2012 ; Chaume Diego en juin à Barinas.
Et Luis Enrique Calle Serna, le chef du groupe de narco-paramilitaire "Los Rastrojos" avec Diego Perez Henao (ici à gauche) alias "Diego Chaume", ces derniers mis en cause lors de l'examen des disques durs saisis aux leaders des Farcs : "le 9 Octobre 2010, le président colombien Juan Manuel Santos a révélé que dans les ordinateurs de Mono Jojoy avaient été trouvés des documents révélant les alliances entre les FARC et les gangs criminels liés au trafic de drogue en Colombie. Cela visait spécifiquement des conversations entre Mono Jojoy et d'autres membres de la planification stratégique de la contrebande de drogues du secrétariat des FARC, tels que Daniel Barrera Barrera, alias "Loco Barrera alliances", et Luis Enrique Calle Serna "Comba" ou "Fighter" , le chef du gang criminel "Los Rastrojos". Le calendrier des événements ne laissant que peu de doutes sur le soutien jusqu'alors dont bénéficiaient les narcotrafiquants auprès de Carjaval Barrios, qui avait empêché ou bloqué leur arrestation.
D'autres têtes tombent également : en septembre 2011, autre coup dur pour le gouvernement, l'OFAC (U.S. Department of the Treasury’s Office of Foreign Assets) annonce qu'elle "sanctionne quatre fonctionnaires vénézuéliens, sur des données probantes récupérées dans les ordinateurs portables trouvés dans le camp des FARC où a été tué le commandant Raul Reyes. Cliver Alcala Cordones Antonio, nommé à la tête de la Región Estratégica de Defensa Integral de Guyana del Ejército (REDI Guyana). Le député Freddy Alirio Bernal Rosales,, ancien maire de Caracas. L'officier de renseignement Ramon Isidro Madriz Moreno est aussi nommé,et enfin Jésus Amilcar Figueroa Salazar, alias "Tino" un homme politique décrit comme "un trafiquant d'armes pour les FARC (...) et un contact principal pour les dirigeants des FARC qui s'est installé au Venezuela"... tous tombés comme par hasard une fois seulement Carjaval parti... parmi les "protégés", de riches arrivistes et des banquiers, dont la liste est ici. On y remarque par exemple Victor Vargas, à la tête de la banque Banco Occidental de Descuento, propriétaire d'une immense villa en Floride (le Caracas Country Club) alors qu'il est surveillé pourtant par la DEA, mais également d'un yacht, d'un hélicoptère Agusta 109 et d'un avion Gulfstream... "le banquier de Chavez", moqué ici...
L'épisode pendable du "poulet"
Mais un second séisme survient le 23 juillet 2013 : le fameux Carvajal Barrios, justement, surnommé "le poulet" (ou le "petit coq") jeune retraité fraîchement nommé par Maduro consul à Aruba (en janvier dernier), un lieu réputé de villégiature - ici à gauche-, situé à 7 km à peine au nord de la côte vénézuélienne, est arrêté sur place par le gouvernement néerlandais (l'île est en effet restée hollandaise !). Sur pression, on s'en doute, du gouvernement US et de l'implacable procureur Gregorie, qui ne lâche pas ses proies aussi facilement. Après Palmeri, c'est un second coup dur pour l'après Chavez. L'occasion immédiate pour Maduro de crier au complot, bien entendu, en faisant appel à l'immunité diplomatique de son envoyé très spécial : " le Président de la République bolivarienne du Venezuela, Nicolas Maduro, a soutenu le consul désigné à Aruba, le major général Hugo Carvajal Barrios, et a décrit la situation comme "une embuscade" et une partie de sa détention comme une "campagne monté par l'Empire » par les autorités diplomatiques néerlandaises". Le président ajoutant "à partir du moment où il a été arrêté, il a obtenu le plein soutien du gouvernement, de l'Etat, qui est à côté de lui, du peuple et des forces armées. Ce embuscade ne fait que renforcer l'unité des civils et des militaires, et le patriotisme ".
Un Maduro très remonté, en effet : "Il a été kidnappé illégalement parce qu'ils violent la Convention de Vienne, car ce soldat est un diplomate du pays, un fonctionnaire de l'Etat vénézuélien," précise Maduro. "Nous ne allons pas permettre de ternir l'honneur du Venezuela, ou de tout vénézuélien par des campagnes montées par l'Empire," avait-il dit. Les observateurs remarquant que contrairement à ce qu'il avait pu énoncer, on ne s'était pas vraiment précipité pour tenter de sortir Barrios de prison... Maduro compris. Que c'était-il donc passé exactement avec Barrios ? D'aucuns ont échafaudé une autre hypothèse sur son cas : l'homme aurait tenté de négocier une fuite "protégée" aux Etats-Unis, comme pour les précédents, pour finalement y renoncer : une défection préparée qui aurait échoppé sur des conditions pas assez acceptables pour Barrios... qui risque gros, là-bas.
La saisie record par les douanes françaises remet tout en cause
Car entre temps, patatras, les français ont intercepté près d'une tonne et demie de cocaïne à bord d'un vol commercial d'Air France en provenance de Caracas à Paris, le 11 septembre (2013) exactement. La cocaïne confisquée présente une valeur de plus de 270 000 000 de dollars américains. Maduro, qui a compris le danger pour lui et ses militaires, visés tout de suite comme impliqués, saute aussitôt sur l'occasion, pour déclarer que "nous sommes en train d'étudier si la DEA est derrière ce cas". Car selon lui, "partout où la est la DEA, il existe des drogues, et ce que cela semble avoir été un transfert contrôlé de drogue" déclare-t-il. Le président affirmant alors que la DEA est "effectue un véritable trafic de drogue pour l'agence transnationale (la CIA)", et que la plupart des trafiquants de drogue impliqués dans ces cas-là sont des "amis de l '[US] des agents de la DEA." Le problème étant que sur le sujet, effectivement, il n'a pas tort, on l'a vu assez au travers de cette longue série (et on vient juste d'en avoir confirmation avec des révélations sulfureuses !). La presse locale revenant en photo, bien sûr sur le célèbre Gulfstream du Yucatan brisé en deux et ses 128 valises enfermées dans des sacs militaires US. Maduro n'a certes pas tort sur le rôle flou de la DEA... mais c'est alors son seul argument face aux accusations portant sur une complicité en très haut lieu au sein de la Garde Nationale, chargée, on le sait, par Hugo Chavez, de la surveillance prioritaire des aéroports vénézuéliens... et l'argument paraît faible, très faible...en comparaison, face à la tonne et demie de coke saisie par les français. Car les français savent très bien qui se cache derrière l'envoi... et selon plusieurs sources bien renseignées, c'est bien Carjaval Barrios qui est derrière ça. C'est en effet ce qu'ils ont découvert, et qui remet pas mal ce choses en cause... diplomatiquement !!!
Les tribulations de Carvajal
Le problème étant en effet... l'attitude même d'Hugo Carvajal Barrios, à Aruba, qui va effectivement rencontrer sur place... des émissaires américains, dépêchés spécialement de Miami et de Washington. Au point que certains parlent déjà dans la presse d'opposition de "canular", en écrivant que tout avait déjà été "négocié" au départ par Barrrios avec les américains avant même qu'il ne soit envoyé là-bas : en somme une défection contrôlée, avec l'assurance en échange de ne pas terminer ses jours en prison. "Le narco-général avec quinze ans d'expérience dans le contre-espionnage, expressément et volontairement, avant toute autre considération ou non, assure-là un procédé pour sa retraite et pour profiter de ce qu'il a mal acquis, en entrant dans un programme et des accords consolidés, sur des pourparlers directs avec un ou plusieurs représentants d'un ou plusieurs services de sécurité américains, déplacés expressément à Aruba, pour un tête à tête prévu en secret dans la limité des soixante-douze (72) heures de détention" écrit sarcastiquement" Rafael Rivero Muñoz, qui cite à l'occasion ironiquement Sun Tzu, avec cette phrase "... "l'art le plus raffiné de la guerre consiste à briser la résistance de l'ennemi sans combattre sur le champ de bataille ..." l'auteur rappelant également au passage les "deux cents (200) mois d'activité ininterrompue au sein des services secrets et de la sécurité de l'Etat" de Barrios, qui en font un "client" plus qu'intéressant pour les services américains. L'auteur notant que la perche avait été bien facile à saisir, côté hollandais : selon lui, on ne pouvait ignorer que si la nomination fort étrange du Consul à Aruba avait bien été publiée au Journal Officiel, elle n'avait même pas été traitée par le ministère des Affaires étrangères du Venezuela, et encore moins qu'elle pourrait respecter les formalités de base de présentation de lettres de créances devant les autorités des Pays-Bas, délivrées ainsi... En fait, à bien y regarder, le "poulet" avait déjà tenté d'approcher la DEA pour se rendre... il y a trois ans déjà : ce n'était pas en effet sa première tentative pour s'échapper !!!
Une première approche ratée en 2011
Car tout est là : Barrios a déjà tenté le coup, et est quand même revenu à la tête des renseignements du pays, voilà qui est tout bonnement sidérant : "extirpé de la tête des services d’intelligence militaire en 2011, le général Hugo Carvajal tente de négocier son extradition avec la DEA (Drug Enforcement Administration), sans succès. En octobre 2012, il revient aux affaires en prenant la direction du Bureau national contre le crime organisé puis, en avril 2013, celle de la Contre Intelligence militaire. A l’époque, le « pollo » voyage peu, de nuit, en cachant sa calvitie sous une moumoute et en utilisant trois passeports différents. C’est alors que son nom est associé au scandale d'Air France. Le cousin du général, chef de la sécurité de l’aéroport de Caracas, est rapidement mis en cause dans l’affaire, ainsi que le bras droit du « pollo », Alexander del Nogal, (ici à droite) soupçonné d'être un narcotrafiquant" raconte Slate.
Selon la juge Mildred Camero, ajoute le journal, tout s'était joué avant son envoi en exil paradisiaque : « les services d’intelligence canadiens ont prévenu Nicolas Maduro pour Carvajal et Air France, quelques jours avant le coup. Le président a ensuite donné au général un poste de consul à Aruba pour l’écarter gentiment, mais il y a eu des embrouilles autour de l’immunité diplomatique." Bref, le poste de Consul était bien une parade... pour enterrer un problème embarrassant devenu trop visible pour le pouvoir. Et le retour triomphal au bercail du "poulet" une autre mascarade grotesque, une mise en scène totale destinée à berner le bon peuple !
Un sauvetage de dernière minute
La nomination surprise de Barrios à cet endroit était-elle donc en effet une exclusion, un simple éloignement, ou une nomination-récompense véritable ? La question est restée en effet en suspens... à voir le flou qui l'a suivi, et avant qu'on n'en apprenne les vrais raisons : celle d'un homme cerné par les affaires. Le poste de Consul n'était pas une récompense ; mais un simple... éloignement, d'un Maduro, devenu plus méfiant (certains disent devenu complètement paranoïaque)... "Comme l'a toujours dit le romancier Ian Fleming dans la voix de son personnage principal : "Une fois c'est le hasard, deux fois coïncidence, la troisième fois c'est l'action de l'ennemi." Il se pourrait très bien que le "poulet Carvajal" puisse profiter de la pleine liberté au Venezuela après son sauvetage par Nicolas, mais peut-être pas ; il pourrait aussi être bloqué quelque part dans Fuerte Tiuna (une base militaire), sinon en territoire cubain, sans accès à la communication avec l'extérieur. Que s'est-il donc passé lors des réunions du "poulet Carvajal" avec les services de sécurité des États-Unis ?" laisse entendre l'auteur, qui laisse soupçonner que Barrios aurait pu laisser filtrer quelques secrets (notamment informatiques) lors des "négociations"... sur sa possible reddition, ce qui expliquerait qu'on se méfie de lui à son retour. Tentant ainsi de rejoindre Luis Velázquez Alvaray, Eladio Aponte Aponte et Rafael Isea, comme on a déjà pu les décrire ici.
Une mascarade complète
Barrios aurait-il tenté de faire monter les enchères à sa faveur (ce qui consiste aussi à faire baisser les années d'emprisonnement aux USA) ? Maduro répondant par des assurances sur son futur, les lui montrant ouvertement, en élevant notamment le contenu du parterre venu le chercher à l'aéroport (sa propre femme, en particulier), et en chargeant la mise en scène de son retour, le remerciant d'avoir su garder les secrets du pays : "le gouverneur d'Aragua, Zaidan Tarek El Aissami Maddah, le chancelier Elias Jaua Milano et surtout la présence et le langage corporel de la déléguée personnelle de Nicholas, Cilia Flores ; sa réception au Congrès du PSUV et sa désignation et son exposition comme un héros par Nicholas sont juste un échantillon du grand soulagement après la panique choquante qui a envahi chaque autre révolutionnaire, en uniforme ou non, quand ils ont appris qu'il pouvait être arrêté et être gardé par la DEA". Un pays qui sait mettre en scène de fausses attaques sur des avions bourrés de drogue est logiquement de mettre en scène en héros quelqu'un qui cherchait en réalité à fuir son propre pays en échange d'une immunité sur ses actes passés, semble-t-il... et sans aucun problème ! Une farce, une farce complète venait bel et bien de se jouer, s'ajoutant à la fable des avions abattus !!!
Un retour hollywoodien... en jet !
Le 28 juillet, Barrios était finalement libéré après moult tractations avec les hollandais (et les américains, donc, comme on a pu le dire). La télévision d'Etat le montrait de retour, en t-shirt rouge et casquette blanche de parfait touriste décontracté, arrivant à bord d'un jet privé à l'aéroport près de Caracas Simon Bolivar, où il était accueilli par une embrassade fort médiatisée de la première dame, Cilia Flores, et par le ministre des affaires étrangères Elias Jaua. A peine si on avait eu le temps de remarquer le jet qui l'avait ramené au bercail.
Oh, pas celui "emprunté" à des trafiquants de drogue en cheville avec le Cartel de Los Soles, et devenu jet officiel de l'armée vénézuélienne. Non, un biréacteur Learjet 45 immatriculé YV2738, de la société PDVSA... l'entreprise nationale d'hydrocarbures. Pas n'importe quel avion,à vrai dire. Un des avions Learjet devant lequel le jeune Chavez, en costume clair, avait prononcé un discours d'une démagogie inimaginable, le 14 septembre 1999, lors d'une cérémonie unique et pompeuse tenue à la base aérienne de La Carlota, annonçant que tous les "jets" de l'entreprise,
représentant "les riches" seraient désormais "vendus au profit des plus pauvres", en tenant en main l'agrandissement du chèque de la vente du premier d'entre eux. Ces avions étaient revenus régulièrement lors de la campagne électorale, quand alors candidat il fustigeait le second terme de Rafael Caldera.
Le petit théâtre d'Hugo
Pour Chavez, les abus de jets privés par les membres du gouvernement et d'autres invités étaient des "habitudes irrégulières et criminelles", pas moins, qu'il convenait tout simplement d'abolir. Il n'en a rien été, bien entendu et PDVSA avait gardé tous ses avions d'affaires, nationalisés,
pour les transports de VIP gouvernementaux. Dans l'effarante séquence de 1999, un regard de la caméra s'était tourné vers un élégant appareil tri-réacteur, aux moteurs cerclés de chrome, avec comme registre YV-452CP (ici repeint).
L'avion, un Falcon 50, existe toujours, et il sert toujours aux responsables pétroliers et aux politiques vénézuéliens (comme on va le voir plus en détail) : il est devenu successivement après YV-O-SATA-12, puis YV-462CP ; pour être aujourd'hui YV2165, il est toujours chez Petrovan - Petroleos de Venezuela S.A ! Le voici en photo sous ses plus récentes couleurs. Après coup, un spectacle bien pitoyable de duplicité totale !!! Tout un symbole, aujourd'hui ! Car si l'on avait ben noté que le "poulet" était revenu en Bombardier Learjet 45 YV2738 appartenant à l'Etat via sa société de pétrole (PDSA) , on avait oublié, déjà, par quel avion il était arrivé à Aruba. C'étair par un autre appareil : un Cessna Ce550 Citation II immatriculé N9GY, qui était déjà en lui-même un bel aveu... en lui-même (son propriétaire texan possédant aussi le N99GY).
Le poulet et son avion baladeur
Car cet avion est aussi une des clés de l'énigme, comme l'a remarqué ici fort justement le site Setty's notebook : "comme je l'ai écrit à l'époque, l'une des parties les plus bizarres de toute l'affaire était la rumeur répandue que l'avion qui transportait Carvajal à Aruba portait le numéro de queue N9GY. Cet avion est inscrit à une société du Delaware appelée Global Air Services Corp. Selon un dossier déposé auprès du Secrétaire d'État du Texas, Global Air Services Corp. n'est finalement qu'une partie de l'empire d'entreprise des vastes champs pétrolifères du Venezuela dont le responsable est Roberto Rincon" (ici l'avion vu le 20 octobre 2010 au DeKalb Peachtree Airport, à Atlanta, en Georgie).
"César Batiz a rédigé un long portrait, fascinant, de Rincón ce week-end, dans Armando.Info, un nouveau journal d'informations. Je l'ai aidé à rédiger l'histoire, principalement la collecte d'informations sur les entreprises et sur les avions texans de Rincon. C'est une pièce très curieuse du puzzle que vous, cher lecteur, pourraient peut-être aider à expliquer. Les propriétaires d'avion peuvent conserver leurs dossiers de vol en temps réel hors des sites comme FlightAware.com en déposant une demande de confidentialité auprès de La Federal Aviation Administration. Toutefois, les dossiers de vol sont toujours des documents publics. Nous avons déposé une demande sous le nom du Freedom of Information Act à la FAA pour obtenir les dossiers de vol pour N9GY. Voici ce que nous avons obtenu pour les dates en question : voir les écrans du 23/11/2014 au 10/10/19". Comme vous pouvez le voir, les dossiers indiquent que l'avion est arrivé à Orlando le 18 juillet et n'est pas reparti avant le 5 août. Mais nous avons des gens autour des Caraïbes qui prétendent avoir vu cet avion pendant cette période. Et puis, le 6 août, le même avion est arrivé à Merritt Island (c'est à deux pas de Cap Canaveral), sans jamais avoir enregistré de plan de vol pour y arriver. Que s'est-il donc passé ? Quelqu'un dans le monde de l'aviation peut-il nous expliquez cela ?"... Nous verrons bien si cet appel sera entendu, avant d'attaquer la dernière ligne droite de ce volumineux dossier consacré au Venezuela.
(*) rien à voir avec Marie Laforêt... quoique (lyrics) et son interprétation d'un chanson du folklore de l’île de Margarita. C'est Hughes Aufray qui a puisé davantage encore dans le folklore vénézuélien.
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