Coke en Stock (XXIX) : Pointe-Noire, objet de toutes les convoitises
On l'a vu hier, Pointe-Noire est une sorte d'aboutissement incontournable pour la République du Congo, empêtrée comme on vient de le voit par les détournements d'Etats aux profits de l'entourage de la famille gouvernementale. Le syndrome de la Guinée Equatoriale n'est pas loin. En réalité, le pays a servi de plaque tournante (et sert encore) à divers trafics, dont celui qui nou intéresse en priorité depuis plusieurs épisodes. Jusqu'ici, il s'agissait plutôt de prévarications diverses, mais la présence régulière d'avions liées à la sphère de Viktor Bout oriente les débats vers d'autres possibilités d'enrichissement. Et c'est là que survient la mise en garde de la DEA américaine, à propos d'une entreprise qui a pignon sur rue dans le pays au point de participer à la rénovation de lycées ou d'offrir des voitures à la police. Des cadeaux... de trafiquants !
Nous avons vu hier que le gros handicap du pays est son infrastructure de transports. Sur place, il y en a d'autres, pourtant, de compagnies aériennes, au Congo "Brazaville", pour suppléer aux insuffisances des voies ferrées du pays. Ainsi Aero-Service, basé à Pointe-Noire, qui utilise trois Antonov An-12. Le 25 janvier 2008, son appareil An-12BP immatriculé EK-11660 a vu ses freins se casser, et emboutir (et découper avec ses hélices !) le Boeing 727-247 9L-LEF de Canadian Airways Congo (alias Canair Cargo, créée en 2004, et ici en train d'atterrir à Pointe Noire avec son unique Antonov 24- à noter le survol de la ville). Les deux appareils étant ce jour-là complètement détruits. CCC, qui exploite par ailleurs un Antonov 24PB, Aero Service exploitant deux Britten-Norman BN2A Islander, deux Cessna et un CASA C212-300 Aviocar Cet appareil, immatriculé TN-AFA se crashera le 20 Juin 2010 à Yangadou, tuant un grand patron d'entreprise, l'un des hommes les plus riches d'Australie, et une bonne partie de son staff : "En juin 2010, onze personnes étaient mortes dans le crash d’un avion à environ 30 km de la ville minière de Yangadou (nord-ouest du Congo).L’appareil qui avait décollé de Yaoundé, transportait Ken Talbot, un Australien richissime et responsable de la compagnie minière australienne Sundance Resources, ainsi que cinq Australiens, deux Français, deux Britanniques et un Américain." Les accidents sont-il aussi fréquents que cela au Congo ? oui, sans nul doute, car certains ne passent pas les médias, n'ayant pas commis de victime : "Un avion cargo de type Antonov, exploité par la compagnie Aéro-service, a frôlé la catastrophe, samedi 24 octobre 2009, à l’aéroport international Maya-Maya, à Brazzaville. Il venait de se poser sur la piste de l’aéroport, quand, soudain, il en est ressorti, on ne sait par quelles manœuvres, et de se retrouver dans les herbes. Mais, plus de peur que de mal, le pire a été évité. Et l’équipage et le chargement, tous en sont sortis indemnes. Certainement, les causes de ce dérapage sont à rechercher au niveau du pilotage..." pouvait-on lire dans la "lasemaineafricaine.com"...
L'avion crashé le 21 mars dernier de la TAC (ou Trans Air Congo), posait davantage problème que ceux défaillants d'Aero Service. C'est en effet un Antonov bien connu du spécialiste belge Ruudleeuw, celui qui a répertorié tous les avions de Viktor Bout : "l’A6-ZYB de Dolphin Air a été acheté à une entreprise appelée Congo Air Trans à Kinshasa. Où avons-nous entendu parler d’eux avant ? Eh bien, vous souvenez peut-être d’une photo d’un Antonov 12, immatriculé 9L-LEC, n° 4341803, sur le terrain à Bagdad en Janvier 2004 portant le nom de « Skylink ». Plus tard, l’information a révélé qu’il avait été celui qui avait livré la nouvelle monnaie irakienne - un emploi, je me souviens bien, dans lequel Tim Spicer d’ Aegis avait eu quelque chose à voir. Cet avion a ensuite été photographié avec le logo TAC, à Kinshasa, avant d’être détruit dans un accident quelque part dans l’est de la RDC. Et d’où TAC avait donc obtenu un autre An-12, au numéro de série 4342404, je vous le demande ? De Santa Cruz Imperial de Dubaï. Et où à-t-il fini ? Quelque chose comme « Inter Transavia", une société enregistrée au Kirghizstan. " L'avion crashé avait le numéro d'origine 402006 et avait auparavant porté les numéros LZ-ASY et TN-AGK. LZ étant l'indicatif de la Bulgarie... pays fabriquant d'armes légères comme on le sait. Les avions de Bout sont donc très présents au Congo. La TAC possédant aussi un Gulfstream 1, venu de Lanseria.
Et le chargement habituel du TN-AGK fait dans le plus pur style de l'improvisation africaine... "C'est l'Afrique... tout est en pagaille !" note l'auteur du blog, qui nous gratifie d'un chargement en pleine piste de terre à Ouesso, du S9-PSM... pas loin du Gulfstream 1... L'engin, datant de 1965 avait été vendu par AeroAsia, qui n'était autre qu'un énième bureau de Bout situé à au Kazakhstan, à Almaty ! Dans ces donnés techniques, son numéro : le 5343006. En décembre 2007, il était au Burkina Faso. Ce vétéran avait eu plusieurs couches de peinture superposées : le 14 juin 2005, il se faisait photographier sous le numéro 4K-AZ32, au nom d'Azal Avia Cargo... à Kandahar, en Afghanistan... le 22 du même mois, il filait sur... Dubaï. L'auteur nous gratifiait juste après d'une belle épave en prime. Celle provenant du crash du 15 septembre 2007, de l'UR-CEN... de Veteran Airline. Son TG-16, sa génératrice auxiliaire, avait pris feu en vol, incendiant une bonne partie de l'avion... "L’avion avait commencé à brûler à 80 km de l’aéroport, avait réussi à se poser mais avait été entièrement détruit. L’appareil n’était pas de première fraîcheur, à en voir quelques mois auparavant les photos en Ukraine, sous le logo de "Humanitarian Air Services", le 3 août 2007. Un véritable avion poubelle !"Humanitarian Air Services", une société pourtant, dépendant de l’ONU..." avais-je déjà dit à son propos. Veteran Airlines étant, elle, un énième paravent de...Viktor Bout, sous la direction de son ami Andrey Petrenko ! En résumé, les avions de Viktor Bout ont fait de nombreux séjours à.... Pointe Noire. Le tout est de savoir pourquoi.
"Pointe-Noire, qui est aussi un port, et la capitale économique du Congo participe pour 90% aux recettes douanières congolaises" pouvait-on lire sur le compte rendu d'un réunion.. des douanes. Une activité économique prépondérante pour le pays qui a enrichi certains commerçants. Dont certains peu recommandables, mais ayant fricoté avec le pouvoir selon diverses méthodes, dont l'habituel graissage de patte. Dans le genre, une firme s'est illustrée. Et ce n'est pas n'importe laquelle, puisque son dossier était sur le bureau de la DEA américaine depuis un bon nombre d'années. "À Pointe-Noire, comme partout ailleurs au Congo, « Elissa Groupe » est vu comme un grand donateur qui fait des dons importants aux institutions de la République. En 2009, Elissa réhabilite le complexe sportif (handball, basketball et gymnastique, etc.) du lycée technique Poaty Bernard. Sans oublier l'érection la même année, d'une salle multimédia dans ce même établissement sous Pierre Michel Nguimbi, ancien ministre de l'enseignement technique et professionnel. En outre, comme une institution spécialisée dans l'humanitaire, Elissa, selon les indiscrets, a livré à crédit (40 millions de francs Cfa) des véhicules 4x4 aux différentes unités de la police nationale du Kouilou. Ce qui pourrait être vrai, car chacun des quatre commissariats de police de Pointe-Noire est désormais doté d'une Toyota Land Cruiser. D'autres médisants de la République parient qu'Elissa remet souvent gratuitement des voitures de luxe (Hummer, Infinity, Prado, Lincoln, ML, etc.) aux enfants des " Napoléon ". Lesquels d'ailleurs les exhibent dans toutes artères comme les fils de Ben Ali ou Moubarak" explique un bloggeur.
Un autre le fait remarquer également (et amèrement) : "Le lendemain, dès 8h, nous retrouvons "notre" sommité. L’homme nous fait monter dans son 4x4. A partir du stade Eboué, nous désirons nous rendre à l’école de peinture de Poto-Poto. Mais la circulation est difficile, pour ne pas dire impossible. Une longue file de 4x4, de foulas-foulas et de taxis roulent à pas d’escargot. De mon siège, je mate uniquement les 4x4, ces automobiles dont le luxe tranche avec la misère ambiante. En deux minutes, je n’en dénombre pas moins de 25. Des Rav4, des Prado et des Hummer, tous flambants neufs. Le Congo est-il réellement un PPTE (pays pauvre très endetté) ? Je me le demande. Plus tard, notre sommité dit : "Oui, le Congo est pauvre ! Mais certains Congolais sont riches, très riches, et chacun d’eux compte dans son parking au moins trois 4x4". En France, il m’est difficile de voir autant de 4x4 en une minute. A Brazzaville, sans 4x4, on n’est rien. Tous les ministres ou presque ont délaissé leur 607 pour les 4x4. Bonjour la pollution !"
Des véhicules, donc, offerts par la firme qui a bel et bien été l'objet d'une surveillance intense... pour trafic de drogue et blanchiment d'argent. L'affaire ayant été révélée au grand jour que fort récemment : "Au Bénin, la nouvelle est au centre des conversations dans plusieurs quartiers de Cotonou. Ce, depuis le 31 janvier dernier. Ce lundi, le quotidien privé " Le Béninois " publiait dans son numéro 1226 et à la page 3, une nouvelle qui, en réalité continue de monter comme la moutarde, au nez de Mohammed Karroubi, responsable d'Elissa-Groupe. Le surtitre de notre confrère Jean Kingla est aussi bien informatif qu'attractif : " Elissa-Groupe sur la liste noire de l'agence anti-drogue américaine Dea ". Et Jean Kingla attaque vivement : "Un vaste réseau libanais de trafic de drogue et de blanchiment d’argent avec ramifications en Afrique, serait dans le collimateur des Etats-Unis". Le 26 janvier 2011, confirmation était en effet arrivée de la DEA accusant nommément Ayman Joumaa, l'Assan Ayash Exchange Company, l' Ellissa Exchange Company, et la New Line Exchange Trust Co. Le frère de Journnaa Akram Saied Joumaa étant le directeur du Caesar’s Park Hotel (de Beyrouth). Au Liban, c'est Phenicia Shipping Offshore SARL, des compagnies basées au Panama comme Goldi Electronics S.A. et Zona Libre International Market S.A., mais aussi directement en Colombie telles qu'Almacen Junior, Almacen Junior No. 2 et Commercial Planeta qui sont toutes accusées de trafic de cocaïne. Un journaliste de RFI avait donc levé un gros lapin ! Les libanais avaient été dénoncés en même temps que le chef d'état-major de l'armée de l'air de Guinée N-Bissau, Ibrahima Papa Camara, et Jose Américo Bubo Na Tchuto, l'ancien chef d’état-major de la Marine, tous deux présentés comme les grands responsables du trafic de drogue... le lien entre la Guinée Bissau et le port de Pointe Noire existe, pour sûr.
"Il s'agit donc des ressortissants libanais impliqués dans un trafic de drogue et de blanchiment d'argent. Parmi eux, le très multi milliardaire, Mohammed Karroubi, Béninois d'origine libanaise dont les sociétés existant dans beaucoup de pays du monde, ont été inscrites sur la liste noire de US Dea. Selon Le Béninois, en guise des mesures conservatoires, toutes les marchandises de Karroubi notamment les voitures, auraient été saisies par les douanes du pays de l'Oncle Sam. Le Béninois n'est pas le seul organe de presse à avoir abordé ce sujet qui défraie la chronique. D'ailleurs, la question a été soulevée le 28 janvier par Christophe Champin, journaliste de Rfi dans le blog de la " radio mondiale ". A en croire Christophe, le bureau américain de contrôle des avoirs étrangers (Office of Foreign Assets Control en sigle OFAC) aurait dénombré neuf personnes et dix neuf structures impliquées dans le trafic de drogue et blanchiment d'argent. Et le " gourou " de ce trafic s'appellerait Ayman Joumaa. Lui qui selon OFAC, "a coordonné le transport, la distribution et la vente de cargaisons de plusieurs tonnes de cocaïne à partir de l'Amérique du sud et a blanchi les bénéfices de ce trafic en Europe et au Moyen-Orient ". Evidement, la contre-attaque n'avait pas tardée, un site (celui de "rochereau") venant mettre en cause la thèse du journaliste de RFI, Christophe Champin, à l'origine des accusations. Mais les faits étaient bien là : "Et l'activité aurait déjà procuré à Joumaa et sa bande une richesse de plus de 200 millions de dollars américains (environ 1 milliard de francs Cfa, au cas où un dollar vaut 500 francs Cfa, Ndlr). Une fortune qui sans doute permet à Mohammed Karroubi de faire " des grands signes de générosité à l'endroit du gouvernement du Bénin ", selon l'expression du quotidien béninois. Dons ou pas, il n'empêche : le transport, la distribution et la vente de cargaisons de plusieurs tonnes de cocaïne à partir de l'Amérique du sud et le blanchiment de l'argent passait bien par... Pointe Noire ! ET impliquait des personnes très en vue !
"Pas de drogue dans le port", continuent à clamer les autorités ? Ce n'est pas ce qui est dit le site Talassa, qui laisse entrevoir bien des "trafics" : "Il se passe des choses très louches au Port Autonome de Pointe-Noire : trafic d’influence, conflit de compétence, réseaux maffieux et vol ou détournement des voitures et bien d’autres marchandises de valeur prennent des directions inconnues, etc. Depuis quelques mois, le Port Autonome de Pointe-Noire est devenu la plaque tournante des trafics illicites, au regard de l’ouverture maritime du Congo aux transactions internationales incontrôlées par les services spécialisés du Port, des douanes, de la police et autres transitaires impliqués dans la gestion administrative des installations portuaires de Pointe-Noire. En effet, la Direction départementale des douanes est constamment victime des injonctions faites dans les différents services spécialisés du port de Pointe-Noire par un groupe de citoyens appartenant semble-t-il à la famille présidentielle ou au pouvoir diabolique de Mpila. Sans honte, ces opportunistes qui ont pignon sur rue, se présentent très souvent au Port Autonome de Pointe-Noire sous le label « protégé et déposé » du couple présidentiel Sassou Nguesso, enfants, envoyé de tels ministres ou tels généraux dans le but d’intimider et de bénéficier des facilités douanières. Voilà une clique de mafieux impénitents qui ternit l’image de Sassou Nguesso et de Maman Anto ! Très remarqués au Port Autonome de Pointe-Noire où ils affichent un air très hautain, ces truands « tribalistes et intégristes » qui se disent originaires d’Oyo tout en se réclamant de la famille présidentielle ou du pouvoir, perturbent sans cesse la bonne marche du travail, mettant ainsi en difficulté les services de douanes, de la police, des impôts en service au Port Autonome de Pointe-Noire".
Alors que vient donc y faire le Groupe Bolloré, chassé il est vrai du port de Dakar (Sénégal) par Dubaï Ports World ? Car ses ambitions sont immenses."Regardez l’état des quais", soupire le directeur de l’exploitation, Laurent Palayer, en montrant le lent ballet des engins de manutention. "L’infrastructure date du Front populaire", ajoute le directeur général de Bolloré Africa Logistics, Dominique Lafont. Faute d’équipements à terre, le premier port congolais ne peut accueillir que les navires avec grues intégrées, déchargeant eux-mêmes leur cargaison". C'est la même chose que pour les voies ferrées, visiblement ! C'est tout le pays qui est à l'abandon ! Car comme le dit l'attaché de presse du groupe "Pour Pointe-Noire, Bolloré voit grand. Il veut multiplier par six le trafic du port (200 000 conteneurs par an) d’ici à 2036 et en faire un hub régional. Le port d’attache des plus gros navires, dont la cargaison sera ensuite acheminée vers les pays voisins par petits bateaux. Le groupe a promis d’investir 570 millions d’euros, dont 70% au cours des huit prochaines années. "Pour mener un tel projet en pleine crise, il faut des tripes", sourit Dominique Lafont. Bolloré va construire un quai de quinze mètres de profondeur, le premier d’Afrique de l’Ouest capable d’accueillir les porte-conteneurs de cinquième génération, ces géants des mers transportant 7 000 "boîtes" d’un coup. D’ici à la fin du mois, deux grues géantes doubleront la vitesse de déchargement des navires". Faudra aussi penser à s'équiper d'une équipe de surveillance de quais... possédant des chiens renifleurs ! Bizarrement, le même groupe avait aussi "remporté mi-août l’appel d’offres du port de Cotonou (Bénin) face au danois Maersk"... pour l'instant, les travaux à Pointe Noire avancent... dans ce port démuni au départ de grues. Il devrait y en avoir 14 à quai, et 38 en parc pour gérer les containers. Et 27 ans de travaux, la durée de la concession accordée...
"La constitution du Congo, adoptée par référendum le 20 janvier 2002, établit un régime présidentiel. Le Président de la République Denis Sassou Nguesso est arrivé au pouvoir à la suite de la guerre civile de 1997, guerre civile qui se déclencha suite à l'attaque du 5 juin 1997(soit quelques mois avant la fin du mandat de Pascal Lissouba) déclenchée par le président Pascal Lissouba, élu depuis 1992 pour un mandat de 5 ans. Denis Sassou Nguesso remporta cette guerre civile le 15 octobre 1997, avec le soutien de certains États étrangers notamment l'Angola d'Eduardo dos Santos. Il se proclama alors président de la République du Congo".
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