Coke en stock, (XV) : le Honduras, du côté de chez Swan
On l’a vu, le marché du transport de la drogue fluctue. Il suffit qu’un gouvernement décide d’être plus strict, ou de s’équiper d’une police plus performante, ou de machines de détection ou de poursuite plus sophistiquées pour que les trafiquants réagissent et prennent les devants en ouvrant de nouvelles voies. Depuis deux ans, c’est très net en ce qui concerne le Honduras, devenu la terre d’entrée privilégiée vers le Mexique, désormais. Les vols ne se dirigent plus vers Haïti ou Saint-Domingue pour pénétrer le marché américain : ils se dirigent directement vers le Mexique, pour atteindre en définitive le même but. Evidemment, dans ses changements, les accords changeant entre les différents grands cartels jouent un jeu important. Il suffit qu’un baron change de tête pour que le flux change de sens ou de direction. Aujourd’hui, en tout cas, c’est au Honduras qu’ont atterri un nombre incroyable d’appareils, sur le même modèle souvent que ceux partants en Afrique, mais lestés de moins d’essence… et de davantage de drogue.
Aujourd’hui, donc, on assiste à un net recentrage du flux,bizarrement cette fois encore sur le pays le plus « américanisé », doté d’un gouvernement corrompu, où le président lui-même a une partie de sa famille impliqué dans le trafic. En 2007, on dénombre 132 vols vers la République Dominicaine, route traditionnelle, mais aussi 46 déjà vers l’Amérique Centrale directement et avant tout vers le Honduras. Le Honduras, ou l’année dernière on a noté pas moins de 15 grosses saisies de drogue à partir d’avions, tous de petits ou moyens modèles, monomoteurs ou bimoteurs. Les trois quarts on été découverts à la suite de crashs, les trafiquants cherchant visiblement à se poser, sur des terrains de fortune, quitte à laisser l’avion sur place et à l’incendier eux-mêmes si besoin était. Voir l’enfouir comme nous le verrons également. La succession d’atterrissages réussis ou pas cette année là est en effet effarante.
Car ça n’a pas vraiment de fin au Honduras, auquel tiennent tant les américains (on comprend mieux pourquoi si la CIA est derrière une bonne partie du trafic !), : le 28 janvier 2009, c’est sur l’île d’Utila qu’un avion est saisi. A bord, 1800 kilos de drogue. Le modèle : encore le même, un Cessna Conquest YV2028. Encore un, aperçu sur une vidéo ! Arrrivés de nuit, les pilotes s’en échappent vit fait. On retrouve deux bateaux rapides sur la côte et pour 25 millions de dollars de drogue laissés dans l’appareil ! La presse met aussitôt en cause le ministre de l’air du président Zelaya.Le 23 févier 2009, les autorités de Farallones Colon saisissent un petit bimoteur. Avec des bidons d’essence à bord : et plus de 1400 kg de cocaïne, un record pour ce type d’avion ! C’est à nouveau… un Cessna Conquest 441. Un de plus ! Décidément, on a bien cerné quel est l’avion-type du trafic ! Enregistré au Vénézuela bien sûr ! Dans un reportage assez sidérant, on dénombre pas moins de 12 appareils crashés ou atterris à la sauvette, tous bourrés de drogue. Un magazine hondurien en dresse la carte exhaustive que nous fournissons en bas de cet article. Les avions se sont tous vautrés, dès la côte passée, à Brus Laguna, Warunta, Iriona, Farallones Colon, La Masica, Jocon ou El Negrito. Ou sur deux iles, celles de Guanaja et d’Utila. Un seul est allé plus loin à l’intérieur du pays, à San Francisco de Becerra. Un petit Cessna 172 avec 500 kilos de coke à bord.
Le 28 mai, à Olanchito Jocon, dans le Yoro, c’est un Rockwell 695 JetProp 980 à aile haute immatriculé YV2175 qui se pose sur une route. Encore un « vénézuelien » au registre trafiqué avec un autre macaron grossièrement ajouté en dessous... A bord, 8 gros bidons bleus et tout une tuyauterie. Toujours la même technique. Et 500 kilos de cocaïne. L’appareil est connu : en novembre 2007, on l’avait photographié à Panama. A côté de l’avion abandonné un énorme 4×4 à la calandre pliée, àl a suite d’une course-poursuite avec les autorités. Quatre occupants sont arrêtés : Jose Leon Nuñez Urbina, José Humberto Rodriguez Urbina, Hermes, Ramon Sabillón Baide et Jimmy Martinez Navarro. Ils sont tous colombiens !
Le 23 mars 2009, c’est un Cessna 172, immatriculé HR-AVG, de San Marcos de Colón, à Choluteca, qui se crashe. Deux pilotes sont arrêtés : Luis Antonio Sierra Caballero, 45 ans, habitant Tegucigalpa, le pilote, et Santos Edgardo López 40 ans, originaire de Brus Laguna, (département de Lempira), le copilote. A bord de l’appareil, 15 colis contenant 450 kilos de cocaïne.
Le 10 mars 2009, c’est un Beechcraft C-55 Baron qui s’écrase à El Negrito, et s’embrase,dans le département du Yoro, toujours au Honduras. A bord, une tonne de cocaïne. L’avion était poursuivi par deux hélicoptères et un avion de la DEA américaine. L’avion provenait du Venezuela et se rendait aux îles Bahias (au Honduras).
En avril, c’est un Piper PA-23-250 Aztec numéro N21922 (ici à Cascais au Portugal !) qui se vautre en bordure de plage au décollage. Il appartenait à Atlantic Flight Group Inc, de Miami, puis à Wickersham Dale Edward de Kissimmee en Floride. Celui-là est très intéressant : il a longtemps été garé en Floride aux côtés d’un Short 360 dont le moteur gauche avait pris feu en 2001. Or ce Short appartenait à… Skyway Entreprises, qui en avait deux, le N379MQ et le N382MQ ex American Eagle, ex G-BMXU (anglais). American Eagle est la ligne régionale d’American Airlines, souvent soupçonnée d’être le paravent d’activités de la CIA. Le Short 360 est un type de visiteur habituel au Honduras, comme ici à la Ceiba.
Le 18 mai, un avion atterrit à San Francisco de Becerra, dans le département d’Olancho. Les riverains voient arriver plusieurs voitures pour le décharger. Selon leur description, c’est un monomoteur de type Cessna contenant 500 kilos maximum. On cite alors l’atterrissage de 7 avions les six derniers mois : on est sur un rythme mensuel d’arrivées !
Le 12 octobre, un petit avion entré sur le territoire à Raya, dans le département d’Olancho, près de La Mosquitia, a été aperçu par plusieurs riverains. L’avion n’est pas retrouvé tout de suite : il est bien atterri sur une piste de fortune, mais on l’a incendié et on l’a…. enterré !
Le 19 octobre, c’est un Piper Arrow III YV 4427 du Vénézuela, qui a atterri sur le bord d’une route dégagée, et a surtout tombé dans le fossé en raison sans doute des pluies. Le commentateur dit » dans d’autres cas, les trafiquants en arrivent à couper les arbres au bord des routes pour pouvoir atterrir sans encombre ». Prêts à tout, décidément.
Le 21 octobre 2009, c’est un Antonov 28 de PZL cette fois, une première, à Olancho. L’appareil est immatrículé au vénézuela YV 1769. C’est l’ex YV-1147CP, ST-GWA, ES-NOA, UR-28759, CCCP-28759… un ex avion militaire remotorisé ! Vu ici en Ukraine en 1993. Avant de devenir l’avion de parachutistes vénézueliens en YV-1147CP ! L’appareil à un sacré historique derrière lui. L’avion était interdit de vol au Bahrein en 2007…. immatriculé au Soudan, dont l’opérateur était une firme appelée G. WINGS, en Pologne ! Interdit de vol au Barhein, un avion… polonais volant au Soudan ? Cela sent fort le coup des fausses attributions de registre ! L’aurait-on se poser ici ? A Myzany ? Au Kenya, remarquez, à Lokichoggio, on trouvait encore le 31 janvier 2009 deux Antonov 28 Moldaves n »ayant pas retrouvé de propriétaires.. car interdits de vol aussi. Au Darfour, on en avait vu en 2007 encore comme ce ST-AWH de chez TET. On retrouve un autre TET ici auCongo à Shabunda en 2006 ou a Bunia en 2003...
Le 26 octobre, la Warunta, dans la jungle de la Mosquita, l’armée de la 115th Infantry Brigade. dirigée par le Colonel Roger Abraham Maldonado découvre un drôle de cimetière. Celui d’un cimetière de carcasses d’avions, incendiés par leur propriétaire et creusé par la contrainte par les habitants alentour : il y a là une bonne douzaine d’appareils ! Certains parfois jetés dans des marais ! Il y aussi des restes d’hélicoptères mais surtout ce qui semble bien être un…. Antonov 28. On change de catégorie là ! On tombe aussi sur des ampoules, reliées par des fils électriques… le balisage d’une piste sauvage, de toute évidence… selon un spotter, la turbine visible sur une des photos est celle d’un Aero Commander. La découverte confirme le principe majeur de la vague d’envahissement du pays : les avions porteurs ne sont que des vecteurs, qui n’ont aucune valeur aux yeux des trafiquants. Et sont donc sacrifiés sur place ! Les voyages sont des aller-simple, tous, sans exception !
Près de là, à Palacios, une bande d’atterrissage de plus de 5000 pieds, idéale. A Brus Laguna, une compagnie officielle fait du charter maison à cet endroit. Avec un Let 410 Tchèque. L’Antonov 28 s’explique ! C’est avant tout une soute idéale ! Et bizarrement encore une fois, un avion typique des « black ops » américaines ! Pourquoi donc avoir incendié et enterré un tel avion ? D’autres atterrissages ont eu lieu au Honduras, mais pourquoi avoir détruit ce modèle et des hélicoptères ?
Le 5 décembre c’est un crash dans la commune de Punta de Ocote, qui tue un jeune motocycliste de 18 ans, Israel Martínez Euceda : l’avion est tombé en pleine rue ! C’est le HK-4324-G, un Cessna T303 Crusader or il porte le même numéro qu’un Cessna 402 d’Aviocharter Colombia : on retombe avec lui sur les fausses attributions de registres aéronautiques chères aux trafiquants (et à la CIA !).
Et c’est aussi sur l’île d’Utila, encore, où s’est écrasé le 10 mai un autre appareil. Un biturbopropulseur plus imposant, un Bae 3212 Jetstream 32, près de l’aéroport d’Utila, dans les Iles Bahia. Il y a un mort et deux blessés. Tous trois Columbiens : le pilote Jeison Fernando, le co-pilote Luis Garcia, et Bejarana Hernandez, le mécano décédé. L’avion, immatriculé YV1467, s’est crashé en panne d’essence, après avoir tourné plus de deux heures au dessus de l’île ! Il est en miettes. Sur un des clichés on distingue sur son fuselage un drapeau vénézuélien. A bord, on découvre 1 500 kg de coke. Mieux encore, quand on fouille son histoire, on découvre que l’avion était considéré comme disparu dans la jungle depuis deux mois ! Lors de son convoyage, en effet, le 31 mars 2009, entre Metropolitano International Airport et Carora il a disparu des radars et n’a soudain plus donné signe de vie. Il venait juste d’être volé ! L’arrestation du commanditaire des neufs avions achetés aux deux firmes de St Petersburg, en Floride, oblige-t-il désormais les trafiquants à trouver ailleurs leur matériel de transport favori ? Peut-être bien !
L’avion d’Utila montre une autre pratique : quelques heures avant le crash, le ferry de l’île, « Utila Princess » a repêché en mer un agent de police local, Kader Urbina, accroché à à un bidon de plastique bleu. L’homme déclare qu’il venait de Roatan quand son bateau a chaviré… Le lendemain, on retrouve deux de ses compagnons accrochés eux à un bateau retourné. Pour la police c’est clair : les toris hommes ont avoué venir de la Celba avec un équipage de cinq hommes au total, et pour elle c’étaient ceux qui devaient guider l’atterrissage de l’avion et le ravitailler en essence. Ne les ayant pas trouvés, l’avion sans guide au sol s’est crashé ! Utila et le Honduras sont bien devenus une nouvelle plaque tournante, qui inaugure de nouvelles pratiques coordonnées. La technique avait été décrite en juin 2007, où des pêcheurs locaux de la La Mosquitia s’étaient substitués à des trafiquants àbateau rapide pour aller à la pêche aux fûts de drogue…
A Roatan, le 4 nombre 2006, déjà on avait découvert 2 tonnes de drogue descendus d’un Cessna. Le boucan fait par l’avion pendant son remplissage d’essence avait alerté la police, qui avait arrêté 12 personnes ce jour là : 4 Columbiens, dont les deux pilotes, et 8 Honduriens. Parmi eux, 6 officiels de la tour de contrôle de l’aéroport ! Ce pays est comme l’Afrique de l’Ouest : la corruption y règne en maître ! Et jusqu’aux plus hauts rouages de l’Etat ! A côté de là, un bateau rapide était découvert… En 2006 aussi, déjà, un jet avait été découvert abandonné sur l’aérodrome de la capitale Tegucigalpa. Un Gulfstream immatriculé XB-JPL. Appartenant selon l’enquête de la Prensa menée par le courageux évêque Luis Santos de Copan, l’avion appartenait bien à El Chapo Guzman, qui détient une villa hypergardée à El Spiritu. L’homme qui fait régner la terreur au Mexique habite au Honduras ! Selon l’ambassadeur américain Charles Ford, « c’est en raison des succés obtenus en Colombie et au Mexique que le Honduras est devenu plaque tournante du trafic » : il y a mieux comme analyse sans doute !
L’épilogue de ses entrées massives de drogue se situe un matin devant un école, le 8 décembre 2009 : celle où arrivait Julian Aristides Gonzalez, l’ancien général à la tête de l’antidrogue, un homme intègre et droit… abattu lâchement en pleine rue de 11 coups de pistolet, juste après avoir déposé sa petite fille. Une exécution dans les règles des cartels, menée à moto. L’homme devait prendre sa retraite dans deux mois, et venait sur l’année de saisir plus de 5 tonnes de cocaïne ! Les trafiquants rappelaient à leur façon que c’étaient bien eux les maîtres du pays. Selon Julian Aristides Gonzalez, Hugo Chavez en personne était impliqué dans le trafic. « Soit il est incapable ; le gouvernement vénézuélien, soit il est complice », avait-il déclaré peu de temps avant sa mort au Time. Ce qui résume parfaitement la question !
Car au Honduras, ça ne date pas vraiment d’hier non plus, le trafic et les assassinats. L’histoire est bien documentée : c’est en 1983 déjà qu’un rapport des narcotiques américains, « l’US Customs Investigative Report »de 144 pagesdécrivait l’usage de C-47 (Dakotas) et de C-54 (DC-6) volant du Honduras vers les Etats-Unis, liés à un trafiquant redoutable du cartel de Medellin, Juan Matta Ballesteros, et sous le nom de SETCO Aviation. Juan Ramón Matta Ballesteros, était un agent du DFS mexicain, qui avait travaillé avec Cubain Alberto Sicilia Falcón, devenu agent de la CIA mexicain. Ballesteros s’occupait de deux marchés à la fois : celui de l’opium de Guadalajara, dans le réseau de Miguel Angel Félix Gallardo, et celui de la cocaïne, comme représentant du cartel de Medellín. Il étaient tous le soutien du général Policarpo Paz García, le dernier général à avoir dirigé le pays, et financèrent donc son coup d’état de 1978. Leur plus grand soutien n’étant autre que Gustavo Álvarez Martínez, l’homme à la tête du Public Security Forces (FUSEP), les forces spéciales de police secrète hondurienne. Il sera abattu en 1989, après avoir été consultant pour la Rand Corporation. Paz Garcia restera lui célèbre pour son infamant Battalion 316, entraîné par la CIA, un des groupes paramilitaires parmi les pires qu’ait connu le continent.
Déjà aussi à l’époque, la drogue était cachée dans des expéditions de poisson séché. En 1994, un second rapport, celui du DOD (-Department of Defense-) et un supplémentaire de la CIA de l’Office of the Inspector General and Investigations affirmait que c’était désormais des Antonov 32 ukrainiens qui étaient utilisés enremplacement des C-47. Le département de la justice US en avait identifié 15, tous vendus au Panama et la Colombie entre 1993 et 1996 ! Une enquête de la justice ukrainienne, saisie après l’arrestation de pilotes ukrainiens, avait conclu à un vaste trafic en provenance du Panama et de la Colombie.
Tout le travail d’investigation, remarquable, du Sénat US avait été mené par le sénateur John Kerry, futur candidat à la présidence US. Les avions avaient été achetés à un broker, DIACSA, présidé par Alfredo Caballero, qui était en cheville avec Floyd Carlton, un trafiquant lié à Manuel Noriega. SETCO avait importé 410 kilos pour une valeur de 2,6 millions de dollars de l’lépoque. L’autre firme impliquée était Vortex, installée à Miami, qui deviendra Universal Air Leasing. Son président, Michael Palmer, avouera avoir fait entrer 120 000 livres de cocaïne en 1977 aux USA. L’avion utilisé servait aussi au transport de Marijuana : cétait le N22VX (ancien N3434F et cédé ensuite à World Air Leasing Corp), suspecté d’avoir débarqué en une seule fois 8,6 tonnes de marijuana au Nouveau-Mexique en septembre 1986. L’avion avait été acheté 125 000 dollars, en cash !
Le 4 avril 1987, CBS news révélait toute l’histoire. En 1985, un des pilotes des Contras, Frank Moss, avait créé sa propre entreprise, Hondu Carib, pour livrer lui aussi les Contras. En mai 87, son avion est inspecté à Charlotte en Louisiane : on y découvre des traces de Marijuana et il est saisi. Trois ans avant, il avait en fait créé une autre compagnie, Atlas Aviation, avec laquelle il avait aussitôt après repris ces trafics. Le 28 avril 1987, un fax est envoyé par Moss à deux agents de la CIA : dans le dossier de Kerry sur les contras ce sera une des preuves de l’implication directe de l’agence dans le trafic de drogue. L’avion alors utilisé par Moss était le fort discret N50314. Un des meilleurs agents anti-drogue, Celerino Castillo III, a reçu un jour l’ordre de Bush père de ne pas conduire plus loin son enquête sur les cartels et les liens avec Oliver North. Il a raconté l’histoire dans son livre « Powderburns : Cocaine, Contras, and the Drug War » (chez Mosaic Press, 1994).
Ce dont ne parle pas non plus Ford, ce sont les revendications américaines sur l’île de Swan, « l’île du guano »(dont elle est couverte), où les américains ont installé dès 1946 une station de radio destinée au départ au guidage de leurs avions, puis une station météo. En 1960, 28 américains vivent sur le rocher, ainsi que 19 honduriens, et c’est à ce moment-là que les USA choisissent d’y installer un énorme émetteur de 50 000 watts pour arroser La Havane de musique, mais aussi de propagande anti-castriste. Tout de suite, on se doute de qui à on à faire : le propriétaire de la radio est une entreprise appelée Gibraltar Steamship Company , une société qui ne possède aucun bateau à vapeur ni de bateau du tout. La station devient Radio Swan, la Voz International del Caribe puis change de nom en 1961 pour devenir Radio America et au final venir installer ses quartiers à Miami. C’est bien entendu la radio de la CIA : « elle fut présentée comme une radio commerciale (effectivement exploitée par une société commerciale, appartenant en sous-main à le CIA). Formellement, elle fonctionnait en « vendant du temps d’antenne ». Ses clients étaient cependant très particuliers ; c’étaient les différentes composantes du Frente Revolucionario Democratico (FRD), une fédération de mouvements de cubains anticastristes réfugiés aux Etats-Unis ». Les Etats-Unis on longtemps revendiqué le bout de rocher, au nom du premier découvreur, un américain.
L’avion cité, finalement saisi par le gouvernement , a une histoire intéressante : celle d’une entourloupe gouvernementale. Il est d’abord le N900CE de Cashman Equipment Corp, Boston MA, puis le N555LG d’Integrity Aircraft Inc, puis le N51TJ de Tyler Jet LLC en 1999, puis le N667CX d’ Air LLC en 2000 (ici photographié en 2004). Et devient le XB-JPL en 2005. L’avion est auparavant attaché à l’aéroport de New Canaan, près de Sairfield, dans le Connecticut sous le numéro N667CX. Le 28 novembre, il est acheté par un dénommé Mario Alberto Andrade Mora, au vendeur, le broker Oslo Express Iic, société dirigée par John B. Kjekstad. Lors de la transaction, Mario Alberto Andrade Mora est représenté par Carlos Ruelas García, l’envoyé d’ »AeroFox », une « Sociedad Anónima de Capital Variable ». Une clause particulière est écrite dans le contrat : l’avion n’a pas le droit de circuler au Mexique sans l’autorisation express d’un représentant du vendeur, Omar Mercado López. Qui de cette manière reste encore son propriétaire véritable ! Le contrat de Mora ne lui donne pas l’usufruit complet de l’avion ! Sinon, c’est 950 000 dollars d’amende à payer parait-il ! L’avion est donc… mexicain, et ne peut pas circuler librement !!! Le 24 février 2006, pourtant, l’avion quitte le Mexique pour le Honduras, emmené par ses deux pilotes Carlos Messner et Federico Rivielo. A peine arrivé, et alors qu’Omar Mercado López le réclame déjà, les deux pilotes prétextent une défaillance mécanique survenue à l’aéroport Toncontin de Tegucigalpa, pour ne pas rentrer à leur base. Vite déclaré abandonné, l’avion est mis aux enchères 250 000 dollars seulement, que s’empresse de régler le groupe SCF, dans lequel on soupçonne de hauts fonctionnaires honduriens.
Pour beaucoup, en effet, c’est Mario Alberto Andrade Mora, au contrat d’achat mal rédigé, qui ainsi « offert » l’avion a Manuel Zelaya Rosales, qui en hérite à un prix très (très) inférieur au marché. En échange de quoi ? Mora n’aurait-il pas été le représentant d’El Chapo Guzman plutôt ? L’avion vaut en réalité 2 millions de dollars…. il devient alors XB-JPL et a comme détenteur depuis le « Ministerio Publico de Honduras » sous le numéro HR-AUJ. Manuel Zelaya Rosales ne pourra même pas s’en servir pour quitter le pays lors du coup de force de la junte militaire : réfugié au Salvador (en voiture) il devra emprunter un Falcon pour tenter de revenir. L’histoire de ce Gulfstream finalement subtilisé par un gouvernement en dit long sur la décrépitude du pays. Comment, à partir de tels actes, voulez-vous saisir les avions des trafiquants ? Résultat, les 3/4 des juges du pays, en cas de saisie, décident de rendre leurs biens aux délinquants s’ils sortent de prison. Résultat, des avions bloqués parfois plusieurs années revolent… pour alimenter indéfiniment le circuit !!!
L’histoire récente semble donner raison à la thèse du vol d’avions comme nouvelle technique. Scénario similaire en effet, le lundi 11 Janvier 2010 sur l’aérodrome de Barcelona, au Vénézuela. Trois hommes habillés de noir entrent et déclinent leur nom et ce qu’ils sont : Pedro Torres (un pilote), Carlos Tamayo (un copilote) et Andrew Alvarez (leur unique passager). Des faux papiers, en réalité. Et embarquent aussitôt à bord d’un Beech-Raytheon 300 de numéro de série FA-123 (HP 1457) et portant les numéros extérieurs N1844S appartenant à : Stephens Group Inc, de Little Rock, dans l’Arkansas (?)… l’avion décolle et se dirige vers Higuerote, dans l’état de Miranda au Venezuela. La tour de contrôle essaie de rentrer en contact avec l’équipage : en vain. On ne reverra jamais l’avion, qui vient lui aussi d’être volé. Plus de trace sur l’écran radar : il a déjà plongé au ras des arbres ou de l’eau et a disparu. On devrait logiquement le retrouver bientôt dans une expédition, peut être bien transatlantique. Volant à 558km/h en croisière avec 3763 km d’autonomie -sans réservoir supplémentaires- avec 4 passagers, pouvant emporter 13 personnes, il fait en effet un très beau candidat à la traversée !!!
Au total, en 2009 au Honduras, on a donc eu 12 crashs ou atterrissages, ayant provoqué 10 morts parmi les pilotes ou les trafiquants, 6 arrestations et… 3,48 tonnes de drogue saisies. N’oublions pas que la filière du Honduras est ancienne : c’est là que Barry Seal avait été arrêté en 1979 pour la première fois, en transportant une arme et là aussi où il avait rencontré son second, Emile Camp de Slidell (en Louisiane). Emile Camp se tuera le 20 février 1985 quand son avion s’écrasera à Fourche Mountain, au nord de la Mena. A bord d’un Piper PA-34-200T Seneca II immatriculé N8658E. Des Piper, il y en avait trois : le N8658E, le N8275T et le N8049 Z, tous peints exactement pareil, avec des noms de code internes… japonais. A s’exercer à voler bas et à tester les détections radars de la base. Peints pareils, les avions étaient complètement interchangeables. Les avions étaient enregistrés à Boward County… en Floride. La Rich Mountain était le lieu d’un nombre important de crashs. Le mauvais temps et la mauvaise localisation étant responsables à 90% des accidents.
Au Honduras, le trafic risque fort d’augmenter dans les mois à venir : le15 février 2010, la République Dominicaine déclarait avoir mis en place un centre de commandement anti-drogue, avoir acheté (au Chili !) quatre avions performants pour pourchasser les trafiquants (des Super Tucanos, idéaux pour la région avec visée nocturne !) et surtout avoir acheté un radar, le tout installé à San Isidro Airbase . Huit autres Tucanos neufs devraient arriver en plus en juin prochain. Le radar est d’origine israélienne, c’est un IAI-ELTA, valant 34,6 millions de dollars. Le même qu’à Cayo Hueso, en Floride. Le radar qui manquait à toute la région, et le genre de chose que devrait s’offrir les pays africains cités dans cette enquête, s’ils veulent intercepter les arrivages de drogue.
Et comme cela est sans fin, le 22 juillet 2010 ; c’es un Piper 31 Navajo qui se pose à Brus Laguna, à 600 km à l’est de Tegucigalpa le long de la frontière avec le Nicaragua, avec à bord 450 kilos de drogue et des bidons d’essence vides (27 barils de carburant !) : l’appareil est appréhendé, car il avait été suivi. Pendant l’opération deux hors-bord, deux téléphones satellites, un fusil et une mitrailleuse ont également été saisis selon la police hondurienne… l’appareil, sur les clichés, n’arborait aucune marque de reconnaissance : l’emplacement habituel de son numéro avait été masqué. On n’en a pas encore fini avec le trafic !
-le livre sur Radio Swan, « Fréquence Miami », d’Eduardo Belgrano Rawson, se lit comme un roman hilarant. Il est paru chez Actes Sud en avril 2007. A savourer, sur l’absurdité des politiques !
-tout le dossier de la CIA sur radio Swan est ici :
http://www14.homepage.villanova.edu…
Un superbe reportage photo sur les avions de Miami encore visibles en 1986 et dont pas mal ont participé au trafic est ici..On notera la présence de Trans-Air-Link corp, appelée TAL… le Vortex décrit y est.
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